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François Mauriac

François Charles Mauriac naît le 11 octobre 1885
Dans la maison familiale du 86, rue du Pas-Saint-Georges à Bordeaux
Élu à l'Académie française le 1er juin 1933
Il reçoit le prix Nobel de littérature, en 1952...



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François Mauriac

Mauriac - Ses origines

François Mauriac Carte d'identité de François Mauriac
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né le 11 octobre 1885 à Bordeaux et mort le 1er septembre 1970 à Paris, est un écrivain français. Lauréat du Grand prix du roman de l'Académie française en 1926, il est élu membre de l'Académie française au fauteuil n° 22 en 1933. Il reçoit le prix Nobel de littérature en 1952.

Issu d'une grande famille bordelaise, l’écrivain, prix Nobel et membre de l’Académie française se définissait comme un auteur engagé.

François Charles Mauriac naît dans la maison familiale du 86, rue du Pas-Saint-Georges L'immeuble de naissance de F. Mauriac
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à Bordeaux. Il est le dernier d'une fratrie composée d'une sœur aînée, Germaine (1878-1974) et de trois frères, Raymond (1880-1960), Jean (1881-1945) et Pierre (1882-1963).

Son père, Jean-Paul Mauriac (né le 22 mai 1850 à Saint-Pierre-d'Aurillac) est un marchand de bois merrains, banquier et propriétaire terrien dans les Landes de Gascogne, qui avait le goût des lettres mais qui, en sa qualité d'aîné, fut dirigé vers les affaires. Il a épousé à Bordeaux, le 14 janvier 1878 Marguerite, Marie Claire Coiffard (née le 14 novembre 1853 à Bordeaux), héritière d'une famille du négoce bordelais, Jean-Paul Mauriac meurt prématurément le 11 juin 1887 à Bordeaux à 37 ans des suites d'un « abcès au cerveau ». Marguerite Mauriac meurt le 24 juin 1929 à Lanton.

François Charles Mauriac...
Un résumé rapide de sa vie.

François Charles Mauriac

Mauriac_Harcourt_1945.webp Naissance 11 octobre 1885 - 86, rue du Pas-Saint-Georges à Bordeaux (France)

Décès 1er septembre 1970 à 84 ans Paris (France)

Nom de naissance François Charles Mauriac

Pseudonymes Forez - François Sturel

Nationalité Française

Formation École des chartes - Lycée Sainte-Marie Grand Lebrun - Université de Bordeaux

Activités romancier, dramaturge, critique, journaliste, poète, rédacteur à Temps présent, Le Figaro, L'Express

Fratrie Germaine (1878-1974) - Raymond (1880-1960) - Jean (1881-1945) - Pierre (1882-1963).

Conjoint Jeanne Mauriac

Enfants Claude Mauriac - Claire Mauriac - Luce Mauriac - Jean Mauriac

Sa signature  signature de François Mauriac

 François Mauriac sur Wikipedia

La Jeunesse de François Mauriac

1843 - L’arrière-grand-père paternel, Jean Mauriac, achète pour la somme de 28 000 francs, sur les coteaux de la Garonne proches de verdelais, la propriété de Malagar François Mauriac devant la façade nord du domaine de Malagar, à Saint-Maixant, en Gironde.
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© Crédit photo : Photo DR
(encore orthographiée « Malagarre » qui veut dire « mauvaise garenne »).

Son père, François Mauriac, meurt après une brève agonie. L’absence de son père scellera à jamais l’enfance et le destin tout entier de François Mauriac, livré à l’éducation maternelle faite de tendresse anxieuse et de rigoureuse piété. Toute sa vie, Mauriac se demandera quel eût été son destin, moral et spirituel, si son père avait vécu. Le frère de Jean-Paul Mauriac, Louis, devient le tuteur des enfants (il sera « l’oncle Xavier » du Mystère Frontenac).

La jeune veuve et ses cinq enfants s’installent rue DuffourDubergier, dans un appartement appartenant à la grand-mère maternelle : Irma Coiffard.

Orphelin de père à vingt mois, François Mauriac vit toute son enfance très entouré par une mère très pratiquante, dont il est le fils préféré et celui qui gère toutes les affaires familiales, par sa grand-mère Irma Coiffard (née Abribat) et sous le tutorat de son oncle, Louis Mauriac, magistrat (seul frère cadet de son père). N'ayant pas connu son père, il en interpréta les sentiments profondément laïques et républicains comme contrepoids au formalisme religieux maternel.

1888 - Mort d’Irma Mauriac (née Lapeyre), la grand-mère landaise.

1890 - Mort de Jacques Mauriac, le grand-père, qui vit à Langon.

François Mauriac entre au jardin d’enfants de la rue du Mirail où il a son premier contact avec la rudesse des autres enfants. Une paupière déchirée au cours d’un jeu lui vaudra le surnom de « Coco bel-œil ». La trace de cette blessure ne s’effacera jamais.

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Dans le parc du chalet de Malagar (Gironde), les quatre frères Mauriac vers 1890
François Mauriac est à droite, puis en partant vers la gauche, Pierre, Raymond et Jean Mauriac.
© Crédit photo : Centre François Mauriac - MIME type : image/webp
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Dans le parc du chalet de Malagar (Gironde), les quatre frères Mauriac vers 1890
La famille Mauriac vers 1890 dans leur domaine à Saint-Symphorien
François Mauriac est le cinquième enfant en partant de la droite.
© Crédit photo : Collection privée Famille Mauriac - MIME type : image/webp
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Dans le parc du chalet de Malagar (Gironde), les quatre frères Mauriac vers 1890
Martial Piéchaud, auteur de "La génération perdue", François Mauriac et André Lafon en 1911 à Blaye.
© Crédit photo : Michele Mereau - MIME type : image/webp
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A Malagar (Gironde) à Pâques, en 1930, de gauche à droite : Colette, Laure et leur père Raymond Mauriac, François Mauriac et l’abbé Jean Mauriac.
© Crédit photo : Crédit photo : Archives Centre - MIME type : image/webp

François Mauriac apprend à lire et à écrire chez la sœur Adrienne, avec Martial-Piéchaud, son plus vieil ami bordelais. Il fait à partir de 1892 ses études primaires chez les Marianistes de l'institution Sainte-Marie.

1894 - La famille s’installe dans un bel appartement, rue Vital-Carles, au coin du cour de l’Intendance.

Outre les divers logements que la famille occupe à Bordeaux, son adolescence est marquée par plusieurs lieux girondins qui tous, marqueront profondément son œuvre : Gradignan où sa grand-mère Irma possède le « Château-Lange », les Landes de Gascogne autour de Langon, Verdelais et surtout l'été à Saint-Symphorien Saint-Symphorien -Chalet de Mauriac
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tous ces bourgs dominés par la bourgeoisie viticole ou ayant fait fortune dans l'exploitation forestière, aux climats lourds de secrets étouffés qu'il peindra dans la plupart de ses romans.

1897 - Premiers essais poétiques, balbutiements recueillis dans un carnet sous le titre de Morceaux choisis et divisés en deux parties : Fables anciennes et modernes.

1898 - Une tentative plus ambitieuse : composition probable de Vat’en ! « grand roman inédit » dédié à sa sœur Germaine. Ce sera aussi l’année de l’entrée au collège de Grand-Lebrun à Caudéran, chez les frères de Marie.

1901 - Élève de rhétorique, il a pour professeur l’abbé Péquinot qui exerce sur lui une influence profonde. Il découvre Pascal, Baudelaire et Rimbaud. Il se lie d’une amitié admirative avec l’un de ses condisciples, André Lacaze, futur prêtre (qu’il décrira dans Le Démon de la connaissance sous le nom de Maryan et dans Un Adolescent d’autrefois sous celui de Donzac).

1902 - La mort de sa grand-mère Irma est un profond choc pour l'adolescent. Il constate la profonde hypocrisie de sa famille religieuse et bourgeoise qui se partage déjà l'héritage à côté de l'agonisante.

1903 - François Mauriac échoue au baccalauréat de philosophie et doit redoubler, préférant refaire une année au lycée public de Bordeaux. Dans cet établissement, il a notamment pour professeur Marcel Drouin, beau-frère d'André Gide, qui lui fait découvrir les textes de Paul Claudel, Francis Jammes, Henri de Régnier, Arthur Rimbaud, Charles Baudelaire, Colette et André Gide (notamment L'Immoraliste et Les Nourritures terrestres qui le marqueront), tous proscrits dans sa famille et chez les pères, finissant ainsi de constituer son corpus littéraire personnel. Il découvre également à cette époque les textes et idées de Maurice Barrès qui marqueront sa jeunesse.

Il est atteint d’une pleurésie, maladie qui redouble l’inquiétude maternelle.

1904 - Après son baccalauréat obtenu en juillet, il étudie la littérature à la faculté de Bordeaux, sous la direction de Fortunat Strowski. Il a alors pour condisciple Jean de La Ville de Mirmont ( futur auteur de L’Horizon chimérique) et se lie d'amitié avec André Lafon.

1905 - François Mauriac est attiré par le mouvement chrétien « progressiste » du Sillon, animé par Marc Sangnier (un des frères de Mauriac, Jean, qui devait entrer au séminaire, était silloniste). Le 10 avril, Mauriac assiste à une conférence de Marc Sangnier à Langon : « …il évoque Jésus même au milieu de nous…On ne voit plus que son âme… ». Mouvement catholique « ouvriériste » dont il se sent proche.

1906 - Avril. Mauriac est réformé. 28 mai, Il assiste, à Bazas, au procès de Mme Canaby, accusée d’une tentative d’assassinat sur son mari. Germe enfoui de Thérèse Desqueyroux.
Juillet. Il est recalé à l’oral de la licence de lettres, mais sera reçu à la session d’octobre.
Il envisage de préparer une thèse sur « les origines du franciscanisme en France ».
Il se lie d’amitié fraternelle avec le lumineux poète André Lafon, futur auteur de L’Élève Gilles.

1907 - Il joue son destin en préparant le concours d’admission à l’École des Chartes : « Si je réussis, ma vie est fixée. Il n’est pas désagréable d’avoir une vie paisible dans quelque bibliothèque de province. »
Vacances à Zermatt, puis à Malagar. Abandonne le Sillon, mais reste attaché au « catholicisme social ».
Année d’incertitude. Le 15 septembre, Sa famille l'envoie avec une rente annuelle de 10 000 francs à Paris, où il s'installe le 16 septembre 1907, tout d'abord dans une pension étudiante de frères maristes au n° 104 de la rue de Vaugirard.
Fin octobre. Échec à l’oral d’admission à l’École des Chartes.

1908 - Il quitte le 104, rue de Vaugirard à cause des étudiants de l’Action française. S’installe à l’hôtel.
En novembre, il est reçu à l’École des Chartes.
Plus tard, il écrira en effet que ces études lui convenaient « comme le métier de coiffeur à une écrevisse ».

1909 - Mort de Raymond Laurens, son cousin, compagnon habituel de vacances à Saint-Symphorien.
Mauriac emménage au 45, rue Vaneau.
Rencontre François Le Grix et retrouve André Lafon à Paris.
Pâques - Il démissionne de l’École des Chartes et commence à écrire. Charles-Francis Caillard fait de lui le critique poétique de sa Revue du temps présent avant d’éditer son propre recueil de poèmes à compte d’auteur.
Novembre - Parution des « Mains jointes » (pour lequel un ami, le poète bordelais Jean de la Ville de Mirmont, a trouvé le titre). Succès d’estime.

François Mauriac au fil du temps

Source

Sources : © Biographie de François Mauriac, rédigée par Michel Suffran, à l’occasion du centenaire de la naissance de François Mauriac

1910 - C’est la consécration ! Le 21 mars, le grand Barrès salue « Les Mains jointes » par un retentissant article en première page de L’Écho de Paris. Glorieux remous jusqu’à Bordeaux.
Les salons s’ouvrent au poète. Chez Mme Alphonse Daudet, il fait la connaissance de Jean Cocteau.
Mai - Récital poétique à la Sorbonne. Julia Bartet lit des poèmes des Mains jointes.
Mauriac rédige fiévreusement son roman, Jean-Paul (première ébauche de L’Enfant chargé de chaînes).

1911 - Projet de fiançailles avec la troisième fille du musicien Ernest Chausson, la « mystérieuse » Marianne. Rupture douloureuse quelques mois plus tard.
Publication du second recueil de poèmes : L’Adieu à l’adolescence.
Pèlerinage à Orthez, auprès de Francis Jammes, le maître vénéré, avec André Lafon.

1902 - Au cours de l’été, au Casin, la maison de Jeanne Alleman (qui écrira sous le pseudonyme de Jean Balde), à Latresne, il rencontre Jeanne Lafon, (née le 12 octobre 1893 à Oran). Vive attirance réciproque.
Mauriac demande la main à son père le 5 août. Refus qui s’adoucit durant l’automne.

Lettre à sa fiancée Jeanne Lafon

Lettre à sa fiancée Jeanne Lafon

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Cette lettre d'août 1912 (il a 27 ans) montre un Mauriac d'une extrême tendresse, presque paternelle (elle a huit ans de moins que lui)

« J'arriverai jeudi, de bonne heure. Votre papa a été inflexible mais charmant. »

Je vous aime parce que vous êtes vous; ne croyez pas que je vous « embellisse »... Comment le ferais-je puisque vous dépassez tous mes rêves, puisque vous êtes l'enfant que j'attends depuis toujours? Il y a de l'ombre en vous, de l'ombre et du silence, et c'est cela que j'ai cherché, sans le trouver jamais. Dieu ne voulait point qu'une autre que vous me fît ce don merveilleux. Quand il voyait mes soirs de solitude et mes larmes secrètes, il savait le bonheur inconnu qui m'attendait de toute éternité dans un vieux salon de campagne au bord d'un fleuve triste...

C'est Jeanne Lafon qui le transplantera du Bordelais vers l'Ile-de-France, plus exactement ce qui était alors la Seine-et-Oise, à Vémars. Sa famille y avait ses origines et sa maison (qui existe toujours, et a été transformée en mairie-musée). Mauriac avait parlé de ce pays quasi claudélien, dans les années 1920, comme d'« une campagne empoisonnée d'engrais et où tournent les corbeaux à peine plus noirs que le ciel. »

Mais dans son Journal de 1940, il en parle bien autrement: « Je sais que sous ces ombrages saturés d'eau et dans ce soleil trouble, l'esprit jouit de son propre éveil. » Il a épousé Jeanne en 1913, et a eu d'elle Claude (1914), Claire (1917), Luce (1919) et Jean (1924).

1913 - Mai. Son premier roman, L’Enfant chargé de chaînes, paraît chez Grasset.
François Mauriac épouse, le 3 juin, à Talence, Jeanne Lafon. Jeanne Lafon est la fille de Marc Lafon (1857-1919), polytechnicien et inspecteur des finances, alors trésorier-payeur général de la Gironde, et de Léonie Bouchard (1862-1963). Elle est la petite-fille de Léon Bouchard (1830-1904), premier président de la Cour des comptes et maire de Vémars (commune du Val-d'Oise), et la petite-nièce de l'historien Gustave Fagniez (1842-1927). C'est par la famille Bouchard, implantée à Vémars depuis des générations, que François Mauriac héritera du château de la Motte au nord de Paris, où il habitera souvent sous l'occupation et à la fin de sa vie.
Voyage des noces - lacs italiens, Saint-Moritz.
Novembre - Emménagement au 89, rue de la Pompe à Paris.

1914 - Naissance de Claude Mauriac, le 25 avril.
Juin - Parution du deuxième roman : La Robe prétexte.
Dans La Voix de Clichy, journal dirigé par l’abbé Daniel Fontaine, Mauriac publie ses premiers articles de polémique politique, signés François Sturel. Il combat l’anticléricalisme des radicaux.
En août 1914, au moment de la déclaration de la guerre, il est à Malagar où il écrit Les Beaux Esprits de ce temps et Lacordaire qui resteront inachevés.
13 août - S’enrôle dans les brancardiers du grand séminaire de Bordeaux.
Décembre. Le Conseil de révision confirme la décision de réforme. Jean de la Ville meurt au combat.

1915 - En mars, dernière visite d’André Lafon à Malagar.
5 mai - Mort d’André Lafon à l’hôpital militaire de Bordeaux.
Mauriac s’engage « dans les formations du front de la CroixRouge […]. Ainsi, errai-je de Châlons à Toul et dans la région de Verdun, ne pouvant servir à rien ni à personne, le plus inutilisable des êtres ».

1916 - Volontaire pour Salonique. Il s’embarque à Toulon, le 2 décembre, à bord du Bretagne. À son arrivée, le 9, il est affecté à l’hôpital de la Croix-Rouge.

1917 - Rapatriement d’un François Mauriac « épuisé par la fièvre ». Il passe sa convalescence à Malagar, à Arcachon et à SaintSymphorien.
Juin - Retour à Paris. Rencontre Gide et Valéry.
5 août - Naissance de Claire Mauriac.

1918 - 4 février - Chez Mme Alphonse Daudet, il rencontre Proust : « Celui des écrivains vivants que je souhaitais le plus connaître. » Intense activité littéraire dont rien ne sort dans l’immédiat.
Mars - Séjour désemparé à Bordeaux et à Malagar.

1919 - Début de la collaboration au Gaulois, puis à l’Écho de Paris.
17 avril - Naissance de Luce Mauriac.
Mai-juin - Convalescent d’une pleurite, il doit aller se reposer à Argelès. Écrit la première version du Fleuve de feu.

1920 - « À partir de là, mes livres jalonnent ma vie et leur histoire constitue mon histoire visible. »
Parution de La Chair et le Sang et des Petits essais de psychologie religieuse.
Travaille à Dormir plutôt que vivre, première version du « Le Baiser au lépreux ».
Publie Le Visiteur nocturne (nouvelle).

1921 - Parution, dans la Revue des jeunes de sa nouvelle : La Paroisse morte, puis de « Préséances », le « livre-brûlot » qui lui vaudra l’inimitié tenace de sa ville natale (« Maman m’écrit seulement que je n’aurai jamais ma statue à Bordeaux »). « Le Visiteur nocturne, c’est l’Augustin de Préséances qui m’obsédait en ces années-là et qui n’était autre que Rimbaud : Rimbaud ou notre adolescence débarrassée de la gangue bourgeoise ». Préface aux Œuvres complètes (1952).

1922 - Le Baiser au lépreux, le premier de ses livres dont il « ne rougisse pas », connaît un succès immédiat et éclatant : paru en février, il atteint en mai 18 000 exemplaires.
La Nouvelle Revue française commence la publication du Fleuve de feu : « Douze ans après Les Mains jointes, il me fallut donc douze ans […] pour rejoindre enfin le groupe littéraire auquel j’étais le mieux accordé. »

1923 - Le Fleuve de feu et Genitrix amplifient la gloire croissante de l’encore jeune écrivain. Amitié avec Jacques Rivière, bordelais comme lui, et « le plus intelligent de nous tous », secrétaire général de la Nouvelle Revue française et beau-frère d’Alain Fournier.

1924 - Parution de La Vie et la mort d’un poète, hommage fervent et fraternel à la mémoire d’André Lafon. La revue Demain publie Le Mal. Mauriac est si mécontent de ce récit bâclé qu’il renonce, au dernier moment à la parution en librairie. Quatorze exemplaires en furent tirés sur papier d’épreuves.
Maladie de son fils Claude (pneumonie).
15 août - Naissance de Jean Mauriac.

1925 - 6 mars. Parution du Désert de l’amour, grand prix du Roman de l’Académie française.
Participe à la Décade de Pontigny avec du Bos, Maurois, R. Martin du Gard.
Son troisième recueil de poèmes, Orages, paraît en septembre.
Décembre - Déclaration d’apolitisme et d’antiparlementarisme faite aux enquêteurs de la Revue hebdomadaire, quoiqu’en juin Mauriac ait approuvé la guerre du Rif.

1926 - Année de ressourcement.
Publication de nombreux essais ou textes autobiographiques : Le Jeune homme, Bordeaux ou l’adolescence, La Province, Le Tourment de Jacques Rivière, ainsi que deux nouvelles : Coups de couteau et Un homme de lettres.
Lauréat du grand prix du roman de l’Académie française.
Fêtes du nouvel an. La mère de Mauriac partage ses propriétés. Il devint possesseur de Malagar.

1927 - Parution du roman symbole qui consacrera sa gloire et ouvrira ses rapports mystérieux avec la plus obsédante de ses héroïnes : Thérèse Desqueyroux.
Rencontres avec Jacques Maritain.
Publication de la nouvelle Conscience, instinct divin.

1928 - Au faîte même de sa réussite, Mauriac est atteint d’une angoisse obscure, à la fois spirituelle, affective, morale. Son roman Destins vient de paraître. Il se plonge dans ce voyage, au bout de sa propre nuit intérieure d’où sortira Souffrances du chrétien.
Son ami Charles du Bos, conscient de sa détresse, lui a fait connaître l’abbé Altermann, âme de proue, qui prend en charge sa dérive.
La Vie de Jean Racine, réflexion sur la conscience chrétienne et les « dangers » de la création littéraire, lui vaut la critique ironique de Gide sur « ce compromis rassurant qui permet d’aimer Dieu sans perdre de vue Mammon ».

1929 - Dieu et Mammon paraît, qui constitue une manière de réponse à la critique de Gide, et à ses propres questions profondes…
Fin mai - Il part pour l’Espagne avec quelques amis, dont Ramon Fernandez. Voit sa mère, rue Rolland, à l’aller mais ne peut s’arrêter à Bordeaux lors du retour ainsi qu’il le désirait.
Sa mère meurt le 24 juin, sans qu’il l’ait revue. Cette épine restera jusqu’au bout dans la chair de son âme.
Août - Décade à Pontigny. Découvre un Malraux « presque génial ».

1930 - Fondation de Vigile avec du Bos et l’abbé Altermann : une « revue catholique qui, face à la N.R.F. eût constitué un centre de ralliement pour les nouveaux convertis ». Cette tentative n’aura qu’une durée éphémère.
Écrit et publie Ce qui était perdu (roman catholique qui était mal accueilli par la critique catholique), et Trois grands hommes devant Dieu (Molière, Rousseau, Flaubert).
Quitte son appartement de la rue Vanneau pour celui de l’avenue Théophile-Gautier qu’il occupera jusqu’au bout.

1931 - Année d’interrogation spirituelle ; paraissent successivement : Blaise Pascal et sa sœur Jacqueline, Souffrances et bonheur du chrétien, Le Jeudi saint, ouvrages qui marquent l’issue de sa crise religieuse.

1932 - Parution du Nœud de vipères, qui rencontre un succès triomphal. Mauriac est élu président de la Société des gens de lettres. Mais, au sommet même de cette félicité, la maladie le frappe : il doit rentrer en clinique pour subir une intervention chirurgicale grave sur les cordes vocales. C’est « le coup de gong de l’opération » qui suscite en lui « l’angoisse animale de souffrir et de mourir ».
Il commence à écrire, dans l’incertitude de son destin, ce recours en grâce et ce retour aux sources que sera Le Mystère Frontenac.
Juillet - Retour au journalisme à L’Écho de Paris.

1933 - Février. Parution du Mystère Frontenac, transposition à peine voilée du « mystère Mauriac » et « du groupe éternellement serré de la mère et de ses cinq enfants » que fut la famille au temps de son enfance.
Juillet - Publication du Romancier et ses personnages, bilan et méditation sur son art.
16 novembre. « Élection de maréchal » à l’Académie française au fauteuil n°22 d’Eugène Brieux. Il a pour parrains Henry Bordeaux et Paul Valéry. Elu au premier tour contre Edmond Sée par 28 voix et 3 bulletins blancs sur 31 votants. Sa réception sous la Coupole, compte parmi les moments marquants de l’histoire de l’Académie. François Mauriac eut à subir les subtiles perfidies dont André Chaumeix émailla son discours de réception. Cet auvergnat, conservateur et hédoniste, goûtait peu en effet la noirceur de l’œuvre mauriacienne : « Vous êtes le grand maître de l’amertume... Cependant, quand j’ai lu vos livres, j’ai cru que vous alliez troubler l’harmonieuse image que je garde de votre région... J’ai failli prendre la Gironde pour un fleuve de feu et la Guienne pour un nid de vipères... »  Réponse intégrale de M. André Chaumeix

Première épée d'académicien créée par Cartier : La foi de François MAURIAC qui anima toute son œuvre est évoquée par la croix discrète qui orne le bouton. Sur la fusée, des serpents enlacés étroitement sont une référence au titre d’un des plus célèbres romans le Nœud de vipères. La branche est parcourue d’une guir­lande de pampres, rappel de Bordeaux et du pays girondin où naquit et vécut l’écrivain et qu’il a si souvent décrit dans ses œuvres.

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François Mauriac en tenue d'académicien
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L’épée d’académicien, signée Cartier, et ornée de vipères.
© Crédit photo : Sandrine d’Aboville - MIME type : image/webp

1934 - Le spectre de la maladie s’éloigne peu à peu. Une fièvre combative s’empare de Mauriac. Ses chroniques l’orientent vers le combat politique, la polémique. Il abandonne L’Écho de Paris pour Le Figaro de Pierre Brisson, « …car j’avais affaire à des directeurs et surtout à un public avec lequel c’est peu de dire que je n’étais pas accordé ».
Collabore à Sept, hebdomadaire catholique démocrate.
Publication du premier tome de son Journal.

1935 - Parution de La Fin de la nuit qui mène Thérèse Desqueyroux au terme de ses routes terrestres.
Soutient (en vain) la candidature de Claudel, face à Farrère, à l’Académie française.
S’engage contre l’invasion de l’Éthiopie par les troupes mussoliniennes.

1936 - Les Anges noirs marquent son intrusion dans le « policier métaphysique » bernanosien.
Publication de son admirable Vie de Jésus.
Apporte son appui moral aux républicains espagnols.
Présidence des Amis des Basques. Conseillé par Édouard Bourdet, il travaille à sa première pièce : Asmodée.
Il décide de rétablir le Livre de raison de Malagar, qui n’avait pas été tenu depuis 40 ans.

1937 - Premier billet antifranquiste dans Temps présent, hebdomadaire catholique « engagé » qui a succédé à Sept. « Il s’agit pour moi, comme pour Maritain et Bernanos, de dégager l’Église d’une compromission mortelle. »
25 octobre - Organise, avec Claudel, au Théâtre des ChampsÉlysées, un hommage à Francis Jammes, en présence du vieux poète qui fut son maître et qui mourra un an après.
22 novembre - Générale triomphante d’Asmodée à la Comédie-Française.
À Malagar, Mauriac plante 130 cyprès sur la terrasse et le long des vignes au midi.

1938 - Publie Plongées, nouvelles (recueil contenant des résurgences de l’obsédante Thérèse Desqueyroux : « Thérèse à l’hôtel » et « Thérèse chez le docteur »).
Travaille aux Chemins de la mer.
Dénonce l’apathie de l’Europe libre devant le « Minotaure » hitlérien en de véhéments articles du Temps présent.
Après l’Anschluss, il préside un centre d’accueil pour réfugiés autrichiens (presque tous des juifs).

1939 - Parution des Chemins de la mer et des Maisons fugitives.
Février. Dans un article de la N.R.F., « M. Mauriac et la liberté », Jean-Paul Sartre attaque violemment la conception romanesque de Mauriac, l’accusant d’être le Dieu omniscient de ses personnages.
La déclaration de guerre, comme en 1914, surprendra Mauriac à Malagar.
Le premier séjour de Gide dans un Malagar restauré et agrandi est « très réussi ».
24 août - Visite très particulière à Malagar : « Soixante petits Espagnols réfugiés Visite très particulière à Malagar
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du camp de Verdelais viennent goûter […] avec leurs instituteurs. » L’auteur était entré en relation avec eux dès leur arrivée à Verdelais, et en remerciement pour l’attention qu’il leur portait, ces élèves lui offrirent un cahier d’écolier qui s’ouvrait sur une dédicace qui ne pouvait que le toucher. Les petits Espagnols manifestaient leur espoir de retrouver bientôt leur pays : Mauriac savait déjà que l’Europe allait très vite être plongée dans un autre conflit où il faudrait affronter cette fois directement un autre dictateur, Hitler, qui avait contribué à la victoire de Franco.

1940 - Publie en mai son grand poème, clef de voûte secrète de son œuvre : Le Sang d’Atys.
Mai - Abandonne Paris et, par les routes déjà encombrées des hordes misérables de l’exode, gagne Malagar, son refuge, sa « querencia ».
19 juin - François Le Grix arrive à Malagar « dirigeant une caravane de 17 personnes dont plusieurs gosses ». Ce sont les réfugiés qui seront hébergés pour la nuit.
29 juin -. Mauriac est nommément attaqué à la radio allemande.
1er juillet - « Les Allemands à Malagar, après une journée d’émotion hier (des motos sont venues plusieurs fois) nous en sommes quittes jusqu’à présent avec une antenne de TSF, avec une voiture dans le verger. Les hommes (3 ou 4) se coucheront dans le grenier à foin. »
27 décembre - Des bruits de bottes dans la maison profanée...froid noir. Le « Kommandant » vient habiter ici. Il passe la soirée avec nous. Très correct. Très aimable. Il restera quelques mois.
Travaille à La Pharisienne, refuge contre l’angoisse des temps.
Le vin de Malagar est acheté par la maison Bert qui s’était engagée avec la Belgique pour la vente du malagar comme vin de messe. « Ainsi, le vin de Malagar ne servira qu’à la transsubstantiation. »

1941 - Dès la parution de La Pharisienne, Mauriac est ouvertement attaqué par les thuriféraires de l’ordre nouveau et désigné comme « agent de désagrégation » de la conscience française.
À Malagar, Mauriac commence sa Lettre à un désespéré pour qu’il espère, cri de la révolte d’où sortira Le Cahier noir.
Puis il se plonge, pendant l’hiver, dans la rédaction d’une biographie de Sainte Marguerite de Cortone.

1942 - Adhésion au mouvement de résistance le « Front national des écrivains ». Participe à la presse clandestine (Les Lettres françaises). S’oppose à la N.R.F., qui paraît sous licence de l’occupant. Publie dans Poésie 42, que dirige Pierre Seghers, Fragment d’Endymion . Pour la presse « collaborationniste » il est plus que jamais l’homme à abattre, ou du moins à calomnier.

1943 - Publie aux éditions de Minuit (où paraît aussi Le Silence de la mer de Vercors), sous le pseudonyme de Forez, ce plaidoyer pour la dignité de l’homme : Le Cahier noir (essai), qui va être diffusé sous le manteau et qui gagnera Londres.
18 septembre - « Il y a aujourd’hui 100 ans que mon arrière grand-père achetait Malagar. J’avais rêvé d’une fête qui eût réuni toute la famille, ce jour-là, dans la vieille maison. »
Septembre - La Résistance apprend à Mauriac qu’il doit quitter Malagar et se cacher car il risque d’être arrêté « d’un instant à l’autre ». Il se réfugie à Paris d’où, en octobre, il entend de Gaulle le citer depuis Radio Alger.
11 novembre - Réfugié à Vémars, près de Roissy, propriété venue de la famille de Mme Mauriac.

1944 - Le 25 août, en pleine insurrection, Le Figaro publie son premier éditorial.   L'image du Figaro  MIME type: image/webp  - L'article en PDF
30 août - Libération de Vémars.
1er septembre - Première rencontre avec le général de Gaulle.
Publie à petit tirage, chez Seghers, Les Arbres et les pierres. Il est déjà « tourmenté par les premiers excès de l’épuration », jugements sommaires et règlements de comptes. Il prêche, dans Le Figaro, la clémence seul contre tous et entretient une polémique avec le Camus de Combat, qui tient de la ligne pure et dure. Les journalistes lui donnent le nom de « Saint-François des Assises ».

1945 - Le Bâillon dénoué… (recueil d’articles parus d’août 1944 à mars 1945). Parution de Sainte Marguerite de Cortone.
1er mars - Première représentation des Mal-aimés à la Comédie-Française... Grand succès.
Mauriac parvient à sauver la tête d’Henri Béraud, accusé de collaboration, mais son intervention personnelle auprès de Gaulle pour empêcher l’exécution de Brasillach va échouer.
Rupture avec le Comité national des écrivains, polémique avec les communistes : « Anticommunisme ? Non. Antistalinisme ? Oui. » Les journaux communistes (surtout Action où brille Pierre Hervé) intensifient leurs attaques contre lui.
18 septembre - « Après deux ans, presque jour pour jour, je me retrouve dans ce Malagar que j’avais dû quitter à la hâte sur avis de la Résistance. »

1946 - Son activité de journaliste - ou plutôt de témoin - se déploie dans « le sombre monde des vivants ». Vive polémique avec le « stalinien » Pierre Hervé qui entend dénoncer « les menaces du cléricalisme français ». Dès lors, la rupture est consommée avec la fraction extrémiste de ses anciens compagnons de lutte clandestine.
6 juin - Grand officier de la Légion d’honneur.

1947 - Publie Du Côté de chez Proust, fragment de ses Mémoires.
13 mars - Il reçoit Paul Claudel à l’Académie française.
16 mai - Spectateur critique de la réunion gaulliste à Bordeaux.
9 décembre - Première de Passage du Malin au théâtre de la Madeleine. Accueil hostile de la critique.

1948 - Première ébauche de L’Agneau. La rédaction commence en octobre mais sera interrompue.
Sexagénaire, Mauriac publie son Journal d’un homme de trente ans, témoignage de ses années de crise. Participe à la fondation de la revue La Table ronde dans l’espoir d’y réunir, par-delà toute frontière politique, des écrivains venus d’horizons différents. Expérience à la fois instructive et décevante. Elle révèlera toutefois quelques jeunes « hussards » des lettres : Nimier, Laurent, Blondin… En a « assez de la politique ».
Prend ses distances envers le R.P.F. © Fondation Charles de Gaulle
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1949 - Publie Mes grands hommes, sorte de Panthéon intérieur - et vivant - où sont réunies ses admirations littéraires, de Pascal à Graham Greene.
Pendant l’été, écrit sa dernière pièce, Le Feu sur la terre, alors qu’il vit de sa terrasse à Malagar, « les incendies embraser l’immense horizon ». Pour celui qui a ambitionné d’être « le Tchekhov français » le théâtre restera la grande fascination en partie insatisfaite… Pour la première fois, intervient, en mai, à la Semaine des intellectuels catholiques et assiste, en juillet, au festival d’Aixen-Provence. La tradition se perpétuera.
Préparation de l’édition des Oeuvres complètes - un bilan littéraire.

1950 - Mai-juin. Séjour à Florence (session de l’Unesco) et à Rome.
6 octobre - Représentation du Feu sur la terre au théâtre Hebertot à Lyon. Succès mitigé. Reprend l’ébauche d’une nouvelle esquissée lors de l’Occupation pour en faire un fulgurant récit : Le Sagouin.
Il entretient une polémique avec Claude Bourdet sur l’Indochine.

1951 - Janvier. Parution du Sagouin - une grande rentrée littéraire.
Février - Mort de André Gide. Les commentaires de Mauriac sur « sa dernière parole » lui attirent de vifs reproches.
29 décembre - Publie dans Le Figaro littéraire sa « Lettre ouverte » à Jean Cocteau à propos de la représentation de Bacchus Bacchus au Théâtre de France
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dont certaines répliques avaient scandalisé le chrétien en lui.
Publie La Pierre d’achoppement.

Lettre ouverte à Jean Cocteau

Lettre ouverte à Jean Cocteau

« L’affaire Bacchus » constitue un sommet d’agressivité dans la relation entre les deux écrivains. L’initiative en revient à Mauriac, qui, présent à la générale de la pièce le 20 décembre 1951 au Théâtre Marigny, quitte la salle avant la fin. Dans une longue lettre ouverte publiée dans Le Figaro littéraire du 29 décembre (reprise dans La Paix des cimes, Bartillat, Paris, 1999), il accuse Cocteau d’avoir voulu ridiculiser dans sa pièce une Église catholique dont il a suffisamment connu et estimé quelques représentants de valeur au moment de sa conversion en 1925 (Jacques Maritain, le père Charles) pour savoir qu’elle porte aussi des fruits admirables :

« […] tu as voulu que l’Église catholique s’incarnât dans un évêque bouffon, dans un cardinal politique, pire à mes yeux que le bouffon. Ta moquerie, à travers eux, atteint l’Église dans son âme. »

Mauriac s’en prend aussi allègrement à l’auteur, dont il réduit le talent à un don d’imitation : Bacchus devient un nouveau tour de ce « numéro » de Cocteau auquel il assiste depuis « près d’un demi-siècle ». Le poète a commencé par imiter Rostand puis Anna de Noailles, avant de devenir le « satellite malin » de Diaghilev, Satie, Picasso, Gide ou Apollinaire : avec Bacchus, le voilà « dans l’éclairage de Sartre ».

- Pour Cocteau, dont la réponse paraît le lendemain dans France-Soir, sous la forme d’une litanie d’accusations, Mauriac n’a rien compris à une pièce au contraire écrite « à la gloire de l’Église », puisque son vrai sujet est le suivant : « un cardinal d’âme haute devine l’âme haute d’un jeune hérétique et veut le sauver coûte que coûte, même après sa mort ». « Je t’accuse », ajoute-t-il en portant le fer sur le terrain de l’adversaire, « d’être un juge avec une tendresse secrète pour l’accusé. On est l’un ou les autres. Et je t’accuse de vouloir être l’un dans tes articles et les autres dans tes romans. »

1952 - Galigaï confirme le regain de sève romanesque.
Mai de Bordeaux - Réception à l’Académie et au GrandThéâtre. Entretien avec Jean Amrouche à la radio.
Pas de vendanges à Malagar : « la grêle nous enlève la totalité de la récolte. Ce désastre eut lieu le 17 juin. Deux orages durant vingt minutes lapidèrent à 6h du soir Sauternes et Malagar. Le lendemain matin, il restait encore des grêlons par terre. » (Écrit le 19 octobre 1952 dans Le livre de raison de Malagar).
Il signe dans La Table Ronde son premier « Bloc- notes » et éperonne son sens de la justice : « Pourquoi dès la Libération me suis-je endormi ?... »

10 décembre - Il reçoit le prix Nobel 10 décembre 1952 - Le prix Nobel remis à François Mauriac par le roi Gustave Adolf
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de littérature pour « la profonde imprégnation spirituelle et l'intensité artistique avec laquelle ses romans ont pénétré le drame de la vie humaine ». Parmi les candidats figuraient notamment l'écrivain grec Nikos Kazanzakis, l'historien espagnol Mendez Pidal, le premier ministre britannique Winston Churchill, le philosophe italien Benedetto Crose et le romancier français Albert Camus.

1953 - Janvier. Avec Robert Barrat réclame déjà « justice pour le Maroc ». Tollé des lecteurs du Figaro.
Avril - Pèlerinage de Chartres, en compagnie d’étudiants marocains. Devient le président de France-Maghreb.
30 juin - Reçoit du maréchal Juin un « coup de bâton étoilé » et un affront des académiciens.
15 août - Intervient auprès du président du conseil Laniel, au sujet du Maroc. Vaine démarche : le sultan Mohammed V sera déposé.
Il abandonne La Table Ronde pour confier son « Bloc-notes » au jeune Express Jean-Jacques Servan-Schreiber - François Mauriac - Françoise Giroud
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journal qui soutient Pierre Mendès-France, dirigé par Jean-Jacques Servan-Schreiber et Françoise Giroud. Troublé par la noirceur de son propre roman nouveau-né, La Griffe de Dieu, il renonce de lui-même à sa publication dans la revue « bourgeoise et bien pensante » qui le lui avait commandé. Il remet son ouvrage sur le métier et le remanie. La version définitive portera le titre de L’Agneau.

1954 - Le demi-succès de L’Agneau va marquer l’abandon prolongé de la veine romanesque. Publication de Paroles catholiques.
Défend François Mitterrand contre les attaques du Figaro (affaire des « fuites »).
De Gaulle révélé à Mauriac.

1955 - 22 septembre. Démission du conseil d’administration du Figaro. Mauriac reste collaborateur régulier du Figaro littéraire.
Intense activité journalistique.
Le « Bloc-notes » se poursuit dans L’Express, devenu quotidien. Le Pain vivant (scénario et dialogue pour un film).

1956 - Parle à Évreux en présence de Mendès France.
Publie dans Le Figaro littéraire Les Poètes de sept ans qui seront repris au premier chapitre des Mémoires intérieurs : le recours à la mémoire vient équilibrer l’anxiété du « bel aujourd’hui ».

1957 - Mauriac consacre toute son ardeur de polémiste à l’affaire algérienne.
Chacun de ses « Bloc-notes » suscite passion et remous. Il devient le grand témoin de la conscience française.
Enthousiasme, allègre férocité, générosité : « Quelle bouée que le succès ! ».
Août - Festival de Lucerne : enthousiasmé par A. Rubenstein et D. Fischer-Dieskau.
Automne - Fréquentes rencontres avec Philippe Sollers, à qui le « Bloc-notes » consacre un article enthousiaste.

1958 - Désormais, le génie mauriacien se déploie sur le double registre du temps intérieur (celui de la mémoire de l’enfance et de Dieu) et du temps déchiré et haletant de l’actualité la plus brûlante.
Mai - Le putsch des généraux à Alger précipite son ralliement à de Gaulle, qui « ne peut avoir d’autre héritier que l’État démocratique restauré ».
Le Fils de l’homme paraît chez Grasset.
Publication du Bloc-notes (1952-1957).
8 novembre - Grand-croix de la Légion d’honneur.

1959 - Mai - Publication des Mémoires intérieurs : très vif succès critique et public.
De plus en plus engagé dans le débat (et le combat) de l’heure violente, il aspire d’autant plus intensément à ses retours méditatifs vers Malagar, sa « querencia », son observatoire sur lui-même, aux confins du temps et de l’éternel.
17 septembre - Première chronique de télévision.
Octobre - « Attentat de l’Observatoire ». Mauriac prend la défense de François Mitterrand.

Attentat de l’Observatoire

Attentat de l’Observatoire

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L’attentat de l'Observatoire est un attentat simulé visant censément François Mitterrand dans la nuit du 15 au 16 octobre 1959 à Paris, dans l'avenue de l'Observatoire.

Vers minuit trente cette nuit là, la Peugeot 403 du sénateur de la Nièvre, ancien ministre de l'Intérieur de Pierre Mendès France, est criblée de sept balles de pistolet mitrailleur. François Mitterrand échappe aux balles en prenant la fuite à travers le Jardin de l'Observatoire.

Les soupçons des enquêteurs s'orientent d'abord vers les partisans de l'Algérie française.

L'ancien député poujadiste Robert Pesquet se présente six jours plus tard comme un des principaux instigateurs de ce qu'il présente comme un faux attentat. Il indique, dans une conférence de presse, avoir agi avec la complicité de François Mitterrand qui aurait lui-même commandité l'opération dans le but de regagner les faveurs de l'opinion publique. Il présente des preuves de ses rencontres préalables avec Mitterrand. Aux dires de Pesquet, Mitterrand aurait été enthousiasmé à l'idée de se faire de la publicité par ce moyen, et aurait planifié l'opération en détail. S'ensuit une controverse politique et judiciaire, appelée l’affaire de l'Observatoire...

1960 - Février - Voyage à Rome (conférence, rencontre du pape Jean XXIII).
Différend avec la rédaction de L’Express dont les opinions (en particulier sur la question algérienne) divergent de ses propres convictions. Jean-Jacques Servan-Schreiber le persuade de rester.
Mars - Remise de la grand-croix de la Légion d’honneur par de Gaulle « au plus grand écrivain français vivant » au grand désarroi de Malraux, présent à la cérémonie.

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Remise de la grand-croix de la Légion d’honneur par de Gaulle
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Remise de la grand-croix de la Légion d’honneur par de Gaulle
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Remise de la grand-croix de la Légion d’honneur par de Gaulle
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Remise de la grand-croix de la Légion d’honneur par de Gaulle
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Remise de la grand-croix de la Légion d’honneur par de Gaulle
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1961 - Mauriac rompt avec L’Express. « Le Bloc-notes » sera repris dans Le Figaro littéraire.
Mai - Découverte d’une bombe à l’entrée de Malagar.
Nouveaux Bloc-notes (1958-1960).
Entreprend une chronique de télévision intitulée « Les Hasards de la fourchette », qui égratigne volontiers le petit monde des politiciens et des présentateurs (de Guy Lux d’Intervilles : « il y a du Néron dans cet homme-là… ») mais sait aussi saluer le talent et la ferveur (Jean Topart dans le rôle de Iago, d’Othello, La Strada de Fellini…).

1962 - Printemps. Adaptation cinématographique de Thérèse Desqueyroux par Georges Franju. Tournage aux alentours d’Uzeste.

Deux mois de tournage - La recherche de fidélité justifie bien sûr que le film soit tourné sur les lieux mêmes du livre. Le tournage débute le 26 mars 1962 à Saint-Léger-de-Balson, au lieudit Baricagne, autour d’une palombière.

François Mauriac écrit dans son « Bloc-Notes » , le 6 septembre 1962 : « Ce beau film est l’œuvre d’un autre. C’est parce que Georges Franju a décidé d’être fidèle, de suivre Thérèse pas à pas, de refaire tout le chemin tracé par ma propre souffrance il y a quarante ans, que j’ai part à ce film ; mais c’est l’autre qui l’a voulu ; je ne me sens responsable de rien, pas même de cette Thérèse devenue vraie grâce à Emmanuelle Riva, et qui n’est plus cet être rêvé, cette créature sans frontière… »

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Affiche du film « Thérèse Desqueyroux »
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Image du film
Emmanuelle Riva et Philippe Noiret
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Image du film - La cérémonie du mariage
Emmanuelle Riva et Philippe Noiret
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L’écrivain François Mauriac, chez lui, à Saint-Maixent (33), en compagnie d’Emmanuelle Riva et de Philippe Noiret.
© Photo centre François Mauriac_26_aout3
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Ce que je crois, témoignage poignant sur la fidélité au Christ.
« Une des meilleurs années pour le vin de Malagar » (Livre de raison de Malagar).

1963 - Plus que jamais aux créneaux de sa citadelle, le témoin regarde couler le « fleuve de feu » de l’histoire en fusion ; pourtant des songes entrecoupés trahissent, au fond de lui, le sommeil agité du romancier mal résigné à son silence.

1964 - 6 mai - Arts publie l’injurieuse « Lettre ouverte… » de Roger Peyrefitte. Le « Bloc-notes » du 14 y répond dignement et noblement.
Publication de de Gaulle, qui, comme l’ouvrage de Claude Mauriac, une dizaine d’années plus tard, aurait pu s’intituler Aimer de Gaulle…

1965 - Nouveaux mémoires intérieurs.
18 octobre - Le 18 octobre 1965, célébration solennelle de son quatre-vingtième anniversaire, au Grand-Théâtre de Bordeaux, à l’instigation de Gabriel Delaunay, alors préfet d’Aquitaine. La salle est archi-comble, du parterre au paradis. Chaban-Delmas apporta avec chaleur l’hommage de Bordeaux, à François Mauriac, le plus doué le plus sensible et le plus ardent de ses enfants. « L’objet de votre combat n’a pas varié, souligna-t-il : défendre la liberté dans son acception chrétienne, et sous tous ses aspects humains, liberté des consciences, des cœurs, des esprits et des individus mais aussi liberté des peuples et pourquoi pas liberté pour la France d’accomplir pleinement sa mission universelle de pacification et d’éducation... »

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Célébration solennelle de son quatre-vingtième anniversaire
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Célébration solennelle de son quatre-vingtième anniversaire
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Célébration solennelle de son quatre-vingtième anniversaire
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Célébration solennelle de son quatre-vingtième anniversaire
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Célébration solennelle de son quatre-vingtième anniversaire
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15 décembre - Préside un meeting de soutien au candidat de Gaulle, mis en ballottage, par François Mittérand.
Un tracteur remplace les bœufs à Malagar.

1966 - Affaire Ben Barka : après une visite au ministre de l’Intérieur, accepte la thèse de l’immixtion des services secrets américains.
Démissionne de la présidence de France-Maghreb.
Dans le « Bloc-notes », de plus en plus, l’estuaire se souvient du chant de la source, et l’interroge, inlassablement.

1967 - Publication des Mémoires politiques, bilan d’un demi-siècle de combats pour sa vérité profonde.
Dans le « Bloc-notes », s’interroge longuement sur la guerre fratricide « entre Ismaël et Israël ».

1968 - Janvier. Bibliothèque Jacques Doucet, exposition des manuscrits légués par Mauriac.
Dans le « Bloc-notes », méditation sur les racines obscures de mai 68 et son engloutissement.

Bloc-notes

Méditation sur les racines de mai 68

Paris, le 5 mai

Trois ans de service militaire : cela de mon temps répondait à toutes les questions que d'ailleurs la jeunesse ne songeait pas à poser. Parée pour l'holocauste, avec ses pantalons rouges, son pompon au képi, elle attendait que la fête commence, dressee par le capitaine Hurluret.

Il me semble que de mon temps la Sorbonne était paisible, mais elle ne l'avait pas été quelques années plus tôt, durant l'affaire Dreyfus. La bataille furieuse qui jetait les étudiants de la gauche dreyfusarde contre les antisémites de la droite avait une raison bien définie : la défense de la justice offensée. Certains de ces étudiants n'étaient pas menés comme ceux d'aujourd'hui par un garçon venu d'Allemagne (Daniel Cohn-Bendit), mais par un Français du pays de Loire, Charles Péguy. Que de fois j'aurai lu cette belle histoire - car j'ai fini par l'aimer, ce Péguy (je parle de l'écrivain) que je pratiquais peu de son vivant.

Au vrai, il n'est rien de si différent de ces batailles d'autrefois que celles d'aujourd'hui, dont les motifs profonds sont bien dissemblables, comme en témoigne leur simultanéité dans toutes les capitales du monde. C'était réellement l'affaire Dreyfus qui précipitait dans la rue Charles Péguy et ses amis. Aujourd'hui, il y a des prétextes nobles (le Vietnam) et d'autres qui le sont moins. En fait, c'est la jeunesse en tant que jeunesse qui veut entrer dans la carrière quand ses aînés y sont encore. La merveilleuse histoire de Castro, de Guevara, est à ses yeux comme une légende dorée qui serait vraie. J'imagine un de ces garçons refusant de s'attendrir sur les immolés de ma classe, pantalonnés de drap garance, et s'entretuant docilement parce que le kaiser, Edouard VII, les grands-ducs, MM. Poincaré, Delcassé et Clemenceau en avaient ainsi décidé. Il me dirait : « Vous vous êtes laissé façonner, vous autres, par les vaincus de 70 ; nous avons fini de laisser ceux de 40 nous mener par le nez. Ceux de 70 ont eu leur revanche sur votre dos. Nous ne serons pas si bêtes. »

Ce que j'en pense moi-même? C'est que l'épopée de Mao, celle de Castro, celle du Vietcong sont liées à des conditions très singulières qui ne répondent en rien à celles contre lesquelles se briseront chez nous ces vagues successives de jeunes gens en colère. La jeunesse n'est qu'un mythe parce qu'en fait elle n'est jamais la même, que la nouvelle vague d'hier n'existe plus aujourd'hui en tant que nouvelle vague, mais en tant qu'elle a mis aux places qu'il faut pour atteindre les postes de commande des techniciens capables de les occuper. La lutte réelle n'est pas entre les générations, mais chez les jeunes eux-mêmes, entre ceux qui aspirent au premier rang, à être le mieux placés possible, et ceux qui savent déjà qu'avec la jeunesse ils perdront tout et qu'ils n'ont déjà plus entre les mains que cette carte qui se rétracte de jour en jour, de seconde en seconde. Rien ne peut faire que la solution des problèmes, pour la France, pour l'Allemagne, pour l'Italie ne relève de méthodes qui n'ont rien à voir avec la géniale absence de méthode d'un Castro.

30 mai - En tête du défilé gaulliste François Mauriac en tête du défilé gaulliste de la Concorde à l’Étoile.
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de la Concorde à l’Étoile.
Automne - Dernier séjour dans son cher Malagar. Achève son roman Un Adolescent d’autrefois (« Ce dernier roman, c’est à moi-même que je l’adresse ; je me chante à moi-même un air d’autrefois… »).

1969 - Santé de plus en plus défaillante.
Mars - Publication d’Un adolescent d’autrefois. Accueil passionné de la critique.
Avril - Chute et fracture de l’humérus.
Entreprend la suite d’Un adolescent d’autrefois : Maltaverne qui reste inachevé.

1970 - 13 mai - Dernier départ pour Vémars.
15 août - Dernière page du « Bloc-notes ».
1er septembre - 1h40. Fin paisible à l’hôpital de l’Institut Pasteur où il a été transporté le 23 août.
5 septembre - Inhumation au cimetière de Vémars.

François Mauriac et de Gaulle

Sources

Sources : « François Mauriac et Charles de Gaulle », Espoir n°18, 1977 - André SEAILLES

Mauriac_De_Gaulle1_Small.webp Charles de Gaulle avait écrit qu'il s'était toujours fait une certaine idée de la France. Mauriac, dès la première page du livre qu'il lui consacre, annonce qu'il s'est toujours fait une certaine idée de de Gaulle.

« Les nations n’ont de grands hommes que malgré elles », a écrit un jour Baudelaire, et l’on ne peut s’empêcher de songer à cette parole mélancolique devant certains destins privilégiés — Mauriac et de Gaulle — comme ils furent aimés, mais aussi haïs, et très souvent par les mêmes hommes, les mêmes partis ou les mêmes clans. Il est assez fascinant de s’interroger sur les deux puissantes personnalités qui menèrent côte à côte, chacune dans son ordre, à sa manière et dans son style, un combat parallèle.

L'idole de Mauriac demeure évidemment de Gaulle, figure éminemment barrésienne, incarnation de ce patriotisme émotif, ouvert sur les réalisés sociales vers lequel il a toujours aspiré. Il se peut que les pages consacrées au Général dans ce Bloc-notes et plus encore dans un livre ouvertement hagiographique ne soient pas les meilleures dues à sa plume. Reste entre le Prince et un grand écrivain une relation rare, passionnante, exempte de toute petitesse ou mesquinerie.

Contrairement à ce que prétendent ses détracteurs de droite, François Mauriac n'a pas renoncé à son esprit critique face au fondateur de la Ve République (on sait du reste qu'il finit par prendre quelques distances et à voir en Georges Pompidou le porteur de ses espérances). Simplement, il aimait admirer et de Gaulle lui donnait bien des motifs de céder à sa pente. Comment n'aurait-il pas été à l'unisson de ce soldat, si peu représentatif de sa caste d'origine, attaché à la même conception de la continuité française ? Dans le débat qui, en définitive, sépara les adeptes de Barrés et ceux de Maurras, Mauriac et de Gaulle ont été aux côtés du premier et cette communion de pensée fut le fondement même de leurs relations.

Entre François Mauriac et Charles de Gaulle, la rencontre était, d’une certaine façon, naturelle. Nés à quelques années d’intervalle, leur commune filiation intellectuelle et spirituelle, celle qui va de Péguy au Sillon de Marc Sangnier, en passant par Léon XIII et « Rerum novarum », celle qui se signale par le goût et le génie de la langue française, celle qui se nourrit du même amour de Cybèle, qui affleure constamment chez Mauriac, mais qu’on retrouve aussi plus discrètement, par exemple à la dernière page des Mémoires de guerre du général de Gaulle, tout concourait en tout cas à en préparer la richesse.

Encore fallait-il compter, pour que ce rapprochement devînt réel, avec le poids des circonstances, en l’occurrence celles de la seconde guerre mondiale qui, seule, va les rendre visible l’un à l’autre, même s’il est aujourd’hui certain que Charles de Gaulle fut, dans les années 30, un lecteur du romancier François Mauriac, pour lequel il confessera jusqu’au bout, qu’on songe à la magnifique lettre qu’il fit porter personnellement au domicile de Jeanne Mauriac, le jour même de la mort de son mari, une vibrante admiration, celle d’un écrivain envers un autre écrivain.

Au départ, une voix, qu’on écoute à Malagar, celle de la radio de Londres. Aucun d’entre eux pourtant n’a, à l’image de la quasi-totalité des français, entendu l’appel du 18 juin. Cette voix, à la fois étrange et lointaine, mais aussi proche et profonde, allait porter l’honneur de la France.

Ensuite, une silhouette, celle d’un homme immense, mince et droit comme un pin des Landes, maîtrisant comme toujours son émotion, pudique jusque dans sa gestuelle pour répondre aux vivats des parisiens : Charles de Gaulle descend les Champs-Élysées le 26 août 1944. Jamais, il ne sera plus haut que ce jour-là.

Le cri d’émotion de Charles de Gaulle devant la foule immense des Parisiens qui l’acclamaient follement : « Ah ! c’est la mer ! ». Il avait le sentiment d’une force élémentaire enfin délivrée, déchaînée et joyeuse ; il avait aussi le sentiment d’une communication privilégiée, au-delà des mots et des discours, avec cette puissance formidable. Mais c’était lui, un homme seul, qui avait au long de quatre années terribles, formé et rassemblé cette puissance. Il avait, jour après jour, créé cet océan de forces, mais ce n’était pas cet océan qui avait créé Charles de Gaulle.

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Charles de Gaulle descend les Champs-Élysées le 26 août 1944.
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Le jour même de la mort de François Mauriac, le général de Gaulle fit porter à Madame François Mauriac une lettre où, après lui avoir exprimé sa tristesse et sa sympathie, il ajoutait parlant du disparu : « Son souffle s’est arrêté. C’est un grand froid qui nous saisit. Qu’il s’agisse de Dieu, ou de l’homme, ou de l’a France, ou de leur œuvre commune que sont la pesée, l’action et l’art, son magnifique talent savait, grâce à l’écrit, atteindre et remuer le fond des âmes, et cela, d’une telle manière que nul ne reviendra jamais sur l’admiration ressentie... Quant à moi, je lui voue une reconnaissance extrême pour m’avoir si souvent enchanté, pour être un des plus beaux fleurons de la couronne de notre pays, pour m’avoir honoré et aidé, dans mon effort national de son ardente adhésion, de sa généreuse amitié, de son immuable fidélité. Ce concours m’aura été sans prix... »

Hommage chaleureux d’un écrivain de génie à un autre écrivain de génie, d’un grand patriote à un autre grand patriote.

de Gaulle citait, par coeur, cette phrases tirée du « des Chemins de la Mer » :

« La vie de la plupart des hommes est un chemin mort et ne mène à rien. Mais d’autres savent, dès l’enfance, qu’ils vont vers une mer inconnue. Déjà l’amertume du vent les étonne, déjà le goût du sel est sur leurs lèvres... jusqu’à ce que la dernière dune franchie..., cette passion infinie les soufflette de sable et d’écume. Il leur reste de s’y abîmer ou de revenir sur leurs pas. »

Du côté de François Mauriac, les relations avec le général de Gaulle sont plus complexes, et l’on pourrait discerner trois phases, d’abord celle de la France libre de 1940 à 1944 qui est celle d’une ferveur totale de Mauriac envers de Gaulle, ensuite celle du Gouvernement provisoire suivi de la traversée du désert jusqu’en 1958 où Mauriac manifeste quelques réticences, en particulier au moment de l’épuration et à partir de la création du RPF, et enfin, celle du dernier gouvernement de la IVe et de la présidence de la Ve République de 1958 à 1969.
br> Pendant la période de la France libre, que représente de Gaulle pour François Mauriac ? - Comme pour beaucoup de Français, de Gaulle lui apparaît comme une voix inconnue, et bientôt familière, qui émerge de l’abîme, qui lui apporte un réconfort et un espoir. Mauriac écoute les messages de de Gaulle, de Gaulle lit les articles de Mauriac, en particulier ceux qui ont paru dans le Figaro puis dans les éditions de la clandestinité, et qui vont être rassemblés en 1943 sous le titre du Cahier Noir.

1944 - La libération de Paris apporte à François Mauriac comme à tous les Français la délivrance de l’occupation, et il salue en Charles de Gaulle, dans un bel article du Figaro, « le premier des nôtres ». Mais la libération n’est pas sans ombre. Des remous idéologiques se discernent, des convoitises personnelles apparaissent, des vengeances même s’assouvissent dans une parodie de justice, et le chef du gouvernement provisoire a un rôle d’arbitre difficile à tenir au milieu de ce tumulte, dans une France blessée et à demi détruite.

L’admiration de Mauriac se nuance de quelques divergences. La première rencontre, le 1er septembre 1944, eut d’ailleurs l’allure d’un déjeuner très officiel en présence d’autres invités ; le Général n’aborda que des sujets littéraires, il interrogea François Mauriac sur André Gide et évoqua la nécessité de renouveler l’Académie Française. François Mauriac ne cacha pas sa déception. Sans doute d’autres conversations, cette fois en tête à tête, auront lieu en février 1945, puis en février 1946, peu après la spectaculaire démission du Général et sa décision de se retirer des « affaires ». Dans le premier cas fut évoqué le problème de l’épuration et en particulier le procès de R. Brasillach. Le Général semblait favorable à une commutation de la peine de ce dernier, mais le surlendemain de cette rencontre, le 6 février, la grâce de Brasillach est refusée, et celui-ci est fusillé. Le mystère de cet apparent changement d’attitude du chef du gouvernement provisoire s’explique peut-être par un jeu obscur d’influences au sein du gouvernement. Mauriac, qui avait fait les efforts que l’on sait pour sauver la vie de Brasillach, et qui fut bouleversé par son exécution, note que dans cette période « De Gaulle, hélas, se fiait pour la justice aux démocrates chrétiens ».

En dépit de la profonde estime qui liait les deux hommes, au cours de ces entretiens privés, la communication n’était pas parfaite. Claude Mauriac, alors secrétaire particulier du Général, rapporte comment son père, non sans humour, avait évoqué, au soir de sa première rencontre en tête à tête avec le Général, le sentiment que sa présence lui avait inspiré : « J’ai eu l’impression désagréable d’être enfermé pendant une demi-heure avec un cormoran,… et qui parlait cormoran. » Mauriac semble souligner chez le général De Gaulle ce qu’il appelle une certaine « distance par rapport aux êtres », et qui était un signe de sa personnalité.

l’homme de caractère, disait de Gaulle, ne doit pas seulement « viser haut, voir grand, juger large », il doit aussi se priver de ce que « l’abandon, la familiarité, l’amitié même ont de douceurs ». Et Mauriac de commenter : « le jeune chef de 1927 (…) dès cette année-là (…) (pressent) à la fois qu’il dominera sur les êtres et qu’il ne sera pas aimé d’eux, ou du moins, s’il est aimé, ce ne sera pas cela qu’il cherchait, ni qu’il souhaitait d’être. Car le prix de cette maîtrise des événements, c’est (…) cette distance par rapport aux êtres ».

Mauriac a donc parfaitement compris la psychologie de l’homme d’action chez de Gaulle, aux yeux de qui le facteur humain ne doit pas introduire un irrationnel qui peut se révéler redoutable dans le mécanisme de l’Histoire. Mauriac explique ainsi et justifie partiellement la froideur, la dureté, et même une certaine implacabilité de de Gaulle homme d’action.

Ce qui rapproche Mauriac et de Gaulle, c’est d’abord la culture qu’ils ont reçue : culture historique et culture classique. On sait que de Gaulle connaissait parfaitement l’histoire et en particulier l’histoire de France ; sur ce point, il existe un solide terrain d’entente entre lui et François Mauriac, ancien élève de l’École des Chartes.

Les deux hommes ont dans l’esprit la perspective de la durée temporelle de notre pays. Celleci s’inscrit depuis les Gaulois jusqu’aux temps modernes dans une longue suite de querelles intérieures, où jouent à la fois les passions et les intérêts qui sont le signe et la rançon de la prodigieuse diversité française. Lorsque Mauriac évoque, à propos des factions multiples de la gauche et de la droite antigaulliste sous la Ve République « Cette nébuleuse de royaumes divisés et dressés les uns contre les autres », il ajoute : « c’est la France, celle des éternels émigrés, des éternels Jacobins, des éternels ultras » et l’on croit entendre la voix même de De Gaulle. La vision historique de Mauriac rejoint aussi celle de de Gaulle, lorsqu’il rend hommage au fondateur de la Ve République pour avoir assumé les divers aspects de la grandeur de notre histoire sans n’avoir jamais « essayé de mutiler cette France que les siècles ont faite, la France des Croisades, mais celle aussi des Droits de l’Homme »

Mauriac et le général de Gaulle ont un autre patrimoine commun : une solide culture classique. L’enfance de de Gaulle s’est passée dans un milieu professoral. Maurice Druon assure que l’on y écrivait couramment le grec et que l’on parlait latin à table. En tout cas, Charles de Gaulle aimait et pratiquait les tragiques grecs, Eschyle et Sophocle, les historiens latins, Tacite et Salluste. Sa culture s’étendait aussi aux grands classiques français, dont il était pénétré, au point que la phrase de ses discours ou de ses Mémoires a souvent la majesté de celle de Bossuet, l’éclat de Montesquieu ou l’ironie fulgurante de Voltaire. Mais la culture classique a, chez de Gaulle, une signification plus profonde : elle imprègne toute sa personnalité d’écrivain ; celle-ci, qui est faite de fougue et de passion, reste dominée et contenue par l’ordre et la clarté du langage.

Sur ce plan, François Mauriac est en affinité avec de Gaulle. Il est, comme lui, formé, par les maîtres de l’école chrétienne, à l’admiration des anciens et des classiques français. Son style même retrouve parfois, comme celui de de Gaulle, les résonances du grand Siècle.

Souffrances et bonheur du chrétien, cette méditation passionnée, n’a-t-elle pas des accents dignes de Bossuet et, plus encore, de Pascal ? Sans doute faut-il nuancer notre affirmation, car les infatigables lecteurs qu’étaient Mauriac et de Gaulle étaient ouverts aux modernes comme Gide et aux romantiques comme Chateaubriand ou Michelet, pour lesquels ils éprouvaient une égale admiration. Au hasard d’une conversation, en référence à l’actualité, de Gaulle citait avec délectation, à son secrétaire Claude Mauriac, des passages entiers de Péguy et de Claudel. Il reste que, dans son sens le plus profond, la culture du Général, comme celle de François Mauriac, est une culture classique, car elle se réfère constamment à une certaine notion de l’homme, à l’humanisme.

On a reproché à Mauriac de céder au culte de la personnalité, de pratiquer l’idolâtrie à l’égard du Prince.

Ces polémiques masquent un débat plus profond : l’action du général de Gaulle représente, pour une certaine intelligentsia, quelque chose d’insupportable et de scandaleux, en ce qu’elle ignore un dogme de l’idéologie marxiste et collectiviste : ce dogme est que les masses détiennent une place privilégiée dans le mouvement de l’Histoire. Pour les fidèles de la religion marxiste, le seul Prolétariat est l’animateur de l’Histoire, qu’il affranchit de ses servitudes en se libérant lui-même ; cette libération ne peut donc être l’affaire de l’individu.

Dans cette perspective, comme l’a bien montré A. Koestler, l’individu devient zéro, une goutte d’eau perdue dans la mer, c’est-à-dire dans l’infini collectif, qui mystérieusement mène l’Histoire, on ne sait où… La vie, l’action, la pensée du Général ont fait voler en éclat ce slogan. Non qu’il dénie toute importance aux masses qui répondent à son appel et lui apportent leur appui. Mais, entre elles et lui, aucune idéologie, sinon leur commune appartenance à la Nation. Surtout c’est lui, et lui seul, qui, par sa clairvoyance et son énergie, a su en 1940, en 1958 et en 1968, animer ces masses les rassembler et les diriger d’une main de fer hors de la défaite et de la guerre civile, vers le salut de la patrie.

Au Palais de Chaillot, le 12 septembre 1944, avec 8 000 assistants qui représentaient les principaux mouvements de la Résistance, et les principaux corps constitués de l’économie, du syndicalisme, de l’université, du barreau et de la politique.
Le Général se trouvait donc là en présence de la hiérarchie à tous les niveaux, mais ce n’était plus le peuple massé sur les Champs-Élysées : il sentit, malgré les ovations, une « tonalité différente de l’enthousiasme », « une sorte de dosage des applaudissements », des « signes et coups d’oeil échangés entre les assistants calculés suivant (ses) propos ». Tout cela lui avait fait sentir que les « politiques », qu’ils fussent anciens ou nouveaux, nuançaient leur approbation. On discernait que de ce côté, l’action commune irait se compliquant de réserves et de conditions. « Plus que jamais, conclut de Gaulle, il me fallait donc prendre appui dans le peuple plutôt que dans les « élites » qui, entre lui et moi, tendaient à s’interposer… ».

Cette phrase souligne la profonde méfiance qui commençait de saisir de Gaulle dès 1944 envers les intermédiaires de tous ordres, c’est-à-dire envers une certaine faune de la presse, du syndicalisme et des affaires, et surtout une certaine race de professionnels de la politique, issus d’un parlementarisme abâtardi. L’humanisme gaullien s’affirme donc non seulement contre le fatalisme du collectivisme marxiste, mais aussi contre l’esprit partisan des chefs de groupe, de comité ou de clan, qui prétendent dicter la loi de leurs appétits au gouvernement ou au chef de l’État. On reconnaît là tous ceux que de Gaulle appelait un jour ironiquement les « comités Gustave » ou les « comités Théodule », les groupuscules avides, bavards et irresponsables. L’attitude de ces citoyens qui se dressent en prenant des poses nobles et avantageuses, contre le pouvoir exécutif, reflète assez fidèlement la philosophie politique régnante, telle que la définissait jadis l’écrivain Alain dans un livre célèbre. On dira peut-être que le parti radical auquel se référait Alain n’existe plus guère dans la France contemporaine, mais ce qu’il en reste, par exemple le « comité Jean-Jacques », est imprégné de cet esprit et notre histoire récente prouve que la plupart des partis en sont aussi plus ou moins imprégnés. N’est-ce pas eux d’ailleurs, ces partis, qui avaient conduit le général de Gaulle à démissionner le 21 janvier 1946, et n’est-ce pas eux dont les intrigues ont contribué à réaliser le vote négatif du 27 avril 1969, ce qui était en un sens leur revanche sur de Gaulle, c’est-à-dire le départ définitif de celui-ci, qui les avait si longtemps tenus en lisière ?

François Mauriac, sur ce point, ne s’y est pas trompé, et pendant toute la durée des années 1944, 1946 et 19581969, il a dénoncé les convoitises des partis et leur aspiration irrésistible, du temps de de Gaulle, au « paradis perdu de cette foire d’empoigne (…) dont nous avons manqué périr ». Mais les partis ont parfois des défenseurs parmi les élites, dans les corps constitués comme l’Académie.

1954 - De Gaulle révélé à Mauriac. (Extraits du Bloc-notes de Mauriac dans L'Express du 17 avril 1954.)

Conférence de Gaulle. Voilà des années que je n'avais vu l'homme. Il n'a guère vieilli. Dès qu'il ouvre la bouche, c'est le même ton souverain. Ses échecs ne le concernent pas. Son regard sur la France et sur l'Europe est simplificateur, mais non simpliste. Le cratère que creuserait la bombe à hydrogène, ce cratère où plus rien de vivant ne subsisterait, il l'ouvre devant nous, comme le ferait Bossuet, et du même ton, mais il en tire une politique qui est celle du bon sens. De Gaulle, homme de droite, aura seul su résister à cette forme très basse de l'anticommunisme qui, chez nous, fait tenir aux intelligents les propos des imbéciles. Pour lui, la Russie est la Russie. Il dresse en pleine lumière une politique française, face à la politique d'abdication que nous menons, depuis qu'il n'est plus là.

Grandeur et misère de la politique. De Gaulle ne consent à en épouser que la grandeur. C'est ce qui assure le règne des Commis. Le R.P.F. était à mes yeux l'erreur absolue. J'ai cru que son échec marquerait la fin de l'homme qui était "la France". Or le R.P.F. a bien eu le destin que j'attendais, mais l'homme, lui, survit, et aujourd'hui encore lorsqu'il dit : J'étais la France ! cet imparfait devient un présent au-dedans de nous. J'irai à l'Arc de Triomphe, je serai seul, le peuple de Paris sera là et se taira... Aucune protestation. Qu'éprouve cette assemblée ? Elle respire ce souffle froid venu de très haut, de très loin, du temps que la France était la grande Nation.

La grandeur conçoit, la bassesse agit

De Gaulle, le dernier Français qui nous aura fait croire qu'elle l'est toujours. Il nous en aura persuadés au tournant le plus ténébreux, le plus honteux de notre histoire. Il se trouve encore des millions de Français pour ne pas l'oublier. Nul ne songe à lui demander : " Avez-vous l'accord du gouvernement ? " C'est que, par sa seule présence, le général de Gaulle rend invisible à l'oeil nu la dictature de Lilliput.

Qui de nous n'est sorti de cette conférence avec au coeur le regret poignant de ce qui aurait pu être, de ce qui n'a pas été - et je le sais aujourd'hui, de ce qui ne pouvait pas être, parce que la grandeur conçoit, mais la bassesse agit. La liberté que nous préférons à tout assure le règne de ceux qui ont des appétits et l'argent, c'est-à-dire la puissance.

François Mauriac et Malagar

Sources

Sources : Région Nouvelle-Aquitaine - Inventaire général du patrimoine culturel


Origines de Malagar - Historique détaillé

Si Mauriac avait pu échapper à Bordeaux, qui longtemps ne l’a guère aimé, il l’eût fait. Mais il tenait trop à son ancrage, à sa fratrie, aux retrouvailles familiales. Et à Malagar. Cette maison de campagne, à Saint-Maixant, avec laquelle il entretient des rapports fusionnels, après avoir tant aimé, pourtant, le chalet de Saint-Symphorien.

La beauté des paysages, entre collines et vignobles, n’explique pas, seule, cet attachement obsessionnel. Il y a aussi l’histoire du lieu, l’empreinte de trois générations jusqu’à cet arrière-grand-père qui a couronné la progression sociale des Mauriac avec l’achat du domaine viticole où personne ne vivra avant François.

Mauriac_Vignes_Small.webp Lors de son premier séjour, l’été torride de 1903, il découvre, à 18 ans, le ravissement des déambulations poussiéreuses dans des pièces presque vides. Dès lors, il y a un retour chaque été puis, quand il en hérite, des étés prolongés jusqu’aux vendanges. Et deux étranges années sous l’Occupation.

Malagar coûte, il songe à vendre, mais le domaine lui procure ce supplément d’émotion qui caresse son écriture. Trois de ses romans s’y déroulent : « La Chair et le Sang », « Destins », « Le Nœud de vipères ». Son dernier passage, deux ans avant sa mort, le 1er septembre 1970, a signé la déshérence d’une demeure dont le souffle s’éteignait.


Sans Mauriac, Malagar ne pouvait vivre. Ses enfants ont choisi de la confier à la Région. Mais son fils Claude a raconté de façon glaçante dans « L’Oncle Marcel » le sentiment de secrète détresse qui l’a étreint lorsqu’il a fallu signer la donation, dans la douceur boisée de la salle à manger, face à des interlocuteurs certes émus, mais réjouis. Aujourd’hui, quand on traverse le vestibule de Malagar, l’armoire, parfois entrouverte, laisse passer des odeurs fanées et la vision troublante des canotiers et des chapeaux de paille de François et Jeanne Mauriac...

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Vue aérienne du domaine de Malagar depuis le nord.
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Façade nord.
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Détail du mobilier de jardin de la cour.
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Vue d'ensemble de la cour en direction du sud.
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DSétail des piliers de l'entrée de la cour.
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Allée pavée entre le chai du rouge et l'auvent ouest du bâtiment des communs.
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Cuisine : vue d'ensemble en direction du sud-est, avec au fond le potager.
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Salle à manger : vue d'ensemble en direction du sud-ouest.
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Bureau de François Mauriac : vue d'ensemble en direction du sud.
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Salon : vue d'ensemble en direction de l'ouest.
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Vestibule central en direction du sud.
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Premier étage : chambre de Jeanne et François Mauriac, salle de bains, lavabos.
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Premier étage : chambre de Jeanne et François Mauriac, vue d'ensemble en direction du sud-est.
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François Mauriac - Son Œuvre

Romans, Nouvelles, Récits

1913 : L'Enfant chargé de chaînes
1914 : La Robe prétexte
1920 : La Chair et le Sang
1921 : Préséances
1921 : Dialogue d'un soir d'hiver
1922 : Le Baiser au lépreux
1923 : Le Fleuve de feu
1923 : Genitrix
1924 : Le Mal
1925 : Le Désert de l'amour (Grand prix du roman de l'Académie française, 1926)
1927 : Thérèse Desqueyroux
1928 : Destins
1929 : Trois récits : Coups de couteau, 1926 ; Un homme de lettres, 1926 ; Le Démon de la connaissance, 1928
1930 : Ce qui était perdu
1932 : Le Nœud de vipères
1933 : Le Mystère Frontenac
1935 : La Fin de la nuit
1936 : Les Anges noirs
1938 : Plongées comprenant Thérèse chez le docteur, 1933 ; Thérèse à l'hôtel, 1933 ; Le Rang ; Insomnie ; Conte de Noël
1939 : Les Chemins de la mer
1941 : La Pharisienne
1951 : Le Sagouin
1952 : Galigaï
1954 : L'Agneau
1958 : Le Fils de l'homme
1969 : Un adolescent d'autrefois
1972 : Maltaverne (posthume)

Théâtre

1938 : Asmodée
1945 : Les Mal-aimés
1947 : Passage du malin
1951 : Le Feu sur la terre

Poésie

1909 : Les Mains jointes
1911 : L'Adieu à l'adolescence
1925 : Orages
1940 : Le Sang d'Atys

Essais, recueils d'articles

1919 : De quelques cœurs inquiets
1926 : La Province
1928 : Le Roman
1928 : La Vie de Jean Racine
1929 : Dieu et Mammon
1931 : Souffrances et bonheur du chrétien
1933 : Le Romancier et ses personnages
1936 : La Vie de Jésus
1945 : La Rencontre avec Barrès
1947 : Du côté de chez Proust
1981 : Souvenirs retrouvés – Entretiens avec Jean Amrouche, éd. Fayard/INA
1993 : Bloc-notes, Seuil, 5 vol.
1996 : Mozart et autres écrits sur la musique
2000 : La Paix des cimes : chroniques, 1948-1955
2004 : D'un Bloc-notes à l'autre : 1952-1969
2008 : Téléchroniques, 1959-1964

Mémoires

1943 : Le Cahier noir - Publié sous le nom de Forez, qui était son pseudonyme, en clandestinité
1948 : Journal d'un homme de trente ans (extraits)
1959 : Mémoires intérieurs
1962 : Ce que je crois
1964 : Nouveaux mémoires intérieurs
1967 : Mémoires politiques

Autobiographie

1925 : Bordeaux, version première des Commencements d'une vie
1932 : Commencements d'une vie
1953 : Écrits intimes

Scénario

1955 : Le Pain vivant (scénario et dialogue du film Le Pain vivant sorti en 1955)

Œuvres complètes

Œuvres romanesques et théâtrales complètes, dirigées par Jacques Petit, éditions Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, 1986-1991, 4 vol.
Œuvres autobiographiques complètes, dirigées par François Durand, éd. Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, 1990.

Préface

1958 : La Nuit d'Elie Wiesel



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