
François Mauriac
Mauriac - Ses origines
François Mauriac
né le 11 octobre 1885 à Bordeaux et mort le 1er septembre 1970 à
Paris, est un écrivain français. Lauréat du Grand prix du roman de l'Académie française en
1926, il est élu membre de l'Académie française au fauteuil n° 22 en 1933. Il reçoit
le prix Nobel de littérature en 1952.
Issu d'une grande famille bordelaise, l’écrivain, prix Nobel et membre de l’Académie française se
définissait comme un auteur engagé.
François Charles Mauriac naît dans la maison familiale du
86, rue du Pas-Saint-Georges
à Bordeaux.
Il est le dernier d'une fratrie composée d'une sœur aînée, Germaine (1878-1974) et de trois
frères, Raymond (1880-1960), Jean (1881-1945) et Pierre (1882-1963).
Son père, Jean-Paul Mauriac (né le 22 mai 1850 à Saint-Pierre-d'Aurillac) est un marchand de
bois merrains, banquier et propriétaire terrien dans les Landes de Gascogne, qui avait le goût des
lettres mais qui, en sa qualité d'aîné, fut dirigé vers les affaires. Il a épousé à Bordeaux, le 14
janvier 1878 Marguerite, Marie Claire Coiffard (née le 14 novembre 1853 à Bordeaux),
héritière d'une famille du négoce bordelais, Jean-Paul Mauriac meurt prématurément le 11 juin
1887 à Bordeaux à 37 ans des suites d'un « abcès au cerveau ». Marguerite Mauriac meurt le 24
juin 1929 à Lanton.
François Charles Mauriac...
Un résumé rapide de sa vie.
François Charles Mauriac
Naissance 11 octobre 1885 - 86, rue du Pas-Saint-Georges à Bordeaux
(France)
Décès 1er septembre 1970 à 84 ans Paris (France)
Nom de naissance François Charles Mauriac
Pseudonymes Forez - François Sturel
Nationalité Française
Formation École des chartes - Lycée Sainte-Marie Grand Lebrun -
Université de Bordeaux
Activités romancier, dramaturge, critique, journaliste, poète, rédacteur
à Temps présent, Le Figaro, L'Express
Fratrie Germaine (1878-1974) - Raymond (1880-1960) - Jean (1881-1945) - Pierre (1882-1963).
Conjoint Jeanne Mauriac
Enfants Claude Mauriac - Claire Mauriac - Luce Mauriac - Jean Mauriac
Sa signature
François Mauriac sur Wikipedia
La Jeunesse de François Mauriac
1843 - L’arrière-grand-père paternel, Jean Mauriac, achète pour la somme de 28 000 francs,
sur les coteaux de la Garonne proches de verdelais, la propriété de
Malagar
(encore orthographiée « Malagarre » qui veut dire « mauvaise garenne »).
Son père, François Mauriac, meurt après une brève agonie. L’absence de son père scellera à jamais
l’enfance et le destin tout entier de François Mauriac, livré à l’éducation maternelle faite de
tendresse anxieuse et de rigoureuse piété. Toute sa vie, Mauriac se demandera quel eût été son
destin, moral et spirituel, si son père avait vécu. Le frère de Jean-Paul Mauriac, Louis, devient le
tuteur des enfants (il sera « l’oncle Xavier » du Mystère Frontenac).
La jeune veuve et ses cinq enfants s’installent rue DuffourDubergier, dans un appartement
appartenant à la grand-mère maternelle : Irma Coiffard.
Orphelin de père à vingt mois, François Mauriac vit toute son enfance très entouré par une mère très
pratiquante, dont il est le fils préféré et celui qui gère toutes les affaires familiales, par sa
grand-mère Irma Coiffard (née Abribat) et sous le tutorat de son oncle, Louis Mauriac, magistrat
(seul frère cadet de son père). N'ayant pas connu son père, il en interpréta les sentiments
profondément laïques et républicains comme contrepoids au formalisme religieux maternel.
1888 - Mort d’Irma Mauriac (née Lapeyre), la grand-mère landaise.
1890 - Mort de Jacques Mauriac, le grand-père, qui vit à Langon.
François Mauriac entre au jardin d’enfants de la rue du Mirail où il a son premier contact avec la
rudesse des autres enfants. Une paupière déchirée au cours d’un jeu lui vaudra le surnom de «
Coco bel-œil ». La trace de cette blessure ne s’effacera jamais.
François Mauriac apprend à lire et à écrire chez la sœur Adrienne, avec Martial-Piéchaud, son plus
vieil ami bordelais. Il fait à partir de 1892 ses études primaires chez les Marianistes de
l'institution Sainte-Marie.
1894 - La famille s’installe dans un bel appartement, rue Vital-Carles, au coin du cour de
l’Intendance.
Outre les divers logements que la famille occupe à Bordeaux, son adolescence est marquée par
plusieurs lieux girondins qui tous, marqueront profondément son œuvre : Gradignan où sa grand-mère
Irma possède le « Château-Lange », les Landes de Gascogne autour de Langon, Verdelais et
surtout l'été à
Saint-Symphorien
tous ces bourgs dominés par la bourgeoisie viticole ou ayant fait
fortune dans l'exploitation forestière, aux climats lourds de secrets étouffés qu'il peindra dans la
plupart de ses romans.
1897 - Premiers essais poétiques, balbutiements recueillis dans un carnet sous le titre de
Morceaux choisis et divisés en deux parties : Fables anciennes et modernes.
1898 - Une tentative plus ambitieuse : composition probable de Vat’en ! « grand roman
inédit » dédié à sa sœur Germaine. Ce sera
aussi l’année de l’entrée au collège de Grand-Lebrun à Caudéran, chez les frères de Marie.
1901 - Élève de rhétorique, il a pour professeur l’abbé Péquinot qui exerce sur lui une
influence profonde. Il découvre Pascal, Baudelaire et Rimbaud. Il se lie d’une amitié admirative
avec l’un de ses condisciples,
1902 - La mort de sa grand-mère Irma est un profond choc pour l'adolescent. Il constate la
profonde hypocrisie de sa famille religieuse et bourgeoise qui se partage déjà l'héritage à côté de
l'agonisante.
1903 - François Mauriac échoue au baccalauréat de philosophie et doit redoubler, préférant
refaire une année au lycée public de Bordeaux. Dans cet établissement, il a notamment pour
professeur Marcel Drouin, beau-frère d'André Gide, qui lui fait découvrir les textes de Paul
Claudel, Francis Jammes, Henri de Régnier, Arthur Rimbaud, Charles Baudelaire, Colette et André Gide
(notamment L'Immoraliste et Les Nourritures terrestres qui le marqueront), tous proscrits dans sa
famille et chez les pères, finissant ainsi de constituer son corpus littéraire personnel. Il
découvre également à cette époque les textes et idées de Maurice Barrès qui marqueront sa jeunesse.
Il est atteint d’une pleurésie, maladie qui redouble l’inquiétude maternelle.
1904 - Après son baccalauréat obtenu en juillet, il étudie la littérature à la faculté de
Bordeaux, sous la direction de Fortunat Strowski. Il a alors pour condisciple Jean de La Ville de
Mirmont ( futur auteur de L’Horizon chimérique) et se lie d'amitié avec André Lafon.
1905 - François Mauriac est attiré par le mouvement chrétien « progressiste » du
Sillon, animé par Marc Sangnier (un des frères de Mauriac, Jean, qui devait entrer au séminaire,
était silloniste). Le 10 avril, Mauriac assiste à une conférence de Marc Sangnier à Langon : « …il
évoque Jésus même au milieu de nous…On ne voit plus que son âme… ». Mouvement catholique «
ouvriériste » dont il se sent proche.
1906 - Avril. Mauriac est réformé. 28 mai, Il assiste, à Bazas, au procès de Mme Canaby,
accusée d’une tentative d’assassinat sur son mari. Germe enfoui de Thérèse Desqueyroux.
Juillet. Il est recalé à l’oral de la licence de lettres, mais sera reçu à la session d’octobre.
Il envisage de préparer une thèse sur « les origines du franciscanisme en France ».
Il se lie d’amitié fraternelle avec le lumineux poète André Lafon, futur auteur de L’Élève
Gilles.
1907 - Il joue son destin en préparant le concours d’admission à l’École des Chartes : « Si
je réussis, ma vie est fixée. Il n’est
pas désagréable d’avoir une vie paisible dans quelque bibliothèque de province. »
Vacances à Zermatt, puis à Malagar.
Abandonne le Sillon, mais reste attaché au « catholicisme social ».
Année d’incertitude. Le 15 septembre, Sa famille l'envoie avec une rente annuelle de 10 000 francs à
Paris, où il s'installe le 16 septembre 1907, tout d'abord dans une pension étudiante de
frères maristes au n° 104 de la rue de Vaugirard.
Fin octobre. Échec à l’oral d’admission à l’École des Chartes.
1908 - Il quitte le 104, rue de Vaugirard à cause des étudiants de l’Action française.
S’installe à l’hôtel.
En novembre, il est reçu à l’École des Chartes.
Plus tard, il écrira en effet que ces études lui convenaient « comme le métier de coiffeur à une
écrevisse ».
1909 - Mort de Raymond Laurens, son cousin, compagnon habituel de vacances à
Saint-Symphorien.
Mauriac emménage au 45, rue Vaneau.
Rencontre François Le Grix et retrouve André Lafon à Paris.
Pâques - Il démissionne de l’École des Chartes et commence à écrire. Charles-Francis Caillard
fait de lui le critique poétique de sa Revue du temps présent avant d’éditer son propre recueil de
poèmes à compte d’auteur.
Novembre - Parution des « Mains jointes » (pour lequel un ami, le poète
bordelais Jean de la Ville de Mirmont, a trouvé le titre). Succès d’estime.
François Mauriac au fil du temps
Source
Sources : © Biographie de François Mauriac, rédigée par Michel Suffran, à l’occasion du centenaire de la naissance de François Mauriac
1910 - C’est la consécration ! Le 21 mars, le grand Barrès salue «
Les salons s’ouvrent au poète. Chez Mme Alphonse Daudet, il fait la connaissance de Jean Cocteau.
Mai - Récital poétique à la Sorbonne. Julia Bartet lit des poèmes des Mains jointes.
Mauriac rédige fiévreusement son roman, Jean-Paul (première ébauche de L’Enfant chargé de chaînes).
1911 - Projet de fiançailles avec la troisième fille du musicien Ernest Chausson, la «
mystérieuse » Marianne. Rupture douloureuse
quelques mois plus tard.
Publication du second recueil de poèmes : L’Adieu à l’adolescence.
Pèlerinage à Orthez, auprès de Francis Jammes, le maître vénéré, avec André Lafon.
1902 - Au cours de l’été, au Casin, la maison de Jeanne Alleman (qui écrira sous le
pseudonyme de Jean Balde), à Latresne, il rencontre Jeanne Lafon, (née le 12 octobre 1893 à Oran).
Vive attirance réciproque.
Mauriac demande la main à son père le 5 août. Refus qui s’adoucit durant l’automne.
Lettre à sa fiancée Jeanne Lafon
Lettre à sa fiancée Jeanne Lafon
Cette lettre d'août 1912 (il a 27 ans) montre un Mauriac d'une extrême tendresse,
presque paternelle (elle a huit ans de moins que lui)
« J'arriverai jeudi, de bonne heure. Votre papa a été inflexible mais charmant. »
Je vous aime parce que vous êtes vous; ne croyez pas que je vous « embellisse »...
Comment le ferais-je puisque vous dépassez tous mes rêves, puisque vous êtes l'enfant
que j'attends depuis toujours? Il y a de l'ombre en vous, de l'ombre et du silence, et
c'est cela que j'ai cherché, sans le trouver jamais. Dieu ne voulait point qu'une autre
que vous me fît ce don merveilleux. Quand il voyait mes soirs de solitude et mes larmes
secrètes, il savait le bonheur inconnu qui m'attendait de toute éternité dans un vieux
salon de campagne au bord d'un fleuve triste...
C'est Jeanne Lafon qui le transplantera du Bordelais vers l'Ile-de-France, plus
exactement ce qui était alors la Seine-et-Oise, à Vémars. Sa famille y avait ses
origines et sa maison (qui existe toujours, et a été transformée en mairie-musée).
Mauriac avait parlé de ce pays quasi claudélien, dans les années 1920, comme d'« une
campagne empoisonnée d'engrais et où tournent les corbeaux à peine plus noirs que le
ciel. »
Mais dans son Journal de 1940, il en parle bien autrement: « Je sais que sous
ces ombrages saturés d'eau et dans ce soleil trouble, l'esprit jouit de son propre
éveil. » Il a épousé Jeanne en 1913, et a eu d'elle Claude (1914), Claire
(1917), Luce (1919) et Jean (1924).
1913 - Mai. Son premier roman, L’Enfant chargé de chaînes, paraît chez Grasset.
François Mauriac épouse, le 3 juin, à Talence, Jeanne Lafon. Jeanne Lafon est la fille de Marc Lafon
(1857-1919), polytechnicien et inspecteur des finances, alors trésorier-payeur général de la
Gironde, et de Léonie Bouchard (1862-1963). Elle est la petite-fille de Léon Bouchard
(1830-1904), premier président de la Cour des comptes et maire de Vémars (commune du
Val-d'Oise), et la petite-nièce de l'historien Gustave Fagniez (1842-1927). C'est par la
famille Bouchard, implantée à Vémars depuis des générations, que François Mauriac héritera du
château de la Motte au nord de Paris, où il habitera souvent sous l'occupation et à la fin de sa
vie.
Voyage des noces - lacs italiens, Saint-Moritz.
Novembre - Emménagement au 89, rue de la Pompe à Paris.
1914 - Naissance de Claude Mauriac, le 25 avril.
Juin - Parution du deuxième roman : La Robe prétexte.
Dans La Voix de Clichy, journal dirigé par l’abbé Daniel Fontaine, Mauriac publie ses premiers
articles de polémique politique, signés François Sturel. Il combat l’anticléricalisme des radicaux.
En août 1914, au moment de la déclaration de la guerre, il est à Malagar où il écrit Les
Beaux Esprits de ce temps et Lacordaire qui resteront inachevés.
13 août - S’enrôle dans les brancardiers du grand séminaire de Bordeaux.
Décembre. Le Conseil de révision confirme la décision de réforme. Jean de la Ville meurt au combat.
1915 - En mars, dernière visite d’André Lafon à Malagar.
5 mai - Mort d’André Lafon à l’hôpital militaire de Bordeaux.
Mauriac s’engage « dans les formations du front de la CroixRouge […]. Ainsi, errai-je de Châlons
à Toul et dans la région de Verdun, ne pouvant servir à rien ni à personne, le plus inutilisable
des êtres ».
1916 - Volontaire pour Salonique. Il s’embarque à Toulon, le 2 décembre, à bord du Bretagne.
À son arrivée, le 9, il est affecté à l’hôpital de la Croix-Rouge.
1917 - Rapatriement d’un François Mauriac « épuisé par la fièvre ». Il passe sa
convalescence à Malagar, à Arcachon et à SaintSymphorien.
Juin - Retour à Paris. Rencontre Gide et Valéry.
5 août - Naissance de Claire Mauriac.
1918 - 4 février - Chez Mme Alphonse Daudet, il rencontre Proust : « Celui des écrivains
vivants que je souhaitais le plus connaître. » Intense activité littéraire dont rien ne
sort dans l’immédiat.
Mars - Séjour désemparé à Bordeaux et à Malagar.
1919 - Début de la collaboration au Gaulois, puis à l’Écho de Paris.
17 avril - Naissance de Luce Mauriac.
Mai-juin - Convalescent d’une pleurite, il doit aller se reposer à Argelès. Écrit la première
version du Fleuve de feu.
1920 - « À partir de là, mes livres jalonnent ma vie et leur histoire constitue mon
histoire visible. »
Parution de La Chair et le Sang et des Petits essais de psychologie religieuse.
Travaille à Dormir plutôt que vivre, première version du «
Publie Le Visiteur nocturne (nouvelle).
1921 - Parution, dans la Revue des jeunes de sa nouvelle : La Paroisse morte, puis de «
1922 - Le Baiser au lépreux, le premier de ses livres dont il « ne rougisse pas », connaît un
succès immédiat et éclatant : paru en février, il atteint en mai 18 000 exemplaires.
La Nouvelle Revue française commence la publication du Fleuve de feu : « Douze ans après Les
Mains jointes, il me fallut donc douze ans […] pour rejoindre enfin le groupe littéraire auquel
j’étais le mieux accordé. »
1923 -
1924 - Parution de La Vie et la mort d’un poète, hommage fervent et fraternel à la mémoire
d’André Lafon. La revue Demain publie
Le Mal. Mauriac est si mécontent de ce récit bâclé qu’il renonce, au dernier moment à la parution en
librairie. Quatorze exemplaires en furent tirés sur papier d’épreuves.
Maladie de son fils Claude (pneumonie).
15 août - Naissance de Jean Mauriac.
1925 - 6 mars. Parution du
Participe à la Décade de Pontigny avec du Bos, Maurois, R. Martin du Gard.
Son troisième recueil de poèmes, Orages, paraît en septembre.
Décembre - Déclaration d’apolitisme et d’antiparlementarisme faite aux enquêteurs de la Revue
hebdomadaire, quoiqu’en juin Mauriac ait approuvé la guerre du Rif.
1926 - Année de ressourcement.
Publication de nombreux essais ou textes autobiographiques : Le Jeune homme, Bordeaux ou
l’adolescence,
Lauréat du grand prix du roman de l’Académie française.
Fêtes du nouvel an. La mère de Mauriac partage ses propriétés. Il devint possesseur de Malagar.
1927 - Parution du roman symbole qui consacrera sa gloire et ouvrira ses rapports mystérieux
avec la plus obsédante de ses
héroïnes :
Rencontres avec Jacques Maritain.
Publication de la nouvelle Conscience, instinct divin.
1928 - Au faîte même de sa réussite, Mauriac est atteint d’une angoisse obscure, à la fois
spirituelle, affective, morale. Son
roman Destins vient de paraître. Il se plonge dans ce voyage, au bout de sa propre nuit intérieure
d’où sortira Souffrances du chrétien.
Son ami Charles du Bos, conscient de sa détresse, lui a fait connaître l’abbé Altermann, âme de
proue, qui prend en charge sa dérive.
1929 -
Fin mai - Il part pour l’Espagne avec quelques amis, dont Ramon Fernandez. Voit sa mère, rue
Rolland, à l’aller mais ne peut s’arrêter à Bordeaux lors du retour ainsi qu’il le désirait.
Sa mère meurt le 24 juin, sans qu’il l’ait revue. Cette épine restera jusqu’au bout dans la chair de
son âme.
Août - Décade à Pontigny. Découvre un Malraux « presque génial ».
1930 - Fondation de Vigile avec du Bos et l’abbé Altermann : une « revue catholique qui,
face à la N.R.F. eût constitué un centre
de ralliement pour les nouveaux convertis ». Cette tentative n’aura qu’une durée éphémère.
Écrit et publie Ce qui était perdu (roman catholique qui était mal accueilli par la critique
catholique), et Trois grands hommes devant Dieu (Molière, Rousseau, Flaubert).
Quitte son appartement de la rue Vanneau pour celui de l’avenue Théophile-Gautier qu’il occupera
jusqu’au bout.
1931 - Année d’interrogation spirituelle ; paraissent successivement :
1932 - Parution du
Il commence à écrire, dans l’incertitude de son destin, ce recours en grâce et ce retour aux sources
que sera Le Mystère Frontenac.
Juillet - Retour au journalisme à L’Écho de Paris.
1933 - Février. Parution du
Juillet - Publication du Romancier et ses personnages, bilan et méditation sur son art.
16 novembre. « Élection de maréchal » à l’Académie française au fauteuil n°22 d’Eugène Brieux. Il a
pour parrains Henry Bordeaux et Paul Valéry. Elu au premier tour contre Edmond Sée par 28 voix et 3
bulletins blancs sur 31 votants. Sa réception sous la Coupole, compte parmi les moments marquants de
l’histoire de l’Académie. François Mauriac eut à subir les subtiles perfidies dont André
Chaumeix
émailla son discours de réception. Cet auvergnat, conservateur et hédoniste, goûtait peu en effet la
noirceur de l’œuvre mauriacienne : « Vous êtes le grand maître de l’amertume... Cependant, quand
j’ai lu vos livres, j’ai cru que vous alliez troubler l’harmonieuse image que je garde de votre
région... J’ai failli prendre la Gironde pour un fleuve de feu et la Guienne pour un nid de
vipères... » Réponse intégrale de M. André
Chaumeix
Première épée d'académicien créée par Cartier : La foi de François MAURIAC qui anima toute son œuvre
est évoquée par la croix discrète qui orne le bouton. Sur la fusée, des serpents enlacés étroitement
sont une référence au titre d’un des plus célèbres romans le Nœud de vipères. La
branche est parcourue d’une guirlande de pampres, rappel de Bordeaux et du pays girondin où naquit
et vécut l’écrivain et qu’il a si souvent décrit dans ses œuvres.


1934 - Le spectre de la maladie s’éloigne peu à peu. Une fièvre combative s’empare de
Mauriac. Ses chroniques l’orientent vers le combat politique, la polémique. Il abandonne L’Écho de
Paris pour Le Figaro de Pierre Brisson, « …car j’avais affaire à des directeurs et surtout à un
public avec lequel c’est peu de dire que je n’étais pas accordé ».
Collabore à Sept, hebdomadaire catholique démocrate.
Publication du premier tome de son Journal.
1935 - Parution de La Fin de la nuit qui mène Thérèse Desqueyroux au terme de ses routes
terrestres.
Soutient (en vain) la candidature de Claudel, face à Farrère, à l’Académie française.
S’engage contre l’invasion de l’Éthiopie par les troupes mussoliniennes.
1936 -
Publication de son admirable
Apporte son appui moral aux républicains espagnols.
Présidence des Amis des Basques. Conseillé par Édouard Bourdet, il travaille à sa première pièce :
Asmodée.
Il décide de rétablir le Livre de raison de Malagar, qui n’avait pas été tenu depuis 40 ans.
1937 - Premier billet antifranquiste dans Temps présent, hebdomadaire catholique «
engagé » qui a succédé à Sept. « Il s’agit pour moi, comme pour Maritain et Bernanos,
de dégager l’Église d’une compromission mortelle. »
25 octobre - Organise, avec Claudel, au Théâtre des ChampsÉlysées, un hommage à Francis
Jammes, en présence du vieux poète qui fut son maître et qui mourra un an après.
22 novembre - Générale triomphante d’Asmodée à la Comédie-Française.
À Malagar, Mauriac plante 130 cyprès sur la terrasse et le long des vignes au midi.
1938 - Publie Plongées, nouvelles (recueil contenant des résurgences de l’obsédante Thérèse
Desqueyroux : « Thérèse à l’hôtel » et
« Thérèse chez le docteur »).
Travaille aux Chemins de la mer.
Dénonce l’apathie de l’Europe libre devant le « Minotaure » hitlérien en de véhéments
articles du Temps présent.
Après l’Anschluss, il préside un centre d’accueil pour réfugiés autrichiens (presque tous des
juifs).
1939 - Parution des Chemins de la mer et des Maisons fugitives.
Février. Dans un article de la N.R.F., « M. Mauriac et la liberté », Jean-Paul Sartre
attaque violemment la conception romanesque de Mauriac, l’accusant d’être le Dieu omniscient de ses
personnages.
La déclaration de guerre, comme en 1914, surprendra Mauriac à Malagar.
Le premier séjour de Gide dans un Malagar restauré et agrandi est « très réussi ».
24 août - Visite très particulière à Malagar : «
Soixante
petits Espagnols réfugiés
du camp de Verdelais viennent goûter […] avec leurs instituteurs. » L’auteur était entré en
relation avec eux dès leur arrivée à Verdelais, et en remerciement pour l’attention qu’il leur
portait, ces élèves lui offrirent un cahier d’écolier qui s’ouvrait sur une dédicace qui ne pouvait
que le toucher. Les petits Espagnols manifestaient leur espoir de retrouver bientôt leur pays :
Mauriac savait déjà que l’Europe allait très vite être plongée dans un autre conflit où il faudrait
affronter cette fois directement un autre dictateur, Hitler, qui avait contribué à la victoire de
Franco.
1940 - Publie en mai son grand poème, clef de voûte secrète de son œuvre : Le Sang d’Atys.
Mai - Abandonne Paris et, par les routes déjà encombrées des hordes misérables de l’exode,
gagne Malagar, son refuge, sa
« querencia ».
19 juin - François Le Grix arrive à Malagar « dirigeant une caravane de 17 personnes dont
plusieurs gosses ». Ce sont les réfugiés qui seront hébergés pour la nuit.
29 juin -. Mauriac est nommément attaqué à la radio allemande.
1er juillet - « Les Allemands à Malagar, après une journée d’émotion hier (des
motos sont venues plusieurs fois) nous en
sommes quittes jusqu’à présent avec une antenne de TSF, avec une voiture dans le verger. Les
hommes (3 ou 4) se coucheront dans le grenier à foin. »
27 décembre - Des bruits de bottes dans la maison profanée...froid noir. Le «
Kommandant » vient habiter ici. Il passe la soirée avec nous. Très correct. Très aimable.
Il restera quelques mois.
Travaille à La Pharisienne, refuge contre l’angoisse des temps.
Le vin de Malagar est acheté par la maison Bert qui s’était engagée avec la Belgique pour la vente
du malagar comme vin de messe. « Ainsi, le vin de Malagar ne servira qu’à la
transsubstantiation. »
1941 - Dès la parution de La Pharisienne, Mauriac est ouvertement attaqué par les
thuriféraires de l’ordre nouveau et désigné comme « agent de désagrégation » de la
conscience française.
À Malagar, Mauriac commence sa Lettre à un désespéré pour qu’il espère, cri de la révolte d’où
sortira
Puis il se plonge, pendant l’hiver, dans la rédaction d’une biographie de Sainte Marguerite de
Cortone.
1942 - Adhésion au mouvement de résistance le « Front national des écrivains ».
Participe à la presse clandestine (Les Lettres françaises). S’oppose à la N.R.F., qui paraît sous
licence de l’occupant. Publie dans Poésie 42, que dirige Pierre Seghers, Fragment d’Endymion . Pour
la presse « collaborationniste » il est plus que jamais l’homme à abattre, ou du moins à
calomnier.
1943 - Publie aux éditions de Minuit (où paraît aussi Le Silence de la mer de Vercors), sous
le pseudonyme de Forez, ce plaidoyer pour la dignité de l’homme : Le Cahier noir (essai), qui va
être diffusé sous le manteau et qui gagnera Londres.
18 septembre - « Il y a aujourd’hui 100 ans que mon arrière grand-père achetait Malagar.
J’avais rêvé d’une fête qui eût réuni toute la famille, ce jour-là, dans la vieille maison.
»
Septembre - La Résistance apprend à Mauriac qu’il doit quitter Malagar et se cacher car il
risque d’être arrêté « d’un instant à l’autre ». Il se réfugie à Paris d’où, en octobre, il
entend de Gaulle le citer depuis Radio Alger.
11 novembre - Réfugié à Vémars, près de Roissy, propriété venue de la famille de Mme Mauriac.
1944 - Le 25 août, en pleine insurrection, Le Figaro publie son premier éditorial.
L'image du Figaro
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30 août - Libération de Vémars.
1er septembre - Première rencontre avec le général de Gaulle.
Publie à petit tirage, chez Seghers, Les Arbres et les pierres. Il est déjà « tourmenté par les
premiers excès de l’épuration », jugements sommaires et règlements de comptes. Il prêche,
dans Le Figaro, la clémence seul contre tous et entretient une polémique avec le Camus de Combat,
qui tient de la ligne pure et dure. Les journalistes lui donnent le nom de « Saint-François des
Assises ».
1945 - Le Bâillon dénoué… (recueil d’articles parus d’août 1944 à mars 1945). Parution de
Sainte Marguerite de Cortone.
1er mars - Première représentation des Mal-aimés à la Comédie-Française... Grand
succès.
Mauriac parvient à sauver la tête d’Henri Béraud, accusé de collaboration, mais son intervention
personnelle auprès de Gaulle pour empêcher l’exécution de Brasillach va échouer.
Rupture avec le Comité national des écrivains, polémique avec les communistes : « Anticommunisme
? Non. Antistalinisme ? Oui. » Les journaux communistes (surtout Action où brille Pierre
Hervé) intensifient leurs attaques contre lui.
18 septembre - « Après deux ans, presque jour pour jour, je me retrouve dans ce Malagar
que j’avais dû quitter à la hâte sur avis de la Résistance. »
1946 - Son activité de journaliste - ou plutôt de témoin - se déploie dans « le sombre monde
des vivants ». Vive polémique avec le « stalinien » Pierre Hervé qui entend dénoncer « les menaces
du cléricalisme français ». Dès lors, la rupture est consommée avec la fraction extrémiste de ses
anciens compagnons de lutte clandestine.
6 juin - Grand officier de la Légion d’honneur.
1947 - Publie Du Côté de chez Proust, fragment de ses Mémoires.
13 mars - Il reçoit Paul Claudel à l’Académie française.
16 mai - Spectateur critique de la réunion gaulliste à Bordeaux.
9 décembre - Première de Passage du Malin au théâtre de la Madeleine. Accueil hostile de la
critique.
1948 - Première ébauche de L’Agneau. La rédaction commence en octobre mais sera interrompue.
Sexagénaire, Mauriac publie son Journal d’un homme de trente ans, témoignage de ses années de crise.
Participe à la fondation de la revue La Table ronde dans l’espoir d’y réunir, par-delà toute
frontière politique, des écrivains venus d’horizons différents. Expérience à la fois instructive et
décevante. Elle révèlera toutefois quelques jeunes « hussards » des lettres : Nimier, Laurent,
Blondin… En a « assez de la politique ».
Prend ses distances envers le
R.P.F.
1949 - Publie Mes grands hommes, sorte de Panthéon intérieur - et vivant - où sont réunies
ses admirations littéraires, de Pascal à Graham Greene.
Pendant l’été, écrit sa dernière pièce, Le Feu sur la terre, alors qu’il vit de sa terrasse à
Malagar, « les incendies embraser l’immense horizon ». Pour celui qui a ambitionné d’être «
le Tchekhov français » le théâtre restera la grande fascination en partie insatisfaite… Pour la
première fois, intervient, en mai, à la Semaine des intellectuels catholiques et assiste, en
juillet, au festival d’Aixen-Provence. La tradition se perpétuera.
Préparation de l’édition des Oeuvres complètes - un bilan littéraire.
1950 - Mai-juin. Séjour à Florence (session de l’Unesco) et à Rome.
6 octobre - Représentation du Feu sur la terre au théâtre Hebertot à Lyon. Succès mitigé.
Reprend l’ébauche d’une nouvelle esquissée lors de l’Occupation pour en faire un fulgurant récit :
Le Sagouin.
Il entretient une polémique avec Claude Bourdet sur l’Indochine.
1951 - Janvier. Parution du Sagouin - une grande rentrée littéraire.
Février - Mort de André Gide. Les commentaires de Mauriac sur « sa dernière parole »
lui attirent de vifs reproches.
29 décembre - Publie dans Le Figaro littéraire sa « Lettre ouverte » à Jean Cocteau
à propos de la représentation de
Bacchus
dont certaines répliques avaient scandalisé le chrétien en lui.
Publie La Pierre d’achoppement.
Lettre ouverte à Jean Cocteau
Lettre ouverte à Jean Cocteau
« L’affaire Bacchus » constitue un sommet d’agressivité dans la relation entre les deux
écrivains. L’initiative en revient à Mauriac, qui, présent à la générale de la pièce le
20 décembre 1951 au Théâtre Marigny, quitte la salle avant la fin. Dans une longue
lettre ouverte publiée dans Le Figaro littéraire du 29 décembre (reprise dans La Paix
des cimes, Bartillat, Paris, 1999), il accuse Cocteau d’avoir voulu ridiculiser dans sa
pièce une Église catholique dont il a suffisamment connu et estimé quelques
représentants de valeur au moment de sa conversion en 1925 (Jacques Maritain, le père
Charles) pour savoir qu’elle porte aussi des fruits admirables :
« […] tu as voulu que
l’Église catholique s’incarnât dans un évêque bouffon, dans un cardinal politique, pire
à mes yeux que le bouffon. Ta moquerie, à travers eux, atteint l’Église dans son âme. »
Mauriac s’en prend aussi allègrement à l’auteur, dont il réduit le talent à un don
d’imitation : Bacchus devient un nouveau tour de ce « numéro » de Cocteau auquel il
assiste depuis « près d’un demi-siècle ». Le poète a commencé par imiter Rostand puis
Anna de Noailles, avant de devenir le « satellite malin » de Diaghilev, Satie, Picasso,
Gide ou Apollinaire : avec Bacchus, le voilà « dans l’éclairage de Sartre ».
- Pour Cocteau, dont la réponse paraît le lendemain dans France-Soir, sous la forme d’une
litanie d’accusations, Mauriac n’a rien compris à une pièce au contraire écrite « à la
gloire de l’Église », puisque son vrai sujet est le suivant : « un cardinal d’âme haute
devine l’âme haute d’un jeune hérétique et veut le sauver coûte que coûte, même après sa
mort ». « Je t’accuse », ajoute-t-il en portant le fer sur le terrain de l’adversaire, «
d’être un juge avec une tendresse secrète pour l’accusé. On est l’un ou les autres. Et
je t’accuse de vouloir être l’un dans tes articles et les autres dans tes romans. »
1952 - Galigaï confirme le regain de sève romanesque.
Mai de Bordeaux - Réception à l’Académie et au GrandThéâtre. Entretien avec Jean Amrouche à
la
radio.
Pas de vendanges à Malagar : « la grêle nous enlève la totalité de la récolte. Ce désastre eut lieu
le
17 juin. Deux orages durant vingt minutes lapidèrent à 6h du soir Sauternes et Malagar. Le lendemain
matin, il restait encore des grêlons par terre. » (Écrit le 19 octobre 1952 dans Le livre de raison
de
Malagar).
Il signe dans La Table Ronde son premier « Bloc- notes » et éperonne son sens de la justice : «
Pourquoi
dès la Libération me suis-je endormi ?... »
10 décembre - Il reçoit le
prix Nobel
de littérature pour « la profonde imprégnation spirituelle et l'intensité artistique avec
laquelle ses romans ont pénétré le drame de la vie humaine ». Parmi les candidats
figuraient notamment l'écrivain grec Nikos Kazanzakis, l'historien espagnol Mendez Pidal, le premier
ministre britannique Winston Churchill, le philosophe italien Benedetto Crose et le romancier
français Albert Camus.
1953 - Janvier. Avec Robert Barrat réclame déjà « justice pour le Maroc ». Tollé des lecteurs
du
Figaro.
Avril - Pèlerinage de Chartres, en compagnie d’étudiants marocains. Devient le président de
France-Maghreb.
30 juin - Reçoit du maréchal Juin un « coup de bâton étoilé » et un affront des académiciens.
15 août - Intervient auprès du président du conseil Laniel, au sujet du Maroc. Vaine démarche
:
le sultan Mohammed V sera déposé.
Il abandonne La Table Ronde pour confier son « Bloc-notes » au jeune
Express
journal qui soutient Pierre Mendès-France, dirigé par Jean-Jacques Servan-Schreiber et
Françoise Giroud.
Troublé par la noirceur de son propre roman nouveau-né, La
Griffe de Dieu, il renonce de lui-même à sa publication dans la
revue « bourgeoise et bien pensante » qui le lui avait
commandé. Il remet son ouvrage sur le métier et le remanie.
La version définitive portera le titre de L’Agneau.
1954 - Le demi-succès de L’Agneau va marquer l’abandon prolongé de la veine
romanesque. Publication de Paroles catholiques.
Défend François Mitterrand contre les attaques du Figaro (affaire des «
De Gaulle révélé à Mauriac.
1955 - 22 septembre. Démission du conseil d’administration du Figaro. Mauriac reste
collaborateur régulier du Figaro littéraire.
Intense activité journalistique.
Le « Bloc-notes » se poursuit dans L’Express, devenu quotidien. Le Pain vivant
(scénario et dialogue pour un film).
1956 - Parle à Évreux en présence de Mendès France.
Publie dans Le Figaro littéraire Les Poètes de sept ans qui seront repris au premier chapitre
des
1957 - Mauriac consacre toute son ardeur de polémiste à l’affaire algérienne.
Chacun de ses « Bloc-notes » suscite passion et remous. Il devient le grand témoin de la
conscience française.
Enthousiasme, allègre férocité, générosité : « Quelle bouée que le succès ! ».
Août - Festival de Lucerne : enthousiasmé par A. Rubenstein et D. Fischer-Dieskau.
Automne - Fréquentes rencontres avec Philippe Sollers, à qui le « Bloc-notes »
consacre un article enthousiaste.
1958 - Désormais, le génie mauriacien se déploie sur le double registre du temps intérieur
(celui de la mémoire de l’enfance et
de Dieu) et du temps déchiré et haletant de l’actualité la plus brûlante.
Mai - Le putsch des généraux à Alger précipite son ralliement à de Gaulle, qui « ne peut
avoir d’autre héritier que l’État démocratique restauré ».
Le Fils de l’homme paraît chez Grasset.
Publication du Bloc-notes (1952-1957).
8 novembre - Grand-croix de la Légion d’honneur.
1959 - Mai - Publication des Mémoires intérieurs : très vif succès critique et public.
De plus en plus engagé dans le débat (et le combat) de l’heure violente, il aspire d’autant plus
intensément à ses retours méditatifs vers Malagar, sa « querencia », son observatoire sur lui-même,
aux confins du temps et de l’éternel.
17 septembre - Première chronique de télévision.
Octobre - « Attentat de l’Observatoire ». Mauriac prend la défense de François
Mitterrand.
Attentat de l’Observatoire
Attentat de l’Observatoire
L’attentat de l'Observatoire est un attentat simulé visant censément François
Mitterrand dans la nuit du 15 au 16 octobre 1959 à Paris, dans l'avenue de
l'Observatoire.
Vers minuit trente cette nuit là, la Peugeot 403 du sénateur de la Nièvre, ancien
ministre de l'Intérieur de Pierre Mendès France, est criblée de sept balles de pistolet
mitrailleur. François Mitterrand échappe aux balles en prenant la fuite à travers le
Jardin de l'Observatoire.
Les soupçons des enquêteurs s'orientent d'abord vers les partisans de l'Algérie
française.
L'ancien député poujadiste Robert Pesquet se présente six jours plus tard comme un des
principaux instigateurs de ce qu'il présente comme un faux attentat. Il indique, dans
une conférence de presse, avoir agi avec la complicité de François Mitterrand qui aurait
lui-même commandité l'opération dans le but de regagner les faveurs de l'opinion
publique. Il présente des preuves de ses rencontres préalables avec Mitterrand. Aux
dires de Pesquet, Mitterrand aurait été enthousiasmé à l'idée de se faire de la
publicité par ce moyen, et aurait planifié l'opération en détail. S'ensuit une
controverse politique et judiciaire, appelée l’affaire de l'Observatoire...
1960 - Février - Voyage à Rome (conférence, rencontre du pape Jean XXIII).
Différend avec la rédaction de L’Express dont les opinions (en particulier sur la question
algérienne) divergent de ses propres convictions. Jean-Jacques Servan-Schreiber le persuade de
rester.
Mars - Remise de la grand-croix de la Légion d’honneur par de Gaulle « au plus grand
écrivain français vivant » au grand désarroi de Malraux, présent à la cérémonie.
1961 - Mauriac rompt avec L’Express. « Le Bloc-notes » sera repris dans Le Figaro
littéraire.
Mai - Découverte d’une bombe à l’entrée de Malagar.
Nouveaux Bloc-notes (1958-1960).
Entreprend une chronique de télévision intitulée « Les Hasards de la fourchette », qui
égratigne volontiers le petit monde des politiciens et des présentateurs (de Guy Lux
d’Intervilles :
« il y a du Néron dans cet homme-là… ») mais sait aussi saluer le talent et la ferveur
(Jean Topart dans le rôle de Iago, d’Othello, La Strada de Fellini…).
1962 - Printemps. Adaptation cinématographique de Thérèse Desqueyroux par Georges Franju.
Tournage aux alentours d’Uzeste.
Deux mois de tournage - La recherche de fidélité justifie bien sûr que le film soit
tourné sur les lieux mêmes du livre. Le tournage débute le 26 mars 1962 à
Saint-Léger-de-Balson, au lieudit Baricagne, autour d’une palombière.
François Mauriac écrit dans son « Bloc-Notes » , le 6 septembre 1962 : « Ce beau film
est l’œuvre d’un autre. C’est parce que Georges Franju a décidé d’être fidèle, de suivre
Thérèse pas à pas, de refaire tout le chemin tracé par ma propre souffrance il y a quarante
ans, que j’ai part à ce film ; mais c’est l’autre qui l’a voulu ; je ne me sens responsable
de rien, pas même de cette Thérèse devenue vraie grâce à Emmanuelle Riva, et qui n’est plus
cet être rêvé, cette créature sans frontière… »
Ce que je crois, témoignage poignant sur la fidélité au Christ.
« Une des meilleurs années pour le vin de Malagar » (Livre de raison de Malagar).
1963 - Plus que jamais aux créneaux de sa citadelle, le témoin regarde couler le «
fleuve
de feu » de l’histoire en fusion ; pourtant des
songes entrecoupés trahissent, au fond de lui, le sommeil agité du romancier mal résigné à son
silence.
1964 - 6 mai - Arts publie l’injurieuse « Lettre ouverte… » de Roger Peyrefitte.
Le
« Bloc-notes » du 14 y répond dignement et
noblement.
Publication de de Gaulle, qui, comme l’ouvrage de Claude Mauriac, une dizaine d’années plus
tard,
aurait pu s’intituler Aimer de Gaulle…
1965 - Nouveaux mémoires intérieurs.
18 octobre - Le 18 octobre 1965, célébration solennelle de son quatre-vingtième
anniversaire,
au Grand-Théâtre de Bordeaux, à l’instigation de
Gabriel Delaunay, alors préfet d’Aquitaine. La salle est archi-comble, du parterre au paradis.
Chaban-Delmas apporta avec chaleur l’hommage de Bordeaux, à François Mauriac, le plus doué le
plus
sensible et le plus ardent de ses enfants. « L’objet de votre combat n’a pas varié,
souligna-t-il : défendre la liberté dans son acception chrétienne, et sous tous ses aspects
humains, liberté des consciences, des cœurs, des esprits et des individus mais aussi liberté
des peuples et pourquoi pas liberté pour la France d’accomplir pleinement sa mission
universelle de pacification et d’éducation... »
15 décembre - Préside un meeting de soutien au candidat de Gaulle, mis en ballottage,
par
François Mittérand.
Un tracteur remplace les bœufs à Malagar.
1966 -
Démissionne de la présidence de France-Maghreb.
Dans le « Bloc-notes », de plus en plus, l’estuaire se souvient du chant de la source, et
l’interroge, inlassablement.
1967 - Publication des Mémoires politiques, bilan d’un demi-siècle de combats pour sa
vérité profonde.
Dans le « Bloc-notes », s’interroge longuement sur la guerre fratricide « entre Ismaël
et Israël ».
1968 - Janvier. Bibliothèque Jacques Doucet, exposition des manuscrits légués par
Mauriac.
Dans le « Bloc-notes », méditation sur les racines obscures de mai 68 et son
engloutissement.
Bloc-notes
Méditation sur les racines de mai 68
Paris, le 5 mai
Trois ans de service militaire : cela de mon temps répondait à toutes les
questions que d'ailleurs la jeunesse ne songeait pas à poser. Parée pour
l'holocauste, avec ses pantalons rouges, son pompon au képi, elle attendait que
la fête commence, dressee par le capitaine Hurluret.
Il me semble que de mon temps la Sorbonne était paisible, mais elle ne l'avait
pas été quelques années plus tôt, durant l'affaire Dreyfus. La bataille furieuse
qui jetait les étudiants de la gauche dreyfusarde contre les antisémites de la
droite avait une raison bien définie : la défense de la justice offensée.
Certains de ces étudiants n'étaient pas menés comme ceux d'aujourd'hui par un
garçon venu d'Allemagne (Daniel Cohn-Bendit), mais par un Français du pays de
Loire, Charles Péguy. Que de fois j'aurai lu cette belle histoire - car j'ai
fini par l'aimer, ce Péguy (je parle de l'écrivain) que je pratiquais peu de son
vivant.
Au vrai, il n'est rien de si différent de ces batailles d'autrefois
que celles d'aujourd'hui, dont les motifs profonds sont bien dissemblables,
comme en
témoigne leur simultanéité dans toutes les capitales du monde. C'était
réellement
l'affaire Dreyfus qui précipitait dans la rue Charles Péguy et ses amis.
Aujourd'hui, il y a des
prétextes nobles (le Vietnam) et d'autres qui le sont moins. En fait, c'est la
jeunesse en
tant que jeunesse qui veut entrer dans la carrière quand ses aînés y sont
encore. La
merveilleuse histoire de Castro, de Guevara, est à ses yeux comme une légende
dorée qui serait vraie.
J'imagine un de ces garçons refusant de s'attendrir sur les immolés de ma
classe,
pantalonnés de drap garance, et s'entretuant docilement parce que le kaiser,
Edouard VII, les
grands-ducs, MM. Poincaré, Delcassé et Clemenceau en avaient ainsi décidé. Il me
dirait : «
Vous vous êtes laissé façonner, vous autres, par les vaincus de 70 ; nous
avons fini de
laisser ceux de 40 nous mener par le nez. Ceux de 70 ont eu leur revanche
sur votre dos.
Nous ne serons pas si bêtes. »
Ce que j'en pense moi-même? C'est que l'épopée de Mao, celle de Castro, celle du
Vietcong sont liées à des conditions très singulières qui ne répondent en rien à
celles contre lesquelles se briseront chez nous ces vagues successives de jeunes
gens en colère. La jeunesse n'est qu'un mythe parce qu'en fait elle n'est jamais
la même, que la nouvelle vague d'hier n'existe plus aujourd'hui en tant que
nouvelle vague, mais en tant qu'elle a mis aux places qu'il faut pour atteindre
les postes de commande des techniciens capables de les occuper. La lutte réelle
n'est pas entre les générations, mais chez les jeunes eux-mêmes, entre ceux qui
aspirent au premier rang, à être le mieux placés possible, et ceux qui savent
déjà qu'avec la jeunesse ils perdront tout et qu'ils n'ont déjà plus entre les
mains que cette carte qui se rétracte de jour en jour, de seconde en seconde.
Rien ne peut faire que la solution des problèmes, pour la France, pour
l'Allemagne, pour l'Italie ne relève de méthodes qui n'ont rien à voir avec la
géniale absence de méthode d'un Castro.
30 mai - En tête du
défilé
gaulliste
de la Concorde à l’Étoile.
Automne - Dernier séjour dans son cher Malagar. Achève son roman Un Adolescent
d’autrefois (« Ce dernier roman, c’est à moi-même que je l’adresse ; je me chante à
moi-même un air d’autrefois… »).
1969 - Santé de plus en plus défaillante.
Mars - Publication d’Un adolescent d’autrefois. Accueil passionné de la critique.
Avril - Chute et fracture de l’humérus.
Entreprend la suite d’Un adolescent d’autrefois : Maltaverne qui reste inachevé.
1970 - 13 mai - Dernier départ pour Vémars.
15 août - Dernière page du « Bloc-notes ».
1er septembre - 1h40. Fin paisible à l’hôpital de l’Institut Pasteur où il a été
transporté le 23 août.
5 septembre - Inhumation au cimetière de Vémars.
François Mauriac et de Gaulle
Sources
Sources : « François Mauriac et Charles de Gaulle », Espoir n°18, 1977 - André SEAILLES
Charles de Gaulle avait écrit qu'il s'était toujours fait une certaine idée de la France.
Mauriac,
dès la première page du livre qu'il lui consacre, annonce qu'il s'est toujours fait une
certaine idée de de Gaulle.
« Les nations n’ont de grands hommes que malgré elles », a écrit un jour
Baudelaire, et l’on ne peut s’empêcher de songer à cette parole mélancolique devant certains
destins privilégiés — Mauriac et de Gaulle — comme ils furent aimés, mais aussi haïs, et
très souvent par les mêmes hommes, les mêmes partis ou les mêmes clans. Il est assez
fascinant de s’interroger sur les deux puissantes personnalités qui menèrent côte à côte,
chacune dans son ordre, à sa manière et dans son style, un combat parallèle.
L'idole de Mauriac demeure évidemment de Gaulle, figure éminemment barrésienne, incarnation
de ce patriotisme émotif, ouvert sur les réalisés sociales vers lequel il a toujours aspiré.
Il se peut que les pages consacrées au Général dans ce Bloc-notes et plus encore dans un
livre ouvertement hagiographique ne soient pas les meilleures dues à sa plume. Reste entre
le Prince et un grand écrivain une relation rare, passionnante, exempte de toute petitesse
ou mesquinerie.
Contrairement à ce que prétendent ses détracteurs de droite, François Mauriac n'a pas
renoncé à son esprit critique face au fondateur de la Ve République (on sait du
reste qu'il finit par prendre quelques distances et à voir en Georges Pompidou le porteur de
ses espérances). Simplement, il aimait admirer et de Gaulle lui donnait bien des motifs de
céder à sa pente. Comment n'aurait-il pas été à l'unisson de ce soldat, si peu représentatif
de sa caste d'origine, attaché à la même conception de la continuité française ? Dans le
débat qui, en définitive, sépara les adeptes de Barrés et ceux de Maurras, Mauriac et de
Gaulle ont été aux côtés du premier et cette communion de pensée fut le fondement même de
leurs relations.
Entre François Mauriac et Charles de Gaulle, la rencontre était, d’une certaine façon,
naturelle. Nés à quelques années d’intervalle, leur commune filiation intellectuelle et
spirituelle, celle qui va de Péguy au Sillon de Marc Sangnier, en passant par Léon XIII et «
Rerum novarum », celle qui se signale par le goût et le génie de la langue française, celle
qui se nourrit du même amour de Cybèle, qui affleure constamment chez Mauriac, mais qu’on
retrouve aussi plus discrètement, par exemple à la dernière page des Mémoires de guerre du
général de Gaulle, tout concourait en tout cas à en préparer la richesse.
Encore fallait-il compter, pour que ce rapprochement devînt réel, avec le poids des
circonstances, en l’occurrence celles de la seconde guerre mondiale qui, seule, va les
rendre visible l’un à l’autre, même s’il est aujourd’hui certain que Charles de Gaulle fut,
dans les années 30, un lecteur du romancier François Mauriac, pour lequel il confessera
jusqu’au bout, qu’on songe à la magnifique lettre qu’il fit porter personnellement au
domicile de Jeanne Mauriac, le jour même de la mort de son mari, une vibrante admiration,
celle d’un écrivain envers un autre écrivain.
Au départ, une voix, qu’on écoute à Malagar, celle de la radio de Londres. Aucun d’entre eux
pourtant n’a, à l’image de la quasi-totalité des français, entendu l’appel du 18 juin. Cette
voix, à la fois étrange et lointaine, mais aussi proche et profonde, allait porter l’honneur
de la France.
Ensuite, une silhouette, celle d’un homme immense, mince et droit comme un pin des Landes,
maîtrisant comme toujours son émotion, pudique jusque dans sa gestuelle pour répondre aux
vivats des parisiens : Charles de Gaulle descend les Champs-Élysées le 26 août 1944. Jamais,
il ne sera plus haut que ce jour-là.
Le cri d’émotion de Charles de Gaulle devant la foule immense des Parisiens qui
l’acclamaient follement : « Ah ! c’est la mer ! ». Il avait le sentiment d’une
force élémentaire enfin délivrée, déchaînée et joyeuse ; il avait aussi le sentiment d’une
communication privilégiée, au-delà des mots et des discours, avec cette puissance
formidable. Mais c’était lui, un homme seul, qui avait au long de quatre années terribles,
formé et rassemblé cette puissance. Il avait, jour après jour, créé cet océan de forces,
mais ce n’était pas cet océan qui avait créé Charles de Gaulle.

Le jour même de la mort de François Mauriac, le général de Gaulle fit porter à Madame
François Mauriac une lettre où, après lui avoir exprimé sa tristesse et sa sympathie, il
ajoutait parlant du disparu : « Son souffle s’est arrêté. C’est un grand froid qui nous
saisit. Qu’il s’agisse de Dieu, ou de l’homme, ou de l’a France, ou de leur œuvre
commune que sont la pesée, l’action et l’art, son magnifique talent savait, grâce à
l’écrit, atteindre et remuer le fond des âmes, et cela, d’une telle manière que nul ne
reviendra jamais sur l’admiration ressentie... Quant à moi, je lui voue une
reconnaissance extrême pour m’avoir si souvent enchanté, pour être un des plus beaux
fleurons de la couronne de notre pays, pour m’avoir honoré et aidé, dans mon effort
national de son ardente adhésion, de sa généreuse amitié, de son immuable fidélité. Ce
concours m’aura été sans prix... »
Hommage chaleureux d’un écrivain de génie à un autre écrivain de génie, d’un grand patriote
à un autre grand patriote.
de Gaulle citait, par coeur, cette phrases tirée du « des Chemins de la Mer
» :
« La vie de la plupart des hommes est un chemin mort et ne mène à rien. Mais d’autres
savent, dès l’enfance, qu’ils vont vers une mer inconnue. Déjà l’amertume du vent les
étonne, déjà le goût du sel est sur leurs lèvres... jusqu’à ce que la dernière dune
franchie..., cette passion infinie les soufflette de sable et d’écume. Il leur reste de
s’y abîmer ou de revenir sur leurs pas. »
Du côté de François Mauriac, les relations avec le général de Gaulle sont plus complexes, et
l’on pourrait discerner trois phases, d’abord celle de la France libre de 1940 à
1944 qui est celle d’une ferveur totale de Mauriac envers de Gaulle, ensuite celle du
Gouvernement provisoire suivi de la traversée du désert jusqu’en 1958 où Mauriac
manifeste quelques réticences, en particulier au moment de l’épuration et à partir de la
création du RPF, et enfin, celle du dernier gouvernement de la IVe et de la
présidence de la Ve République de 1958 à 1969.
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Pendant la période de la France libre, que représente de Gaulle pour François Mauriac ? -
Comme pour beaucoup de Français, de Gaulle lui apparaît comme une voix inconnue, et bientôt
familière, qui émerge de l’abîme, qui lui apporte un réconfort et un espoir. Mauriac écoute
les messages de de Gaulle, de Gaulle lit les articles de Mauriac, en particulier ceux qui
ont paru dans le Figaro puis dans les éditions de la clandestinité, et qui vont être
rassemblés en 1943 sous le titre du
1944 - La libération de Paris apporte à François Mauriac comme à tous les Français la
délivrance de l’occupation, et il salue en Charles de Gaulle, dans un bel article du Figaro,
« le premier des nôtres ». Mais la libération n’est pas sans ombre. Des remous
idéologiques se discernent, des convoitises personnelles apparaissent, des vengeances même
s’assouvissent dans une parodie de justice, et le chef du gouvernement provisoire a un rôle
d’arbitre difficile à tenir au milieu de ce tumulte, dans une France blessée et à demi
détruite.
L’admiration de Mauriac se nuance de quelques divergences. La première rencontre, le 1er
septembre 1944, eut d’ailleurs l’allure d’un déjeuner très officiel en présence
d’autres invités ; le Général n’aborda que des sujets littéraires, il interrogea François
Mauriac sur André Gide et évoqua la nécessité de renouveler l’Académie Française. François
Mauriac ne cacha pas sa déception. Sans doute d’autres conversations, cette fois en tête à
tête, auront lieu en février 1945, puis en février 1946, peu après la
spectaculaire démission du Général et sa décision de se retirer des « affaires ».
Dans le premier cas fut évoqué le problème de l’épuration et en particulier le procès de R.
Brasillach. Le Général semblait favorable à une commutation de la peine de ce dernier, mais
le surlendemain de cette rencontre, le 6 février, la grâce de Brasillach est refusée, et
celui-ci est fusillé. Le mystère de cet apparent changement d’attitude du chef du
gouvernement provisoire s’explique peut-être par un jeu obscur d’influences au sein du
gouvernement. Mauriac, qui avait fait les efforts que l’on sait pour sauver la vie de
Brasillach, et qui fut bouleversé par son exécution, note que dans cette période « De
Gaulle, hélas, se fiait pour la justice aux démocrates chrétiens ».
En dépit de la profonde estime qui liait les deux hommes, au cours de ces entretiens privés,
la communication n’était pas parfaite. Claude Mauriac, alors secrétaire particulier du
Général, rapporte comment son père, non sans humour, avait évoqué, au soir de sa première
rencontre en tête à tête avec le Général, le sentiment que sa présence lui avait inspiré : «
J’ai eu l’impression désagréable d’être enfermé pendant une demi-heure avec un
cormoran,… et qui parlait cormoran. » Mauriac semble souligner chez le général De
Gaulle ce qu’il appelle une certaine « distance par rapport aux êtres », et qui
était un signe de sa personnalité.
l’homme de caractère, disait de Gaulle, ne doit pas seulement « viser haut, voir grand,
juger large », il doit aussi se priver de ce que « l’abandon, la familiarité,
l’amitié même ont de douceurs ». Et Mauriac de commenter : « le jeune chef de
1927 (…) dès cette année-là (…) (pressent) à la fois qu’il dominera sur les êtres et
qu’il ne sera pas aimé d’eux, ou du moins, s’il est aimé, ce ne sera pas cela qu’il
cherchait, ni qu’il souhaitait d’être. Car le prix de cette maîtrise des événements,
c’est (…) cette distance par rapport aux êtres ».
Mauriac a donc parfaitement compris la psychologie de l’homme d’action chez de Gaulle, aux
yeux de qui le facteur humain ne doit pas introduire un irrationnel qui peut se révéler
redoutable dans le mécanisme de l’Histoire. Mauriac explique ainsi et justifie partiellement
la froideur, la dureté, et même une certaine implacabilité de de Gaulle homme d’action.
Ce qui rapproche Mauriac et de Gaulle, c’est d’abord la culture qu’ils ont reçue : culture
historique et culture classique. On sait que de Gaulle connaissait parfaitement l’histoire
et en particulier l’histoire de France ; sur ce point, il existe un solide terrain d’entente
entre lui et François Mauriac, ancien élève de l’École des Chartes.
Les deux hommes ont dans l’esprit la perspective de la durée temporelle de notre pays.
Celleci s’inscrit depuis les Gaulois jusqu’aux temps modernes dans une longue suite de
querelles intérieures, où jouent à la fois les passions et les intérêts qui sont le signe et
la rançon de la prodigieuse diversité française. Lorsque Mauriac évoque, à propos des
factions multiples de la gauche et de la droite antigaulliste sous la Ve
République « Cette nébuleuse de royaumes divisés et dressés les uns contre les
autres », il ajoute : « c’est la France, celle des éternels émigrés, des
éternels Jacobins, des éternels ultras » et l’on croit entendre la voix même de De
Gaulle. La vision historique de Mauriac rejoint aussi celle de de Gaulle, lorsqu’il rend
hommage au fondateur de la Ve République pour avoir assumé les divers aspects de
la grandeur de notre histoire sans n’avoir jamais « essayé de mutiler cette France que
les siècles ont faite, la France des Croisades, mais celle aussi des Droits de
l’Homme »
Mauriac et le général de Gaulle ont un autre patrimoine commun : une solide culture
classique. L’enfance de de Gaulle s’est passée dans un milieu professoral. Maurice Druon
assure que l’on y écrivait couramment le grec et que l’on parlait latin à table. En tout
cas, Charles de Gaulle aimait et pratiquait les tragiques grecs, Eschyle et Sophocle, les
historiens latins, Tacite et Salluste. Sa culture s’étendait aussi aux grands classiques
français, dont il était pénétré, au point que la phrase de ses discours ou de ses Mémoires a
souvent la majesté de celle de Bossuet, l’éclat de Montesquieu ou l’ironie fulgurante de
Voltaire. Mais la culture classique a, chez de Gaulle, une signification plus profonde :
elle imprègne toute sa personnalité d’écrivain ; celle-ci, qui est faite de fougue et de
passion, reste dominée et contenue par l’ordre et la clarté du langage.
Sur ce plan, François Mauriac est en affinité avec de Gaulle. Il est, comme lui, formé, par
les maîtres de l’école chrétienne, à l’admiration des anciens et des classiques français.
Son style même retrouve parfois, comme celui de de Gaulle, les résonances du grand Siècle.
Souffrances et bonheur du chrétien, cette méditation passionnée, n’a-t-elle pas des accents
dignes de Bossuet et, plus encore, de Pascal ? Sans doute faut-il nuancer notre affirmation,
car les infatigables lecteurs qu’étaient Mauriac et de Gaulle étaient ouverts aux modernes
comme Gide et aux romantiques comme Chateaubriand ou Michelet, pour lesquels ils éprouvaient
une égale admiration. Au hasard d’une conversation, en référence à l’actualité, de Gaulle
citait avec délectation, à son secrétaire Claude Mauriac, des passages entiers de Péguy et
de Claudel. Il reste que, dans son sens le plus profond, la culture du Général, comme celle
de François Mauriac, est une culture classique, car elle se réfère constamment à une
certaine notion de l’homme, à l’humanisme.
On a reproché à Mauriac de céder au culte de la personnalité, de pratiquer l’idolâtrie à
l’égard du Prince.
Ces polémiques masquent un débat plus profond : l’action du général de Gaulle représente,
pour une certaine intelligentsia, quelque chose d’insupportable et de scandaleux, en ce
qu’elle ignore un dogme de l’idéologie marxiste et collectiviste : ce dogme est que les
masses détiennent une place privilégiée dans le mouvement de l’Histoire. Pour les fidèles de
la religion marxiste, le seul Prolétariat est l’animateur de l’Histoire, qu’il affranchit de
ses servitudes en se libérant lui-même ; cette libération ne peut donc être l’affaire de
l’individu.
Dans cette perspective, comme l’a bien montré A. Koestler, l’individu devient zéro, une
goutte d’eau perdue dans la mer, c’est-à-dire dans l’infini collectif, qui mystérieusement
mène l’Histoire, on ne sait où… La vie, l’action, la pensée du Général ont fait voler en
éclat ce slogan. Non qu’il dénie toute importance aux masses qui répondent à son appel et
lui apportent leur appui. Mais, entre elles et lui, aucune idéologie, sinon leur commune
appartenance à la Nation. Surtout c’est lui, et lui seul, qui, par sa clairvoyance et son
énergie, a su en 1940, en 1958 et en 1968, animer ces masses les
rassembler et les diriger d’une main de fer hors de la défaite et de la guerre civile, vers
le salut de la patrie.
Au Palais de Chaillot, le 12 septembre 1944, avec 8 000 assistants qui représentaient
les principaux mouvements de
la Résistance, et les principaux corps constitués de l’économie, du syndicalisme, de
l’université, du barreau et de la politique.
Le Général se trouvait donc là en présence de la hiérarchie à tous les niveaux, mais ce
n’était plus le peuple massé sur les Champs-Élysées : il sentit, malgré les ovations, une «
tonalité différente de l’enthousiasme », « une sorte de dosage des
applaudissements », des « signes et coups d’oeil échangés entre les assistants
calculés suivant (ses) propos ». Tout cela lui avait fait sentir que les «
politiques », qu’ils fussent anciens ou nouveaux, nuançaient leur approbation. On
discernait que de ce côté, l’action commune irait se compliquant de réserves et de
conditions. « Plus que jamais, conclut de Gaulle, il me fallait donc prendre appui dans
le peuple plutôt que dans les « élites » qui, entre lui et moi, tendaient à
s’interposer… ».
Cette phrase souligne la profonde méfiance qui commençait de saisir de Gaulle dès
1944 envers les intermédiaires de tous ordres, c’est-à-dire envers une certaine faune
de la presse, du syndicalisme et des affaires, et surtout une certaine race de
professionnels de la politique, issus d’un parlementarisme abâtardi. L’humanisme gaullien
s’affirme donc non seulement contre le fatalisme du collectivisme marxiste, mais aussi
contre l’esprit partisan des chefs de groupe, de comité ou de clan, qui prétendent dicter la
loi de leurs appétits au gouvernement ou au chef de l’État. On reconnaît là tous ceux que de
Gaulle appelait un jour ironiquement les « comités Gustave » ou les « comités
Théodule », les groupuscules avides, bavards et irresponsables. L’attitude de ces
citoyens qui se dressent en prenant des poses nobles et avantageuses, contre le pouvoir
exécutif, reflète assez fidèlement la philosophie politique régnante, telle que la
définissait jadis l’écrivain Alain dans un livre célèbre. On dira peut-être que le parti
radical auquel se référait Alain n’existe plus guère dans la France contemporaine, mais ce
qu’il en reste, par exemple le « comité Jean-Jacques », est imprégné de cet esprit
et notre histoire récente prouve que la plupart des partis en sont aussi plus ou moins
imprégnés. N’est-ce pas eux d’ailleurs, ces partis, qui avaient conduit le général de Gaulle
à démissionner le 21 janvier 1946, et n’est-ce pas eux dont les intrigues ont
contribué à réaliser le vote négatif du 27 avril 1969, ce qui était en un sens leur
revanche sur de Gaulle, c’est-à-dire le départ définitif de celui-ci, qui les avait si
longtemps tenus en lisière ?
François Mauriac, sur ce point, ne s’y est pas trompé, et pendant toute la durée des années
1944, 1946 et 1958 – 1969, il a dénoncé les convoitises des
partis et leur aspiration irrésistible, du temps de de Gaulle, au « paradis perdu de
cette foire d’empoigne (…) dont nous avons manqué périr ». Mais les partis ont
parfois des défenseurs parmi les élites, dans les corps constitués comme l’Académie.
1954 - De Gaulle révélé à Mauriac. (Extraits du Bloc-notes de Mauriac dans L'Express du 17 avril 1954.)
Conférence de Gaulle. Voilà des années que je n'avais vu l'homme. Il n'a guère vieilli. Dès
qu'il ouvre la bouche, c'est le même ton souverain. Ses échecs ne le concernent pas. Son
regard sur la France et sur l'Europe est simplificateur, mais non simpliste. Le cratère que
creuserait la bombe à hydrogène, ce cratère où plus rien de vivant ne subsisterait, il
l'ouvre devant nous, comme le ferait Bossuet, et du même ton, mais il en tire une politique
qui est celle du bon sens. De Gaulle, homme de droite, aura seul su résister à cette forme
très basse de l'anticommunisme qui, chez nous, fait tenir aux intelligents les propos des
imbéciles. Pour lui, la Russie est la Russie. Il dresse en pleine lumière une politique
française, face à la politique d'abdication que nous menons, depuis qu'il n'est plus là.
Grandeur et misère de la politique. De Gaulle ne consent à en épouser que la grandeur. C'est
ce qui assure le règne des Commis. Le R.P.F. était à mes yeux l'erreur absolue. J'ai cru que
son échec marquerait la fin de l'homme qui était "la France". Or le R.P.F. a bien eu le
destin que j'attendais, mais l'homme, lui, survit, et aujourd'hui encore lorsqu'il dit :
J'étais la France ! cet imparfait devient un présent au-dedans de nous. J'irai à l'Arc de
Triomphe, je serai seul, le peuple de Paris sera là et se taira... Aucune protestation.
Qu'éprouve cette assemblée ? Elle respire ce souffle froid venu de très haut, de très loin,
du temps que la France était la grande Nation.
La grandeur conçoit, la bassesse agit
De Gaulle, le dernier Français qui nous aura fait croire qu'elle l'est toujours. Il nous en aura persuadés au tournant le plus ténébreux, le plus honteux de notre histoire. Il se trouve encore des millions de Français pour ne pas l'oublier. Nul ne songe à lui demander : " Avez-vous l'accord du gouvernement ? " C'est que, par sa seule présence, le général de Gaulle rend invisible à l'oeil nu la dictature de Lilliput.Qui de nous n'est sorti de cette conférence avec au coeur le regret poignant de ce qui aurait pu être, de ce qui n'a pas été - et je le sais aujourd'hui, de ce qui ne pouvait pas être, parce que la grandeur conçoit, mais la bassesse agit. La liberté que nous préférons à tout assure le règne de ceux qui ont des appétits et l'argent, c'est-à-dire la puissance.
François Mauriac et Malagar
Sources
Sources : Région Nouvelle-Aquitaine - Inventaire général du patrimoine culturel
Origines de Malagar - Historique détaillé
Si Mauriac avait pu échapper à Bordeaux, qui longtemps ne l’a guère aimé, il l’eût fait. Mais il tenait trop à son ancrage, à sa fratrie, aux retrouvailles familiales. Et à Malagar. Cette maison de campagne, à Saint-Maixant, avec laquelle il entretient des rapports fusionnels, après avoir tant aimé, pourtant, le chalet de Saint-Symphorien.
La beauté des paysages, entre collines et vignobles, n’explique pas, seule, cet attachement obsessionnel. Il y a aussi l’histoire du lieu, l’empreinte de trois générations jusqu’à cet arrière-grand-père qui a couronné la progression sociale des Mauriac avec l’achat du domaine viticole où personne ne vivra avant François.
Lors de son premier séjour, l’été torride de 1903, il découvre, à 18 ans, le ravissement des déambulations poussiéreuses dans des pièces presque vides. Dès lors, il y a un retour chaque été puis, quand il en hérite, des étés prolongés jusqu’aux vendanges. Et deux étranges années sous l’Occupation.
Malagar coûte, il songe à vendre, mais le domaine lui procure ce supplément d’émotion qui caresse son écriture. Trois de ses romans s’y déroulent : « La Chair et le Sang », « Destins », « Le Nœud de vipères ». Son dernier passage, deux ans avant sa mort, le 1er septembre 1970, a signé la déshérence d’une demeure dont le souffle s’éteignait.
Sans Mauriac, Malagar ne pouvait vivre. Ses enfants ont choisi de la confier à la Région. Mais son fils Claude a raconté de façon glaçante dans « L’Oncle Marcel » le sentiment de secrète détresse qui l’a étreint lorsqu’il a fallu signer la donation, dans la douceur boisée de la salle à manger, face à des interlocuteurs certes émus, mais réjouis. Aujourd’hui, quand on traverse le vestibule de Malagar, l’armoire, parfois entrouverte, laisse passer des odeurs fanées et la vision troublante des canotiers et des chapeaux de paille de François et Jeanne Mauriac...
François Mauriac - Son Œuvre
Romans, Nouvelles, Récits
1913 : L'Enfant chargé de chaînes
1914 : La Robe prétexte
1920 : La Chair et le Sang
1921 : Préséances
1921 : Dialogue d'un soir d'hiver
1922 : Le Baiser au lépreux
1923 : Le Fleuve de feu
1923 : Genitrix
1924 : Le Mal
1925 : Le Désert de l'amour (Grand prix du roman de l'Académie française, 1926)
1927 : Thérèse Desqueyroux
1928 : Destins
1929 : Trois récits : Coups de couteau, 1926 ; Un homme de lettres, 1926 ; Le Démon de la connaissance, 1928
1930 : Ce qui était perdu
1932 : Le Nœud de vipères
1933 : Le Mystère Frontenac
1935 : La Fin de la nuit
1936 : Les Anges noirs
1938 : Plongées comprenant Thérèse chez le docteur, 1933 ; Thérèse à l'hôtel, 1933 ; Le Rang ; Insomnie ; Conte de Noël
1939 : Les Chemins de la mer
1941 : La Pharisienne
1951 : Le Sagouin
1952 : Galigaï
1954 : L'Agneau
1958 : Le Fils de l'homme
1969 : Un adolescent d'autrefois
1972 : Maltaverne (posthume)
Théâtre
1938 : Asmodée
1945 : Les Mal-aimés
1947 : Passage du malin
1951 : Le Feu sur la terre
Poésie
1909 : Les Mains jointes
1911 : L'Adieu à l'adolescence
1925 : Orages
1940 : Le Sang d'Atys
Essais, recueils d'articles
1919 : De quelques cœurs inquiets
1926 : La Province
1928 : Le Roman
1928 : La Vie de Jean Racine
1929 : Dieu et Mammon
1931 : Souffrances et bonheur du chrétien
1933 : Le Romancier et ses personnages
1936 : La Vie de Jésus
1945 : La Rencontre avec Barrès
1947 : Du côté de chez Proust
1981 : Souvenirs retrouvés – Entretiens avec Jean Amrouche, éd. Fayard/INA
1993 : Bloc-notes, Seuil, 5 vol.
1996 : Mozart et autres écrits sur la musique
2000 : La Paix des cimes : chroniques, 1948-1955
2004 : D'un Bloc-notes à l'autre : 1952-1969
2008 : Téléchroniques, 1959-1964
Mémoires
1943 : Le Cahier noir - Publié sous le nom de Forez, qui était son pseudonyme, en clandestinité
1948 : Journal d'un homme de trente ans (extraits)
1959 : Mémoires intérieurs
1962 : Ce que je crois
1964 : Nouveaux mémoires intérieurs
1967 : Mémoires politiques
Autobiographie
1925 : Bordeaux, version première des Commencements d'une vie
1932 : Commencements d'une vie
1953 : Écrits intimes
Scénario
1955 : Le Pain vivant (scénario et dialogue du film Le Pain vivant sorti en 1955)
Œuvres complètes
Œuvres romanesques et théâtrales complètes, dirigées par Jacques Petit, éditions Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, 1986-1991, 4 vol.
Œuvres autobiographiques complètes, dirigées par François Durand, éd. Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, 1990.
Préface
1958 : La Nuit d'Elie Wiesel
