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L'habitude et l'esprit de dissipation nous ferment les yeux, sur ce qui est arrivé avant nous, et sur les monuments de notre âge...
Nous foulons d'un pied rapide les cendres des Héros qui
ont défendu l'Etat, et qui ont dérobé nos mains délicates à l'esclavage, sans daigner nous en rappeler la mémoire...
-
①
- Allées de Tourny
- Place des Grand Hommes
- Place du Chapelet
- Place Richelieu
- Place Dauphine
- Place du Palais
- Place Tourny
- Place du Pradeau
- Place Louis XVI
- Place Saint-Projet
- Place Pey Berland
- Fossés du Chapeau-Rouge
- Fossés de l'Intendance
- Rue de Tivoli
- Rue de l'Esprit-des-Lois
- La rue Mautrec
- Le Jardin-Public
- Rue Fondaudège
- Cours du Jardin-Public
- Rue du Mirail
- Rue Rodrigues-Pereire
-
②
- Porte Cailhau
- Porte de Bourgogne
- Porte d'Aquitaine
- Porte de la Monnaie
- Porte des Capucins
- Porte Dijeaux
- Quai des Salinières
- Quais Monnaie et Sainte-Croix
- Le fort du Hâ
- Rue du Hâ
- L'impasse Birouette
- Rue des Palanques
- Les cinq fossés de Ville
- Le collège de la Madelaine
- Impasse Fontaine-Bouquière
- Le cours d'Albret
- Rue des Trois-Conils
- Rue de la Merci
- Rue Bouquière
- Rue Maubec
- Rue du Pont-de-la-Mousque
- Rue du Temple
- Rue de Cheverus
-
③
- Rue de la vieille tour
- Rue Sainte-Calherine
- Rue de la Porte-Basse
- Rue des Palanques
- Rue Leyteyre (Leyteire)
- Rue de la Rousselle
- Rue Neuve
- Rue Renière
- Rue du Soleil
- Rue du puits-Descazeaux
- Rues de Lalande et de Labirat
- Les tours de l'Hôtel-de-Ville
- Rue du Pont Long
- Parc Bordelais
- Usine à gaz
- Les fossés des Tanneurs
- Les fossés des Carmes
- Les fossés de l'Hôtel-de-Ville
- Cimetière de la Chartreuse
- Bains publics
- Les anciens théâtres de Bordeaux
- Les fontaines de Bordeaux
- Sources situées dans Bordeaux
- La Dordogne
Le Viographe bordelais
Source de cette page
Le Viographe bordelais ou Revue historique des monuments de
Bordeaux tant anciens que modernes et des rues, places et autres voies pubiques de cette ville
Par M. BERNADAU

Germain-François Poullain de Saint-Foix, Essais historiques sur Paris - 1768
La description de Bordeaux serait incomplète, si elle ne contenait la revue pittoresque des rues, places et autres voies publiques de cette ville et de ses faubourgs, dans lesquelles on découvre quelques fragments d'antiquités, ou qui ont vu s'accomplir, dans leur enceinte, des événements qui se rattachent à l'histoire et aux traditions locales. Elle indique aussi l'origine des noms singuliers que portent plusieurs de ces voies, et celles qu'ont habitées des hommes distingués
Place des Grands-Hommes
La dénomination de cette
place
et de son marché lui a été donnée à cause des nouvelles rues qui viennent y aboutir, et qui toutes portent
des noms d'hommes célèbres du dernier siècle. Le peuple a trouvé plus naturel de l'appeler le « Marché des Récollets », parce qu'il
est formé sur le terrain de l'ancien couvent des récollets, celui des dominicains qui l'avoisinait n'ayant fourni que l'emplacement de
la rue Mably, une des rues qui conduit à ce marché. Il a été ouvert au public le 1er mai 1806. Quoiqu'il soit moins ancien
et plus petit que le Grand Marché, il est aussi bien approvisionné que ce dernier et l'on prétend même que les
Le couvent des récollets fut construit en 1489, par les libéralités de la famille Caussade de Saint-Maigrin, qui avait de grandes
propriétés en Guienne. Il fut d'abord destiné à servir de maison de novices à celui des cordeliers. Ces derniers l'ayant abandonné,
Henri IV le donna aux récollets, qui y furent installés le 7 janvier 1602 par le provincial des cordeliers, en présence du cardinal
de Sourdis. Comme ce couvent bordait une grande partie des fossés de l'Intendance, ils sont nommés, dans plusieurs plans de Bordeaux,
les fossés des Récollets.
le Marché des Grands-Hommes reconstruit en 1860 d'après les
plans
et sous la direction de M. Charles Burguet, architecte de la ville. Dans cette construction le fer et la fonte jouent le principal rôle, et figurent, le premier pour un poids de 300,000 kilogrammes le second pour 60,000 kilogrammes.
Cette Halle majestueuse est restée en place jusqu’en 1961, une architecture moderne de l’architecte Jean Alfred-Duprat vient alors remplacer la halle, et le marché des Grands Hommes se retrouve sous une immense coupole de béton.
En 1988 un appel à projet lancé par M. Chaban-Delmas voit le projet de Claude H. Aubert remporter le concours. Ce sera un changement radical car le marché se trouvera associé à des boutiques dans un univers de galerie commerciale faisant la part belle à l’esthétisme.
La place du Chapelet
Est ainsi appelée parce que sur la porte de l'église située sur cette place était sculpté un grand bas-relief représentant la Vierge
Marie qui accueille l'hommage d'un chapelet offert par saint Dominique. Ce chapelet ne subsiste plus depuis les métamorphoses qu'a subies
cette église (actuellement Notre-Dame). Elle faisait partie du couvent des dominicains qui avait été rebâti en 1707. C'était le plus beau et le plus riche monastère
de cette ville.
En 1790, la société populaire dite des Amis de la constitution établit sa première tribune aux harangues dans l'église du Chapelet.
On en fit ensuite l'église paroissiale de Saint-Dominique. Les sans-culottes de 1793 s'en emparèrent pour y célébrer leur fameuse
fête de la raison le 10 décembre de la même année, puis elle fut surnommée le Temple de l'Etre suprême.
On avait construit dans le choeur de cette église une belle montagne de bois peint, sur laquelle étaient placés les bustes des plus
grands démocrates anciens et modernes, depuis Brutus jusqu'à Marat. Au sommet des décorations on lisait l'inscription suivante,
entre plusieurs non moins ridicules: « Montagne sainte, l'univers attend de toi sa liberté! A côté s'élevait une estrade, du haut
de laquelle les conventionnels ou leurs délégués, qui venaient gouverner Bordeaux à tour de rôle, prononçaient, dans les jours appelés
décadi, leurs allocutions civiques, que terminait un concert à grand orchestre. »
Allées de Tourny
Tourny conçut le projet de couvrir ce terrain par une belle promenade qui manquait alors à Bordeaux; car il n'avait pas encore créé
celle du Jardin-Public. L'intendant ayant obtenu, non sans beaucoup de résistance de la part des dominicains, l'aliénation des
emplacements qui bordaient les murs du jardin de leur couvent, donna le plan des maisons qui devaient y former une façade uniforme
parallèlement aux allées qu'il fit en même temps planter.
Il fut forcé de donner peu d'élévation à ces maisons, parce que le directeur des fortifications s'opposait même à la formation des
allées projetées, prétendant qu'elles domineraient les bastions du Château-Trompette. Le ministre de la guerre, auquel cette
discussion fut soumise, approuva cependant ces allées et la construction des maisons qui les borderaient, à condition que ces
maisons seraient bornées dans leur hauteur de manière à ne pas masquer la vue du fort sur la ville et la campagne environnantes.
Lors de la formation des allées qui portent son nom, Tourny prescrivit une façade uniforme pour les maisons qui les bordaient. Il a
persisté dans ce système pour tous les alignements qui ont été suivis pendant sa mémorable administration. On doit regreter qu'un
pareil système n'ait pas été suivi lorsqu'on construisit les maisons élevées dans ces derniers temps sur le côté nord de ces allées.
Elles s'étendaient originairement jusqu'à la clairevoie en fer qui se prolongeait sur le côté du port, entre la porte du Chapeau-Rouge,
autrefois Porte Royale.
L'ancienne porte du Chapeau-Rouge
La porte royale
La suppression totale des allées de Tourny s'est faite en 1831. On en abattit d'abord les arbres, sous prétexte qu'ils avaient
besoin d'être renouvelés; puis on annonça que dans l'année suivante on rétablirait cette promenade, pour le renouvellement de
laquelle on sollicitait les avis des gens de l'art. Cette promesse est restée sans exécution. Au centre d'un beau quartier, la vue
d'un vaste terrain absolument viabilisés, les préserverait de la destruction a affligé les habitants, qui croyaient que le nom seul du grand administrateur auquel ils
devaient ces magnifiques allées, les préserverait de la destruction. Ils s'en consolent maintenant, en songeant qu'elles vont être
incessamment couvertes par des monuments consacrés à la mémoire de Montaigne et de Montesquieu, qui font aussi la gloire de Bordeaux.
Un projet de commerces vit le jour sous le le nom de "bazar Charles X" en 1825, mais n'aura aucune suite.
Le bazar Charles X
Les allées de Tourny au 19e siécle, sans arbres, avec les pavés, le tramway et les fontaines.
Allées de Tourny
Place Dauphine
Tourny fit reconstruire les portes Dauphine et Dijeaux ; en dehors d'elles, on ne voyait qu'un terrain inculte avec quelques misérables
échoppes éparses çà et là ; de petits jardins potagers et un cimetière à l'usage des hôpitaux. Tourny résolut d'y faire une place
belle et spacieuse, sur laquelle on bâtirait des maisons sur un plan uniforme. Il convoqua la jurade le 4 janvier 1746, et fit voter
des sommes pour la reconstruction de ces deux portes monumentales et l'établissement de la nouvelle place. Il autorisa les jurats à
acquérir les propriétés particulières, bien convaincu que les nouvelles constructions seraient plus que suffisantes pour couvrir
tous les frais; il ne se trompait pas.
Vers 1769, il n'y avait encore, sur le côté occidental de la place Dauphine, qu'une seule pauvre maison, depuis l'encoignure de la
rue Pont-Long jusqu'à celle de la rue Judaïque. Le cimetière de l'hôpital était sur cet emplacement ; Tourny le fit transférer à
l'entrée du chemin du Tondu et exhaussa le sol, depuis la rue des Remparts jusqu'à la rue Dauphine, en y faisant répandre tous les
débris des vieilles portes Dauphine et Dijeaux. Les maisons, depuis la porte Dauphine jusqu'à la porte Dijeaux, ont été les dernières
construites.
La Place Dauphine
Monseigneur l'Archevêque de Lussan se plaignit, pour plusieurs raisons, de l'empiétement des jurats. Cet espace de terrain, en dehors
des murs, était un fief dont il était le seigneur. L'intendant ne pouvait en disposer sans empiéter sur ses droits et sans blesser
la justice; il prétendait conserver ses droits seigneuriaux dans la vente des terrains et réclamait une indemnité de 150,000 livres
pour la cessation des droits de mutation qu'il allait perdre par les projets de l'intendant. La translation du cimetière, selon le
prélat, ne pouvait se faire sans le concours de l'autorité ecclésiastique; elle n'était pas plus nécessaire que l'établissement
d'une nouvelle place, dont. on ne voyait pas la nécessité, et l'intendant abusait de ses pouvoirs, qui devaient se borner aux
embellissements de la ville et non à des travaux sans utilité en dehors des murs.
Les jurats repoussèrent ces prétentions, par la raison que les futurs travaux et embellissements, étant reconnus comme choses
d'utilité publique, ne laissaient pas de droits de lods et ventes du terrain (droits de mutation), ni aucun droit au paiement des
cens (droit seigneurial) et rentes, et que le prélat ne pouvait pas réclamer une indemnité, attendu qu'il n'éprouvait pas de perte,
et serait amplement dédommagé de ses légers sacrifices du moment par la grande valeur que ces terrains allaient acquérir et par les
mutations fréquentes que les nouvelles constructions entraîneraient dans la suite. L'archevêque insista et l'affaire fut portée devant
le Conseil d'État; Tourny fit continuer, malgré les réclamations du prélat, les importants travaux de la place Dauphine, qui devait relier
à la ville le vaste faubourg de Saint-Seurin. Cette place est aujourd'hui la plus belle et la plus régulière de Bordeaux. Sur tout le
pourtour, on voit, sur un plan uniforme et agréable à la vue, des maisons élégantes et belles; c'était la même riche uniformité que
l'intendant voulait voir sur toutes les places publiques. Il ne fut cependant pas assez heureux pour acheverces importants travaux : la
place Dauphine ne fut inaugurée que le 16 mai 1770. (c'est actuellement la place Gambetta).
Sous la Terreur, elle fut appelée place Nationale. C'est au centre de cette place que l'échafaud fut, dans la nuit du 22 au 23 octobre 1793, érigé. et la première condamnation est prononcée le 23 octobre par Jean-Baptiste-Marie Lacombe, président de la Commission militaire. La terreur fait à Bordeaux 302 morts (260 hommes et 42 femmes). Lors de la chute de Robespierre, Lacombe est arrêté le 31 juillet, jugé le 14 août par le même Tribunal qu'il avait présidé et exécuté vers 17 heures. Sa tête est mise sur un pique et portée en procession dans toute la ville.
Fossés de l'Intendance (actuellement cours)
Les fossés de l'Intendance tire leur nom de la présence de l'hôtel de l'Intendance, occupé par l'intendant de la généralité de Bordeaux
(La généralité de Guyenne est créée par François Ier par les lettres royaux du 14 janvier 1523 prévoyant un général des finances et
un contrôleur général des finances en Guyenne).
Cet hôtel n'était-autre que le vieux château de Puy-Paulin, ancienne résidence des ducs d'Epernon. Il s'élèvait entre la rue du
Chapeau-Bouge, l'église de Puy-Paulin et la place du même nom.
L'Hôtel de l'Intendance
cet hôtel était une vaste salle, dans laquelle on a donné des concerts spirituels, jusqu'à la construction du Grand-Théâtre.
On n'exécutait que des morceaux de musique religieuse dans ces concerts, et ils avaient lieu aux jours de fêtes, pendant lesquels
les spectacles étaient fermés. Cette salle a aussi servi à des réunions littéraires, politiques et dramatiques. Le Musée y tint ses
assemblées de 1782 à 1791. Le club national y motionnait, lorsqu'il fut dissous par les représentants en mission à Bordeaux le 1er
février 1795. Une société littéraire et philharmonique sous le nom de Lycée y subsista jusqu'en 1797. On y vit enfin un petit théâtre
de variétés qui occasionna la destruction de cette salle.
La façade de la salle des concerts était un jalon que Tourny avait placé pour régulariser un jour l'alignement des fossés. Là devait
appuyer la ligne partant de la place Dauphine et aboutissant au pavillon de la Bourse
Fossés du Chapeau-Rouge (actuellement cours)
Ils ont pris leur nom d'une hôtellerie fameuse dès le XVIe siècle, qui portait pour enseigne un chapeau de cardinal. La dénomination de
beaucoup de rues de Bordeaux tire son origine d'anciens cabarets, qui furent jadis aussi fréquentés que les plus brillants cafés de
nos jours.
L'hôtellerie du Chapeau-Rouge était tenue, en 1582, par Jean Peyre et il y avait autrefois dans les hôtelleries renommées de France
un tronc destiné à recevoir les aumônes que ceux, qui venaient y loger, faisaient aux pauvres.
A l'hôtel du Chapeau-Rouge. Ses habitués, qui formaient une société appelée « l'Abbaye des marchands », en distribuaient l'argent partie
aux marins naufragés, partie aux voyageurs qui avaient été détroussés par les voleurs et partie à l'hôpital de Bordeaux.
l'hôtel du Chapeau-Rouge, fût fermé le 30 juin 1676 pour la construction du château Trompette. [ Lire l'histoire de cet hôtel ]
Les fossés du Chapeau-Rouge, formant à cette époque la rue la plus large de Bordeaux, furent choisis pour y donner deux fêtes publiques. Le 3 février 1601, le maréchal d'Ornano, commandant de la province, courut la bague avec le comte de Gramont sur ces fossés, qu'il avait fait dépaver à cet effet. Cette rue fut aussi le théâtre d'un magnifique carrousel que le duc d'Epernon donna à Bordeaux dans le carnaval de 1627.
Courir la bague
Au cours de ce jeu équestre, des cavaliers armés de lances essayaient d’enfiler ou d’enlever des anneaux suspendus à un bâton.
C’est ce que l’on appelait « courir la bague » - Ce jeu se pratiqua jusqu’au XXème siècle dans les carrousels donnés à l’occasion de fêtes publiques, mais transformé en un passe-temps moins violent où l’adresse jouait le rôle principal. S’il faut en croire Héron de Villefosse : un jeu de bague circulaire, ultime métamorphose des tournois de jadis était exploité aux Champs-Elysées sous le règne de Louis XV par la famille Chevrot.
Rue de Tivoli
Ce nom est celui d'une agréable maison de campagne qu'avaient fait construire en 1770 les frères Labottière, anciens imprimeurs libraires de Bordeaux. Cette maison est la première de ce genre qu'on ait formé dans les environs de cette ville. Elle était occupée en 1801 par un traiteur renommé. Le physicien Garnerin y fit la première expérience d'un ballon aérostatique, auquel était adapté un parachute de son invention. Ce parachute se détacha du ballon à une certaine hauteur; et après s'être déployé dans sa descente, il déposa à terre, et sans accident, un animal vivant qu'il portait.
Le premier saut en parachuteLe premier saut en parachute
Effectue le premier saut en parachute sans cadre
rigide de l'histoire le 22 octobre 1797 (1er Brumaire, an VI du calendrier républicain).
A 17 h 29, à 200 toises de hauteur (400 mètres), Garnerin, qui a pris place dans
une nacelle d'osier accrochée sous un parachute en demi-sphère, coupe la corde reliant le parachute à son ballon à hydrogène.
Les spectateurs, affolés par les oscillations de son engin durant la descente craignent le pire. Bilan: une simple entorse à
l'arrivée.
Jacques Garnerin créait le parachute, et donnait aux Parisiens le spectacle émouvant d’un homme se précipitant dans l’espace à
500 mètres de hauteur, sans autre protection qu’un frêle parasol de soie, retenu par quelques cordes.
La nièce de ce physicien, Mlle Elisa Garnerin, répéta cette expérience d'une manière bien plus surprenante dans le Jardin-Public, le
8 février 1818. Elle était dans une nacelle suspendue au parachute d'un ballon. Etant parvenue à la hauteur d'environ 500 mètres,
elle coupa la corde qui liait le ballon à son parachute, et cette dernière machine descendit la courageuse aéronaute sans accident
au milieu d'un champ du quartier de Terre-Nègre.
Le 28 juin suivant, Mlle Garnerin ayant répété cette expérience dans le même lieu, son parachute la porta sur la rivière devant
Bouliac, où elle fut garantie de la submersion par un flotteur, corset de liége (inventé par Corday en 1784) dont elle avait eu la
précaution de se vêtir. Cette expérience aérostatique est la plus étonnante de celles qui ont été faites à Bordeaux à diverses
époques et n'y a pas été tentée depuis.
La porte Richelieu
La porte Richelieu fut ainsi appelée du nom du dernier gouverneur de la province. On ouvrit cette porte lorsqu'on bâtit le massif des maisons construites à la suite du Grand-Théâtre. Elle offre dans sa construction quelques circonstances assez singulières. On prit pour la décorer un des piliers de la porte du Chapeau-Rouge, sa voisine, que l'on transporta, pierre par pierre, à l'un des côtés de la porte Richelieu, ce qui donna à toutes deux une forme irrégulière, en ce que chacune d'elles n'eut qu'un seul pilier d'architecture pour appui. En 1810, lorsqu'on voulut faire la façade septentrionale de la rue qui devait aboutir à cette nouvelle porte, on s'aperçut que le pilier transporté se trouvait au milieu de cette rue. Il fut abattu, ainsi que la porte qu'il soutenait. Quelques années après on en fit autant à la porte du Chapeau-Rouge.
Usine à gaz
Les premiers reverbères placés à Bordeaux datent de 1758. Il se forma, en 1824, une compagnie pour l'éclairage au gaz des magasins; mais ce ne fut qu'en 1839 que l'administration municipale passa un premier marché pour l'éclairage des Quinconces. depuis cette époque, ce mode a remplacé peu à peu les reverbères à huile, qui n'existent plus aujourd'hui que dans les quartiers reculés.
Rue de l'Esprit-des-Lois
Lorsqu'on supprima cette dernière porte, la rue qui y conduisait s'appelait rue Porte-Richelieu. On lui imposa le nom de rue de l'Esprit-des-Lois. C'est la première fois qu'on a donné à une rue le titre d'un livre. Dans cette rue est l'hôtel de la Banque ( actuelle banque de France), créée par Balguerie-Stuttenberg a été fondé en vertu d'une ordonnance royale du 23 novembre 1818 : ses bureaux sont ouverts depuis le 1er juillet de l'année suivante. La Caisse d'épargnes est dans l'hôtel de la Banque, et en est une dépendance.
La place Richelieu
La place Richelieu (actuellement place Jean Jaures) portait auparavant le nom de Marché-aux-Vins, parce qu'on y vendait le vin par barriques. Le 2 août 1763, la jurade autorise la construction des Bains publics du Chapeau-Rouge sur le bord septentrional de cette place. A la partie opposée s'élevait un établissement du même genre, appelé les bains orientaux. Tous les deux ont été démolis en 182o, lorsque les bains des Quinconces furent construits.
Les anciens théâtres de Bordeaux
Préambulle sur les usages de l'époque
Arrêt du Parlement de Bordeaux, du 3 janvier 1612, qui défendait aux comédiens de représenter (jouer) le
dimanche et les jours de fête où il n’était permis à aucun théâtre de représenter : Interdictions Depuis la veille des Rameaux
jusqu’au dimanche de Quasimodo inclusivement, la Pentecôte, la Toussaint, le jour de Noël, toutes les fêtes de Notre-Dame, le jour de
Saint-André, la Fête-Dieu, le jour de la procession de l’Octave des Agonisants.
On faisait, à l’Hôtel-de-Ville, lecture de ces règlements à tous les directeurs qui se présentaient pour obtenir la permission de jouer.
Salle du jeu de paume le 2 janvier 1635, les jurats imposent la salle des spectacles appartenant à un particulier nommé «
Barbarin », qui y tenait aussi un jeu de paume. Située dans la rue des Ayres, et à portée de l’Hôtel-de-Ville, comme le seul
endroit où désormais on pourrait dresser un théâtre, ceci pour permettre un contrôle plus facile de la police des jurats et éviter
l'établissement des troupes de comédiens ambulants dans n'importe quelle place de la ville.
En 1659, la cour se proposant de venir à Bordeaux , Louis XIV écrivit aux maire et jurats :
DE PAR LE ROY,
Très chers et bien amez ,
Comme nous n’avons point mené en ce voyage nostre trouppe de commédiens de l’hostel de Bourgongne, et que nous desirons que celle
de Belleroche, qui prend ce tiltre de nos commédiens, représentent les pièces quilz ont en nostre ville de Bordeaux pendant le séjour
que nous y ferons, nous vous escrivons cette lettre pour vous mander et ordonner qu’incontinant après l’avoir receue vous ayez à
permettre à la dicte trouppe de Belleroche de faire dresser un théâtre et un parterre dans le jeu de paulme de Barbarin , afiin que
nous et les personnes de nostre cour et suitte puissions prendre à la commedie nostre divertissement , et à ce ne faictes faulte, car
tel est nostre plaisir.
Donné à Xaintes , le 16e jour d’aoust 1659.
Signé LOUIS.
Barbarin, ne faisant pas sans doute de brillantes affaires dans un établissement trop rapproché de l’Hôtel-de-Ville, avait obtenu,
sous la condition de laisser aux jurats la jouissance de son local, d’établir une petite salle de comédie dans la rue Montméjean.
Le Théâtre de la rue Montméjean, près le couvent des Petits-Carmes est la plus ancienne salle de comédie que l'on sache avoir subsisté à Bordeaux était située dans la rue Montméjan. Il ne paraissait
alors dans cette ville, comme dans toutes celles de province, que des troupes de comédiens ambulants qui ne jouaient pas tous les
jours. On apprend par les registres de l'Hôtel-de-Ville que le 4 mars 1701 les jurats permirent à des acteurs, dits de la troupe
royale, de représenter la comédie française, à la charge par eux de ne commencer qu'après vêpres les jours fériés, de donner une
représentation au profit de l'hôpital Saint-André, de se conformer pour le prix des places à la taxe fixée par les jurats, de leur
réserver une loge, et de leur donner d'ailleurs deux billets d'entrée au parterre, pour distribuer à qui bon leur semblerait.
Molière aurait joué sur cette scène en 1644. Il composa notamment, selon ses biographes, pendant son séjour à Bordeaux, la Thébaïde, pièce
qui n'a pas été conservée (présence non prouvée).
Le Théâtre de la rue du Chai-des-Farines
incendié le 14 janvier 1731, à la suite d'une représentation du Festin de Pierre.
Le Théâtre de Molière, ouvert le 29 avril 1792, dans l'ancienne église Saint-Jacques, ayant appartenu aux jésuites; fermé après
une durée de cinq ans. Une troupe s'y installa de nouveau après 1830, et y joua pendant deux ans environ. 29 avril de la même année
on fit l'ouverture du genre comique n'y était pas exclusivement admis. On y jouait aussi la tragédie et le vaudeville. Ce théâtre
était établi rue du Mirail.
On lisait sur le rideau la devise: « Risu ac lachrymis », que les habitués traduisaient par ces mots: « Riez aux larmes ».
Ce théâtre se soutint pendant cinq ans, à quelques intermittences près.
Le Théâtre de la Mairie projet délibéré par les jurats, le 9 décembre 1724. L’exécution de ce projet fut cependant encore
retardée. En attendant, on permit à la demoiselle Dujardin (1735), directrice d’un opéra, de faire construire une salle dans le
jardin de l’Hôtel-de-Ville. Le sieur Bousignon, architecte, et Bernard Sallefranque, charpentier, s’engagèrent à faire cette
construction, avec la clause que la demoiselle Dujardin en jouirait l’espace de trois années, après lesquelles elle en laisserait la
libre possession aux dits entrepreneurs pour se couvrir de leurs frais.
Mais les jurats, tout en autorisant cet arrangement, réduisirent à deux années seulement la jouissance accordée aux entrepreneurs, au
terme desquelles la ville serait déclarée propriétaire de la susdite salle dont elle fixa provisoirement le loyer à 300 liv. par mois.
La ville n’abandonnait pas cependant le dessein qu’elle avait formé, de la construction d’une salle qui répondit et aux besoins de la
population et à la dignité de ses fondateurs; mais le manque de fonds l'obligea de se contenter pour le moment d’une salle provisionnelle
qui se construisit sur un terrain joignant l’Hôtel-de-Ville. On emprunta pour cette construction une somme de 65,000 liv. de divers
particuliers de Bordeaux, lesquels se remboursèrent, quartier par quartier, sur les revenus de la ville. Cette salle, dépendant de l’
Hôtel-de-Ville, était située près de l’église Saint-Éloi et faisant face aux Fossés. En attendant qu’elle fût terminée , on joua la comédie
dans une baraque placée sur le pont de l’Hôtel-de-Ville.
Elle fut terminée au mois de septembre 1739. Cette salle exista plusieurs années. Comme il n’y avait point encore à Bordeaux de
directeur ad hoc, les jurats la louaient aux diverses troupes qui obtenaient le privilége de représenter dans cette ville.
Le 28 décembre 1755, à deux heures du matin, le feu se manifesta dans la nouvelle salle, qui fut entièrement embrasée, de même que
le pavillon de la porte royale de l’Hôtel-de-Ville , la couverture des deux tours et le dôme de l’horloge. Cet événement était
d’autant plus à déplorer, que l’ancienne salle de Barbarin avait subi le même sort, et que le projet formé alors de l’entière
reconstruction de l’Hôtel-de—Ville s‘opposait à ce que la salle fût réédifiée exactement sur le même lieu.
En attendant que la ville eût arrêté un projet, M. de Tourny, intendant de Guienne, prêta aux jurats une salle de son hôtel précédemment
destinée aux concerts. On y joua durant trois ans.
Le Théâtre de la Montagne, Théâtre-Mayeur ou des Sans-Culottes, ouvert pendant l'hiver le 3 janvier 1793, par un certain Valette et après
la démolition du couvent des Carmes et la vente parcellaire de ce terrain, a subsisté pendant l'hiver de cette même année, pour y représenter
des pièces patriotiques qui pussent servir de délassement aux « vrais Sans-Culottes ».
La terreur tenait alors la France courbée sous son homicide coutelas. Les clubs, les cartes de sûreté. le scrutin épuratoire, les
dénonciations, la guillotine, toutes ces gentillesses imaginées par les hommes libres, occupaient si fort les vrais sans-culottes,
qu’il leur fallait de toute nécessité un délassement où leur âme pût se retremper le soir et se disposer aux prouesses du lendemain.
Le pain manqua dans Bordeaux; mais les théâtres furent autorisés et l’on s’y porta avec fureur. On entrait l’estomac vide, on en
sortait de même, mais on avait hurlé la Marseillaise ou le fameux « Çà ira », et c’était une compensation aux tourments de la faim.
Il était dirigé par le vaudevilliste Mayeur, qui réclama quelques années plus tard, de la municipalité, de vouloir bien substituer
au nom de la Montagne que portait son spectacle, celui des Variétés.
Le Théâtre de l'Union s'ouvrit Le 10 juin 1795 sur les allées de Tourny, dans une baraque qui servait auparavant pour les exercices
de divers saltimbanques. Quoiqu'il n'ait subsisté qu'environ un an, de bons acteurs y ont joué, tels que Molé, Perrond et Mme Contât.
La salle des Concerts, fossés de l'Intendance Elle servit à son tour de salle de théâtre pendant trois ans,
à partir du milieu de l'année 1756, c'est à dire après l'incendie du théâtre de la Mairie. En 1799, on l'appropria de nouveau en
théâtre, qui porta le nom de théâtre du Lycée et celui-ci devint aussi la proie des flammes le 18 février 1803.
Le nom de Lycée, qu’il portait, prenait son origine d’un projet formé par quelques artistes et gens d’étude d’y établir une espèce
d’académie ou lycée artistique qui pût servir de lieu de réunion aux amateurs de la ville. Cette entreprise, qui avait en un
commencement d’exécution, eut le sort de beaucoup d’autres de ce genre, et ne put réussir.
Le théâtre de la Gaîté allées de Tourny, près le café Moreau. — Ouvert le 12 avril 1801; petit spectacle pour le genre des variétés,
dans une baraque décorée du nom de Salle de la Gaîté. Ce spectacle avait pris faveur, lorsque la représentation d'une pièce de circonstance,
intitulée 1, 2, 3 et 4, qui y attirait la foule, fut, dit-on, la cause de son incendie, le 12 mars 1802. Les acteurs remontèrent leur scène
dans l'ancienne salle du concert. La même pièce lui attira le même sort. Alors le directeur, Bojolay, fit rebâtir son ancienne salle à Tourny. Elle
a subsisté jusqu'en 1810, époque où l'on réduisit les théâtres permanents à Bordeaux au nombre de deux, dont un pour les grands spectacles,
l'autre pour le genre des variétés. C'est l'état actuel des spectacles dans cette ville. Il semble qu'un seul théâtre y suffirait, comme
autrefois, puisque deux se soutiennent difficilement, quoique réunis sous la même direction et recevant une subvention de la ville.
Le théâtre des Variétés, près la Porte-Dauphine, entrepris par le sieur Gaétan Camagne, peintre, après l'incendie du
théâtre de la Mairie et selon conventions arrêtées par les jurats, le 7 mai 1756; fermé à l'ouverture du Grand-Théâtre, le 7 avril
1780; restauré en 1790; démoli en septembre 1799, il sera remplacé par le Théâtre-Français, sur l'emplacement voisin du couvent des
récolets
Ouvert le 29 novembre 1800. Jean-Baptiste Dufart en a dirigé la construction. On doit à cet habile architecte le dessin du Palais-Gallien,
qui est dans l'Histoire de Bordeaux, et le plan de distribution des terrains des Quinconces, qui a été publié en 1816. le théâtre fut
incendié le 3 décembre 1855.
L'incendie 1855
En 1940
Aujourd’hui
Des acteurs d'un grand mérite ont constamment captivé les applaudissements publics sur les divers théâtres de Bordeaux, quoiqu'ils
se fussent définitivement fixés dans cette ville. M. Alartelly, mort en 1817, âgé de soixante-six ans, est un de ceux qui s'y est
le plus distingué par ses talents en plus d'un genre. Il a fait pendant vingt ans l'ornement du Grand-Théâtre dans la tragédie et
dans la haute comédie. Il allia la culture des lettres à l'exercice de sa profession. On a de lui cinq pièces de théâtre, dont la
plus remarquable est intitulée les Deux-Figaro. Cette comédie, eu cinq actes et en prose, fut représentée avec succès à Bordeaux
dans le cours de l'année 1790. Il a aussi publié un Recueil de Fables, dont plusieurs, avant leur impression, avaient été lues dans
des séances publiques du Musée, qui le comptait au nombre de ses membres.
La manie des spectacles a été poussée à tel point dans cette ville qu'on y a vu plusieurs comédies bourgeoises subsister à la fois.
Les acteurs, les employés et les actionnaires de ces réunions, étaient de simples amateurs appartenant à diverses classes de la
société, qui jouaient gratis pour leur plaisir et celui de leurs amis. Le plus ancien de ces théâtres bourgeois commença à se monter
en 1782. Divers acteurs, qui sont devenus l'ornement de la scène française, se sont formés sur ces théâtres d'amateurs.
Ce théâtre est actuellement le cinéma « Le Français ».
Le théâtre de l'Ambigu comique, de Petit-Colysée ou de théâtre de Belleville Établi vers 1775, dans la salle de réunion,
dite du Colysée par Belleville dans le quartier qui a conservé son nom, et transféré en 1777 sur le cours de Tourny; supprimé en
1792.
Quelques années avant l'ouverture du Grand-Théâtre il s'établit dans cette ville un spectacle, pour les représentations à bon marché,
des pièces du bas-comique, qui n'avaient jusqu'alors été jouées que transitoirement dans les baraques de la foire. En 1773, un cafetier
nommé « Belleville » fit bâtir hors les murs une vaste salle de bal sous le nom de Colisée. Bientôt après il ajouta à son
établissement un petit théâtre dit l'Ambigu-Comique, sur lequel une troupe d'enfants jouait de petites pièces du genre des variétés.
Ce spectacle ayant pris de l'accroissement, fut transporté, au bout de trois ans, dans un théâtre plus vaste, situé sur le cours de Tourny,
où il a subsisté jusqu'en 1792.
Les théâtres de la Banlieue En 1834, quatre théâtres où se jouait le vaudeville se formèrent aux barrières de Tivoly, de
Brienne, de Saint-Genès et de La Bastide. L'acteur Sevestre avait réalisé un projet semblable à Paris ; c'était la même idée importée
à Bordeaux. Un public nombreux se portait à ces théâtres. Ils donnèrent de tristes résultats financiers. Cela ne peut être dû qu'à des
désordres de gestion ou à d'autres causes accessoires. Toujours est-il que leur durée fut très-limitée et ne s'étendit pas au-delà de
quelques mois.
La rue Mautrec
Elle est ainsi appelée par corruption de son nom primitif « Maü-Traject (Mauvais-Passage) », à cause du danger qu'il y avait
à la parcourir, lorsque les tueries des bouchers de la Porte-Médoc y étaient établies pendant les XIVe et XVe siècles, ainsi que
l'attestent les anciens titres.
Dans cette rue habitait le savant François-de-Paule Latapie (1739-1823), qui a fait des cours publics de botanique au Jardin-des-Plantes de Bordeaux, et de
langue grecque à l'école centrale de la Gironde et dont les leçons dans ces deux enseignements furent très-suivies.
Biographie Latapie
Naturaliste, voyageur et homme de lettres français.
Venu se fixer à Bordeaux en 1775, année de son élection comme membre de l’Académie de la ville (il y est élu le 13 août) à son
retour d'Italie, il devient aussitôt professeur de botanique au jardin des plantes. Il se distingue alors par ses conférences
(il donne en 1776 une relation des fouilles de Pompéi à l’Académie de la cité girondine), ses cours publics de botanique (que
fréquenta entre autres Jean Thore) et ses publications de culture pratique des jardins.
En 1776, il est le premier à réaliser "de mémoire" un plan topographique des fouilles de la cité antique de Pompéi, à une époque où la monarchie napolitaine interdisait aux visiteurs toute prise de notes sur le site. Le caractère novateur de ce plan et de la description des vestiges qui lui est associé a été mis en avant par les archéologues et les historiens des sciences
C'est la collection Latapie, qui en 1791 est à l'origine des collections du muséum de Bordeaux, complétée en 1804 par celle de
Journu-Auber.
À l'automne 1794, il est désigné comme élève de la nouvelle École Normale, ouverte à Paris pour former les futurs enseignants
destinés à former les maîtres d'école. Il séjourne probablement à Paris jusqu'au printemps 1795, date de fin des cours de la
première École Normale.
Le Jardin-Public
A l'origine, l'intendant ne considérait pas uniquement la création d'un jardin comme un simple lieu d'agrément qu'il procurait aux habitants de Bordeaux, il
entrevoyait encore les avantages réels et durables qui en résulterait pour un quartier presque inhabité, dont la population ne pouvait manquer de s'accroître.
Afin d'atteindre ce but, il ouvrit plusieurs voies nouvelles, qui toutes aboutissant au Jardin-Public, devaient nonseulement rendre ses abords faciles, mais encore faire décupler la valeur des terres qui borderaient les percées prescrites, lorsque des maisons y seraient construites.
Le Jardin Public est alors une des parties du vaste marais qui s'étendait au nord du Bordeaux gallo-romain. La limite de l'agglomération urbaine s'arrêtait de ce côté à une solide chaussée édifiée à travers le marécage et qui conduisait vers le Médoc (la rue Fondaudège).
Vers 1680, un ingénieur-architecte du Roi, Michel du Plessy, célèbre pour avoir dirigé les travaux d'achèvement de la reconstruction
du Château-Trompette sous Louis XIV, plus célèbre pour avoir fait les plans de l'église de Notre-Dame, acquit des terrains sur
lesquels il édifia, à la place d'un humble bourdieu campagnard, une maison de plaisance, un hôtel, en façade sur un chemin dénommé
d'abord rue de Pradets (prairies) et qui devint vite la rue Duplessy.
En 1712, Jacques Hustin installa la Manufacture royale de faïence, d'où sortirent, entre autres, de 1714 à 1780, l'horloge de la
bourse de Bordeaux et l'autre s’agissait du renvoi d’une girouette servant à évaluer, en fonction des vents, le temps d’arrivée des voiliers marchands qui s’annonçaient dans l’estuaire de la Gironde, puis sur la Garonne pour remonter jusqu’au port du centre-ville.. ( ? )
Cadran en terre cuite
Dans le grand hall du palais de la Bourse, un cadran en terre cuite émaillée est signés du maître faïencier bordelais Hustin.
Daté de 1750, il est orné d’une étoile stylisée en son centre. Il avait une fonction très particulière, qui s’explique par la vocation portuaire de Bordeaux aux temps de la marine à voile. Il s’agissait du renvoi d’une girouette servant à évaluer, en fonction de la direction des vents, le temps d’arrivée des voiliers marchands qui s’annonçaient dans l’estuaire de la Gironde, puis sur la Garonne pour remonter jusqu’au port du centre-ville.
On raconte qu’un homme à cheval, lancé depuis Pauillac, prévenait les négociants de l’entrée des navires dans l’estuaire. Si les vents étaient contraires, il leur faudrait plusieurs jours pour escaler dans le port et les cours des marchandises pouvaient être maintenus élevés. Dans le cas contraire, les prix baissaient.
Au-dessus de l’immense verrière, l’axe de la girouette s’élance à quinze mètres pour atteindre le niveau des toitures du côté de la place Gabriel. Il semblerait que sa partie aérienne en cuivre ait été restaurée dans les années 1920.
En 1991, la corbeille de la Bourse, lieu légendaire de la criée, a été soigneusement démontée, les tableaux noirs où apparaissaient à la craie blanche les noms des sociétés locales et régionales cotées en bourse de Bordeaux ont été retirés. Ils sont conservés dans les réserves sous les toitures de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Bordeaux.
Vers le même temps, à l'autre extrémité du futur Jardin, à l'entrée du faubourg des Chartrons, l'Irlandais Pierre Mitchell établit,
en 1721, son premier fourneau « pour fabriquer un verre propre à faire des bouteilles façon d'Angleterre »
C'est le 23 août 1746 que le Conseil d'Etat rendit l'arrêt qui autorisait la création du Jardin. Tourny avait hardiment découpé sur
le sol la figure géométrique de son Jardin. Il fallut cinq ans et demi pour exproprier les divers possesseurs du terrain.
En 1753, Tourny décida d'agrandir le Jardin en ajoutant au rectangle primitif un triangle qui porta sa limite à l'Ouest jusqu'à l'
actuelle place Longchamps.
Le Jardin créé, il fallait le dessiner, le planter et le décorer. Le dessin, Tourny le demanda à son architecte ordinaire, Jacques-
Ange Gabriel. Les plantations commencèrent dès 1749. Tourny y admit deux essences : l'ormeau, l'arbre-roi, l'arbre français par
excellence, et le tilleul de Hollande, importé au début du XVIIIe siècle. Le triangle ajouté en 1753 fut planté en ormeaux qui
constituèrent un petit bois.
Pour supprimer la différence de niveau due à l'inclinaison du terrain du côté des Tanneries, Tourny créa dans cette partie du jardin une terrasse,
qui devait ajouter à sa beauté. Elle fut construite de 1753 à 1755 par Michel Voisin, le grand entrepreneur de Tourny. Sur la
terrasse s'élevèrent de 1752 à 1758, deux portiques à colonnades, destinés à abriter les promeneurs les jours de pluie. Ils étaient
surmontés d'une balustrade ornée de vases. Les sculptures des chapiteaux, des mascarons, des Arases furent exécutés par deux
ornemanistes bordelais, Massot et Laconfourque. Les portiques accompagnaient deux pavillons où furent logés les portiers du Jardin
et où fut installé un café.
Entre ces constructions s'ourvrait la principale entrée du jardin du côté de la rue Fondaudège. avec la notre place du Champ-de-Mars,
dont Tourny avait voulu faire l'entrée maîtresse de son Jardin, celle par où y accédaient les belles daines à paniers descendant
de leurs luxueux équipages.
Pour compléter la décoration et donner un pendant aux deux pavillons de la terrasse, Tourny édifia au nord, sur les plans de Gabriel,
un manège, « l'Académie aux chevaux », dont les bâtiments s'élevèrent de 1755 à 1759, et dont le corps de logis principal fut décoré
d'une colonnade en façade sur le Jardin surmontée d'un fronton, sur lequel Claude Francin sculpta un sujet « analogue » au monument :
Apollon conduisant le char du Soleil attelé de deux chevaux fougueux.
Ce jardin s'appelait alors le « Jardin Royal ».
En 1759, Jacques de Romas, ce modeste assesseur au présidial de Nérac qui inventa avant Franklin le paratonnerre, tenta d'y réaliser
sa fameuse expérience du cerf-volant électrique. Elle ne put avoir lieu : l'orage que souhaitait de Romas éclata trop bien, la foudre
tomba sur le café du Jardin Public et le populaire ignorant accusa le savant de l'y avoir attirée.
Le jardin a été complété en 1774 par l'ouverture de la place circulaire nommée Bardineau, du nom d'un traiteur Aroisin, et en 1778
par la construction, sur les plans de Michel Bonfin, d'un vaste et confortable hôtel, bâti en bordure du Jardin, pour Jean Valeton de
Boissière et son gendre Pierre-Romain-Nicolas de Lisleferme, sur des terrains provenant du morcellement de l'ancien domaine Duplessy.
Ce bel hôtel particulier fut édifié par Richard François Bonfin, architecte de la Ville, pour Nicolas de Lisleferme (1737‑1821),
avocat au parlement de Bordeaux, jurisconsulte, poète et amis des arts, dont le nom est resté au bâtiment.
C'est le 6 mars 1778 que les jurats réunis en conseil, doivent délibérer sur la demande de deux des plus puissants notables de la
ville : Jean Valleton de Boissière et son gendre Nicolas de Lisleferme, demande d'autorisation "de faire bâtir une ou plusieurs
maisons suivant la décoration dont ils ont produit le plan, entre la salle appelée Bardineau et le Jardin public", alors Jardin royal,
conçu et réalisé par Tourny entre 1743 et 1756.
L'hôtel fut achevé, semble-t-il, en 1781 et décoré aussitôt. Les boiseries du salon ovale, représentant les quatre saisons sont
attribuées au sculpteur Cabirol. L'édifice avait été conçu comme un hôtel double pour le beau-père et le gendre, de part et d'autre
de l'escalier central. Celui-ci est aujourd'hui déplacé côté sud.
L'hôtel Calvet, siège des Sociétés savantes, faisant le pendant à l'hôtel de Lisleferme, fut édifié plus tard, en 1851, réalisant le
complément côté sud de l'arrondi de la place Bardineau, entre le Jardin public et la rue Duplessy.
Le 26 juillet 1784, MM. Darbelet, Chalifour et Desgranges firent leur seconde expérience aérostatique dans le Jardin-Public (première
tentative le 16 juin 1784). Le ballon qu'ils montaient et qui avait 15 mètres de diamètre, s'éleva à environ jusqu’à la hauteur de
près de mille mètres. Il les transporta, sans encombre, dans la commune de Gauriav, près de Bourg, à trois myriamètres ( ? )
du point de départ. Uniquement satisfaits d'avoir procuré à leurs concitoyens la vue d'un spectacle alors nouveau, ils en
abandonnèrent le produit à l'hôpital. Dans le mois de mai précédent, deux particuliers de cette ville avaient tenté en cet endroit une
pareille expérience, qui eut la plus déplorable issue.
Le myriamètre
Le myriamètre, est une ancienne unité de mesure adoptée sous la
Révolution. D'une valeur de dix mille mètres (10 km), elle correspondait à trois lieues. Borne myriamétrique près de l'ancien canal
de Briare Liée aux délais de communications de l’époque, elle a été utilisée dans le Code d’instruction criminelle pour fixer
certains délais de procédure.
Aujourd'hui, elle est encore mentionnée et utilisée ainsi par la Loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881, à l'article
542 imposant un délai supplémentaire de distance "d'un jour par cinq myriamètres de distance".
Ce fut dans le Jardin-Public que les Bordelais, au nombre d'environ trente mille, se réunirent spontanément le 20 juillet 1789, et y
délibérèrent de se former en garde nationale, ce qui fut exécuté dès le lendemain dans chaque paroisse de la ville.
Le 11 février 1856, le Conseil municipal adopta son rapport où il proposait de réunir dans le Jardin Public le jardin botanique
qui se tramait dans l'enclos de l'ancien couvent de la Chartreuse et un jardin d'agrément conçu dans le style alors à la mode à Paris
(parc Monceau, parc des Buttes-Ghaumont, Bois de Boulogne, Bois de Vincennes), avec tous les accessoires pittoresques, rivière, île,
cascade, ménagerie, ponts rustiques, kiosque à musique.
Le Jardin fut réalisé de 1856 à 1858 par Fischer et Escarpit.
Au jardin d'agrément Brochon avait lié le jardin botanique. A cet effet, Burguet construisit, de 1856 à 1859, le bâtiment des serres,
surélevé par rapport au Jardin à l'aide d'un « gracieux remblai » et derrière lequel fut créé le jardin d'étude.
A l'occasion de la transformation du Jardin, l'architecte de la ville, Charles Burguet refit la terrasse, au centre de laquelle on créa
le bassin avec jet d'eau. On refit aussi la clôture du Jardin du côté du cours et de la place Bardineau. Les belles grilles dorées furent
forgées dans les ateliers d'Henry Grandet, 78-80, rue Lecocq et le maître serrurier Faget décora les portes de motifs repoussés au marteau
: travail remarquable, au point que des juges non avertis ont cru que ces grilles étaient celles de Tourny.
A la restauration du Jardin Public fut liée une autre idée : lui donner un cadre du côté nord. Elle fut réalisée par l'ouverture de
la rue d'Aviau. L'un des côtés de cette rue fut prélevé sur le terrain du Jardin, auquel on enleva une bande de 37 mètres de largeur.
Les maisons de cette rue nouvelle furent astreintes, en ce qui concernait leurs façades sur le Jardin, à une hauteur et à une décoration
uniformes. Il faut louer l'architecte Burguet et la municipalité Antoine Gautier de ce souci de ressusciter la tradition
du XVIIe siècle pour donner au Jardin un cadre digne de sa beauté.
la Laiterie de la porte Longchamps qui, de 1879 à 1891, dispensa aux bébés et aux mamans des gâteaux, des rafraîchissements et aussi
le lait chaud procuré par trois vaches garonnaises.
Mis à l’eau en 1893 un bateau rappelant le style de la pinasse du bassin d’Arcachon fait son apparition sur la rivière du Jardin public à Bordeaux. Le bateau-romenade deviendra ensuite le « Petit Mousse » parcourant inlassablement le plan d’eau en embarquant petits et grands pour une somme modique. Au fil des ans l’embarcation subira quelques transformations, la « mini pinasse » se verra dotée d’un arrière de type gondole et un siècle après sa mise à l’eau d’une tête d’oiseau à l’avant lui donnant un petit air de « drakkar conquérant ». Ici, à la fin du XIXe siècle.
Paul COURTEAULT - Revue philomathique de Bordeaux et du Sud-Ouest - Promenade historique au Jardin Public - 1933
Le Parc Bordelais
Le Parc bordelais est situé sur le territoire de la commune de Caudéran, à 2 kilomètres de la place Dauphine (Gambetta). Il a été
fondé en 1863, à l'initiative de quelques habitants de Bordeaux, sur un magnifique domaine de 28 hectares de superficie, acheté
500,000 fr. Les fonds ont été réunis par souscription publique. Par décret impérial du 13 août 1864, une société anonyme a été
constituée au capital de 550,000 fr., divisé en 5,500 actions de 100 fr.
Une grande loterie au capital de un million de francs a été concédée à la société par S. M. l'Empereur. Les fonds provenant de cette
loterie sont consacrés à la transformation du domaine en promenade publique et en Jardin d'acclimatation.
Le projet n’aboutira pas, ce qui permettra à la ville de Bordeaux, grâce au legs Godard d’acquérir la parcelle pour 345.000 Francs en 1882..
Godard
Camille Godard, comme souvent à Bordeaux, est un riche négociant en vin et spiritueux. De plus, il possède des terres en Charente et le château Kirwan, à Cantenac, qui est en appellation Margaux. Ce fameux château avait été créé par Sir John Collingwood, grand amateur de Bordeaux.
A sa mort, il sera repris par son gendre, le marchand irlandais Mark Kirwan, qui lui donnera son nom. Il en fait un grand vin qui rentrera dans les grands crus du classement de 1855.
C’est à cette même date qu’il est acheté par Camille Godard. A sa mort, en 1882, il le lèguera à la ville. Celle-ci confiera la commercialisation des vins à la maison de négoce Schröder et Schyler. Finalement, Armand Schyler s’en rendra propriétaire en 1926. Depuis, il est resté dans cette famille.
Camille Godard avait des idées progressistes. Il exige que ces 28 hectares soient aménagés en un parc permettant aux Bordelais de jouir des bienfaits de la nature. La réalisation sera confiée à Eugène Bühler (1822-1907), architecte paysagiste français né à Clamart d’une famille protestante d’origine Suisse.
Son père était pépiniériste. Il étudie l’architecture paysagée à l’école royale d’horticulture de Versailles et sera un grand « jardinier », créant notamment, en 1857, le Parc de la Tête d’Or de Lyon. Il sera un défenseur du style paysagier (ou jardins à l’anglaise), si en vogue sous le second Empire. Il ne faut pas oublier que Napoléon III a longtemps vécu en exil en Angleterre.
Il dessine le parc avec de légères ondulations créant des perspectives, une vaste pièce d’eau et des allées cavalières incitant à la promenade. Il plante de nombreuses espèces rares issues des colonies. Ce goût de l’exotisme trouvera son apogée lors de l’exposition universelle de 1900.
Ce magnifique parc sera inauguré en 1888 par Sadi Carnot, Alfred Daney étant maire de Bordeaux. Ce dernier fera ériger, en 1889, une statue représentant Camille Godard en buste au sommet d’une colonne. Elle contemple le lac où s’ébattent canards, cygnes et oies (photo).
Ouvert au public tous les jours, depuis huit heures du matin jusqu'à la chute du jour. Le prix d'entrée est de 25 centimes. Les voitures sont admises au prix de 1 fr.
Deux portes sont ouvertes : l'une sur le chemin de Saint-Médard, l'autre sur le petit chemin d'Eysines; les voitures entrent
par cette dernière; les piétons, par l'une ou par l'autre. Les deux lignes d'omnibus de la Croix Blanche et de la Croix de Seguey,
ont leur station à proximité des portes du Parc bordelais.
Affiche de la loterie
Rue Fondaudège
La rue Fondaudége a pris son nom de celui d'une fontaine qui est située dans cette rue. On l'appelle « Odeia » dans nos vieux titres.
Certains croient reconnaître dans cette fontaine celle qu'Ausone a célébrée sous le nom de « fons Divona ». Darnal, sous l'an 1559 de la
Chronique, a contribué à propager cette erreur en disant: « Les jurats firent faire une muraille à la fontaine d'Audége, pour la séparer
du grand chemin et empêcher que les terres ne tombassent dans le vase de ladite fontaine, belle et abondante, et de laquelle parle dans
ses oeuvres le poète Ausone, bourdelois et citoyen romain ».
Il est certain que la font d'Audége ne peut point être la Divona d'Ausone, puisque que Ausone dit qu'elle était située au centre de
la ville, tandis qu'Odeia est à l'extrémité d'un faubourg.
Quoiqu'on ait fait souvent des réparations à cette fontaine, ses eaux ne sont pas aussi abondantes qu'elles le furent anciennement.
Elles servaient aux travaux des tanneurs qui étaient autrefois établis en grand nombre dans la rue des Tanneries (aujourd'hui impasse). [
Voir la fontaine
]
Cours du Jardin-Public
Avant la formation de ce cours, le terrain sur lequel il s'étend était parcouru par un chemin sinueux et impraticable qui conduisait
sur les derrières des Chartrons, et que bordait l'esplanade du Château-Trompette, de petits jardins et quelques échoppes. La seule
maison qu'on remarquait sur ce chemin une ancienne faïencerie.
Sur ce cours débouche la rue de la Course. Elle était naguère divisée en deux parties par la rue du Jardin-Public;
la partie du côté du levant s'appelait rue Dufau (nom de rue déplacé vers la mairie) et celle du côté du couchant rue Clouet (ce
nom de rue à disparu). Le nom de la rue de la Course vient d'un spectacle pour des combats d'animaux, qui fut ouvert le 1er mars
1755, sous le nom imposant de Cirque.
Rue du Mirail
La dénomination de la rue du Mirail est fondée sur une vieille tradition populaire qui s'est conservée jusqu'à présent, tout absurde
qu'elle est. On conte qu'au fond du puits qu'on vient de remplacer par une borne-fontaine à l'extrémité méridionale de cette rue, s'était
logé un serpent d’eau effroyable venu de Touraine : le basilic. Cet animal, inconnu des naturalistes, avait, dit-on, la vertu de faire mourir tous ceux qui le regardaient perdait la vie. Plusieurs personnes qui étaient venues un jour chercher de l'eau à ce puits et qui avaient voulu examiner au fond le bruit qu'on y entendait, tombèrent mortes autour de sa margelle. L'alarme était dans le quartier, lorsqu'un soldat, d'autres disent un boulanger qui passait, perçant la foule, annonça qu'au moyen d'un secret qu'il avait appris en Egypte, d'où il revenait avec la croisade, il allait délivrer promptement Bordeaux de ce dangereux animal. Aussitôt, tout en marmottant certaines paroles et prenant un air solennel, il ordonne de descendre au fond du puits, par une corde, le miroir d'une voisine et dès que la bête croisa son propre regard, elle s'élança hors du puits en poussant un cri effroyable, et expira sur le-champ. C'est à l'occasion de ce merveilleux événement que ce puits a pris le nom de Mirail (Miroir)
Rue Rodrigues-Pereire
Jacob Rodrigues juif Portugais, établit en 1742 une école pour l'instruction des sourds et muets de naissance. Il se servait à cet effet d'une méthode de son invention qu'il appelait « Dactylologie », ou Alphabet manuel. Cette méthode précéda celle qui a immortalisé l'abbé de Lépée. Pereire forma plusieurs élèves. Il était même parvenu à apprendre à l'un d'eux à articuler des phrases entières. Il le présenta à l'académie des sciences de Paris le 9 juillet 1749. Ce sourd-muet récita plusieurs pièces de vers, répondit de vive voix et par écrit aux questions que les académiciens lui firent sur la grammaire, l'arithmétique, la géographie, et donna des preuves de son intelligence et de l'art avec lequel elle avait été cultivée. L'académie consigna ce fait extraordinaire dans ses registres, dont on trouve l'extrait dans le Journal des savants du mois de septembre 1749. Pereire est mort en 1780, à l'âge de soixante-cinq ans.
Jacob Rodrigues PereireJacob Rodrigues Pereire
le savant juif du siècle des Lumières, pionnier de l’éducation des sourds-muets
Pereire privilégie la démutisation, la lecture sur les lèvres, l'apprentissage précoce de la lecture et utilise une dactylologie
adaptée à la langue française, inspirée de l'alphabet manuel de Juan de Pablo Bonet. Il fait l'objet d'attaques anonymes de
l'abbé Charles-Michel de L'Épée, qui cherche lui aussi une reconnaissance institutionnelle dans le domaine de l'éducation des
sourds. L’œuvre de Pereire ne se limite pas à ce seul domaine. Ses connaissances en physique et en mathématiques lui valent
des honneurs et l’amitié des plus grands savants de son temps, notamment Buffon, qui le cite dans son Histoire Naturelle, Réaumur
et La Condamine. Ses connaissances linguistiques lui valent l’estime de Bougainville qui lui confiera l’observation et la description
de la langue du Tahitien Aotourou. Il manie parfaitement le portugais, le français, l’italien et l’hébreu.
Il traduit en français plusieurs prières composées par le rabbin de Bordeaux pour des circonstances concernant la famille royale : maladie
du roi, de la reine ou du dauphin. Les qualités de Pereire comme traducteur sont remarquées, et en 1765, il reçoit officiellement de Louis
XV le titre de : « Interprète de sa majesté pour les langues espagnole et portugaise ». On lui doit l’édition, en 1765 et 1776, de toutes
les lettres patentes qui, depuis Henri Il jusqu’à Louis XVI, ont concerné et protégé les juifs portugais. Il créa en 1780, au 44 de la rue
de Flandre, dans le 19e arrondissement de Paris (à l'époque la Villette), un cimetière pour les Juifs portugais.
savant juif Portugais, établit en 1742 une école pour l'instruction des sourds et muets de naissance. Il se servait à cet
effet d'une méthode de son invention qu'il appelait « Dactylologie », ou Alphabet manuel. Cette méthode précéda celle qui a
immortalisé l'abbé de Lépée. Pereire forma plusieurs élèves. Il était même parvenu à apprendre à l'un d'eux à articuler des phrases
entières. Il le présenta à l'académie des sciences de Paris le 9 juillet 1749. Ce sourd-muet récita plusieurs pièces de vers,
répondit de vive voix et par écrit aux questions que les académiciens lui firent sur la grammaire, l'arithmétique, la géographie,
et donna des preuves de son intelligence et de l'art avec lequel elle avait été cultivée. L'académie consigna ce fait extraordinaire
dans ses registres, dont on trouve l'extrait dans le Journal des savants du mois de septembre 1749. Pereire est mort en 1780, à
l'âge de soixante-cinq ans.
Porte Cailhau
Les ruisseaux de la Devèze et du Peugue, qui étaient autrefois navigables jusqu'au milieu de l'enceinte de Bordeaux, ont leur
embouchure dans la Garonne. Au centre du quai qu'ils bornent est placée la porte du Caillou. Cette partie du quai fut
originairement le lieu où abordaient les diverses embarcations qui fréquentaient ce port. On l'appela « le quai daü Caillaü (du Caillou) », parce qu'en
raison de son utilité, il fut le premier pavé en caillous de rivière, avantage dont les autres parties du port n'ont joui que dans le
dernier siècle. Il prit alors le nom de « quai Bourgeois », sous lequel il est encore connu, attendu qu'il était réservé pour
le débarquement des vins que les bourgeois de Bordeaux avaient le privilége de faire entrer en ville, sans payer aucun droit. Cette
porte se trouvant placée en face du « quai du Caillaü », dut naturellement prendre ce nom, qui se trouve traduit en français
par Caillou.
Le nom de « porte du Palais » lui a été également donné à cause de sa situation à l'entrée de l'avenue de l'ancien palais des ducs
d'Aquitaine, qui devint ensuite le palais de justice. Elle fut construite en 1494, en mémoire de la mémorable bataille gagnée par
le roi Charles VIII à Fornoue le 6 juillet 1495. La statue du roi fut, par ordonnance des maire et jurats, posée au haut du dit portal.
Les vieilles maisons du côté occidental de la rue du Quai-Bourgeois, laquelle s'étend à droite et à gauche de la porte du Caillou,
bordaient cette partie du port avant que Tourny élève la façade actuelle.
Sur sa façade, côté ville, on peut voir au centre une scène théâtralisée représentant deux anges portant un écusson à 3 fleurs de lys surmonté par un heaume coiffé de la couronne royale. Le tout est au centre d'un chapiteau décoré également de fleur de lys, encadré de rideaux noués par des cordons, avec au sommet un curieux personnage chevelu semblant observé la scène. [
Voir cet écusson
]
Place Tourny
A l'extrémité du cours de Tourny était un carrefour de forme irrégulière, où venait aboutir le chemin du Médoc. On appelait cet endroit la place Saint-Germain, du nom d'une ancienne chapelle qui existait tout auprès, et dont un titre du 27 février 1502 rappelle la situation en ces termes :
« Aquéra plassa vuida aü loc aperat au près deu portaü de Sent-German, en laquaü plassa solé estar la capéra de Sent-German antiquament. »
Lorsque les archevêques faisaient leur entrée à Bordeaux, ils se rendaient d'abord à la chapelle de Saint-Germain, où ils étaient harangués par le chapitre de Saint-Seurin, auquel ils juraient de conserver ses droits et privilèges. De là ils allaient en cérémonie à l'église Saint-André, montés sur un cheval blanc, dont la bride était tenue par le baron de Montferrand, lequel avait le cheval pour récompense de sa corvée. Le captai de Buch et le seigneur de Candale portaient la queue de la chape du prélat, dont ils gardaient pour eux le surplis et le bonnet carré après la cérémonie. Elle est décrite tout au long dans le procès-verbal de l'entrée de l'archevêque Arthur de Montauban, le 18 novembre 1466.
Sur l'ancienne place Saint-Germain Tourny fit ouvrir celle qui subsiste actuellement. Il fut forcé d'en faire construire les maisons extrêmement basses (*), parce que le ministre de la guerre s'opposa à ce qu'on leur donnât plus d'élévation, afin qu'elles n'empêchassent pas l'action des batteries du Château-Trompette du côté de la campagne. L'ancienne porte Saint-Germain s'ouvrait au milieu de quatre tours crénelées, couronnées d'une plate-forme avec des guérites. Tourny remplaça ce gothique et inutile bastion par une belle porte à claire-voie en fer, ayant de chaque côté un guichet pour les piétons. Il conserva à la place et à la porte de Saint-Germain leur ancienne dénomination. Mais la reconnaissance publique lui donna le nom de Tourny, du vivant même de l'illustre intendant.
(*) La maison en question est celle des bureaux de la marine. [
Voir
]
Sa mémoire a reçu un hommage plus significatif. On lui a érigé sur cette même place une statue. Un des côtés du socle de ce monument portait l'inscription suivante:
INTENDANT DE LA PROVINCE DE GUIENNE DEPUIS 1743
JUSQU'EN 1758,
LA POSTÉRITÉ RECONNAISSANTE.
Cette inscription était choquante, puisque le prénom de Tourny est Louis-Urbain et non Louis-François. La rectification a était réalisée bien plus tard. [ Voir ]
Place du Pradeau
La place du Pradeau est ainsi appelée du mot latin pratulum, qui signifie petit pré, parce qu'en cet endroit était jadis un enclos de verdure qui servait de cimetière au monastère de Saint-Seurin, avant qu'il ne fut transformé en chapitre collégial. Sur cette place est une entrée de l'église Saint-Seurin. En 1827, on a décoré cette entrée d'une façade dans le genre gothique, laquelle offre sur les côtés les statues de saint Amand et de saint Seurin, évêques de Bordeaux, dont cette église possède les reliques. [ Voir ]
Place du Palais
Cette place est ainsi appelée, parce que le palais de justice s'élevait dans sa partie occidentale. C'était un vaste bâtiment
gothique que les ducs d'Aquitaine avaient fait construire au commencement du Xe siècle pour leur servir de demeure. Il est appelé
castrum Umbrarioe (château de l'Ombriére), parce qu'il y avait au devant de belles allées d'arbres qui conduisaient à l'ombre
jusque sur le port. Ce palais sera démolit en 1880.
Dans le palais de l'Ombrière siégeaient le parlement, la table de marbre, la cour sénéchale et l'amirauté de Guienne. Les prisons
dépendantes de ces tribunaux étaient dans le même local. Le premier tribunal, qui fut institué par Louis XI, en 1462, avait pour
ressort les provinces de Guienne, de Gascogne, de Saintonge, du Périgord et du Limousin. Le second jugeait également au souverain
les délits et les contraventions qui se commettaient sur les rivières et dans les forêts du même ressort. Le troisième formait le
tribunal de première instance du pays Bordelais. Le quatrième connaissait de toutes les contestations relatives au commerce maritime
de la province.
Sur le côté méridional de la même place était l'hôtel de la Bourse. Le bureau des finances, la chambre de commerce, la juridiction
consulaire et le siège de la monnaie occupaient cet hôtel.
Porte de Bourgogne
Un arrêt du conseil du 10 juillet 1750 ayant autorisé la construction de la Porte-Bourgogne. les travaux en furent immédiatement
commencés. Elle en remplaçait une plus ancienne, appelée la porte des Salinières, qui avait été bâtie dans le XIVe siècle, lors du
second accroissement de l'enceinte de Bordeaux. Elle a pris ce nom du quai placé au devant et sur lequel abordaient les divers
navires qui importaient les denrées de salaison dans cette ville, où elles étaient connues sous la dénomination de saline, commerce
alors très important et qui a fondé l'opulence de Bordeaux, bien avant l'époque de la découverte de l'Amérique. Lorsqu'on jeta les
fondements de la nouvelle porte des Salinières, un ordre supérieur prescrivit de changer son nom en celui de Porte-Bourgogne, en
mémoire de la naissance d'un prince français qui reçut alors le titre de duc de Bourgogne. Cette nouvelle dénomination n'a pas fait
oublier l'ancienne, que conserve encore ce monument. Il fut inauguré en cérémonie le 30 septembre 1751 et Tourny en posa la première
pierre. Elle fut construite par l'architecte Chevet, assisté par Lartigue père.
Cette distinction, qu'on a consignée dans les registres de l'Hôtel-de-Ville, était bien due au grand administrateur qui
s'était déjà occupé, avec autant de goût que d'activité, à la décoration de Bordeaux.
La place Bourgogne (aujourd'hui place de Bir-Hakeim), ainsi que la porte de ville qui occupe le centre de son hémicycle, furent achevées
en 1755. Lorsqu'on forma cette place, il s'élevait au centre de son emplacement un gros poteau en bois d'environ 4 mètres de hauteur,
que couronnait une toiture circulaire et dans lequel était nichée une petite statue. Ce poteau était en grande vénération auprès des
marins de Bordeaux, qui l'appelaient « lou pali de senta catalina (le pilier de Sainte-Catherine ». Comme il gênait les travaux à
faire sur cette place, les jurats ordonnèrent son transport au milieu du quai des Salinières, où il a subsisté jusqu'à la révolution.
Il dépendait d'une chapelle fondée dans l'église de Saint-Michel, à laquelle appartenait l'argent jeté dans le tronc creusé dans le dit
« paü », provenant des collectes que les marins du haut pays avaient coutume de faire dans les mauvais temps auprès des voyageurs qu'ils
transportaient, et après avoir chanté un vieux cantique en l'honneur de sainte Catherine, pour être préservés des ouragans.
En 1807, on isola la porte des maisons attenantes, après avoir abattu ses deux guichets latéraux, et elle porta temporairement le nom d'Arc-Napoléon. en mémoire du premier passage de l'empereur dans cette ville, en avril 1808.
Le bourreau levait autrefois un droit d'ancrage sur les bateaux chargés de bois à brûler qui abordaient au quai des Salinières. A
mesure qu'ils arrivaient, il jetait à bord de chaque bateau un petit balai, qu'on appelait « geneste », parce qu'il était
fait de branches de genêt et le batelier était tenu de venir à terre porter au bourreau un faissonnat ou trois bûches de la
cargaison du bateau.
Le Marché aux fruits était autrefois établi sur la place Bourgogne, et le bourreau levait, pour droit de placage, un ardit (petite
monaie valant à peu prés 1 Liard) sur chaque corbeille de fruit qu'on y étalait. Ce marché a été transféré sur le quai voisin, depuis
qu'on a exhaussé le sol de la place Bourgogne, pour adoucir la montée qui conduit au pont (pont de pierre)construit en cet endroit.
Le quai des Salinières
Le quai des Salinières est ainsi appelé du premier nom de la porte Bourgogne, où il commence et se prolonge jusqu'à celle de la Grave. La formation de ce quai date de 1675 (délibération du 27 juillet).
Le quai de la Grave
Le quai de la Grave s'étend depuis l'ancienne porte de ce nom jusqu'à celle de la Monnaie. Entre les limites de ce quai fut établie en 1673 la fontaine appelée « Font-de-l'Or », près de laquelle on voit une machine hydraulique, qui sert à élever une eau de source pour alimenter les fontaines placées en plusieurs lieux du port. En 1763, les jurats voulant récompenser le fontainier qui avait imaginé cette machine, lui accordèrent le droit de conduire, par un tuyau souterrain, les eaux de cette source jusque sur le bord de la rivière, et d'y établir un regard, au moyen duquel il pourrait remplir d'eau les tonneaux que les navires de la rade devraient charger pour la provision de leurs équipages. Afin de faciliter l'opération, le fontainier reçut d'abord ces tonneaux autour de la fontaine, où il offrit de les nettoyer intérieurement, de les rebattre, et de les garder moyennant un léger salaire. Il les plaça ensuite sous un hangar construit dans un enclos qu'il ferma, puis complanta d'arbres. Dans ces derniers temps, il s'est prétendu propriétaire du local sur lequel il avait formé cet enclos, lorsque la mairie a voulu le faire démolir, ainsi que les autres clôtures des chantiers de construction établis par tolérance dans cette partie du port. En 1842, un arrêt de la cour royale a débouté de ses prétentions le fontainier de la « Font-de-l'Or », et l'a condamné à démolir son enclos.
Les quais de la Monnaie et de Sainte-Croix
Les quais de la Monnaie et de Sainte-Croix sont peu étendus et n'offrent aucune particularité remarquable. Ils ont pour limites le quai de la Grave au nord, et celui de Paludate au sud. Chacun d'eux n'a qu'une cale d'abordage; le restant de la rive est couvert par des magasins à bois et par des chantiers de construction. Ces derniers sont peu fréquentés maintenant, l'industrie qu'on y exerçait s'étant portée sur d'autres points de la ville depuis l'établissement du pont de pierre.
Rue du Temple
Elle doit son nom à une ancienne église qui avait appartenu aux templiers, puis aux chevaliers de Malte. Au devant de cette église était une vaste cour fermée, au fond de laquelle s'élevait l'hôtel de la commanderie. On apprend par un procès-verbal de visite des lieux, dressé en 1626, qu'auprès de cet hôtel était une tour dans laquelle on gardait les archives de cette commanderie, et que les carmélites, en faisant construire leur couvent qui était conligu à l'hôtel du commandeur du temple, avaient usurpé du terrain sur ses propriétés. Il introduisit alors contre ces religieuses une action en réintégrande, laquelle fut terminée par un accommodement entre les parties. Cet hôtel ayant été vendu comme propriété nationale, il a été ouvert sur ce terrain, en 1804, une nouvelle rue qu'on a appelé rue du Temple, comme étant un prolongement de l'ancienne rue de ce nom.
Rue de Cheverus
En 1842, on a donné ce nom à la rue Judaïque en ville, parce que le cardinal Cheverus, archevêque de Bordeaux, est mort, le 19 juillet 1836, dans cette rue, où est situé, depuis 1828, le palais archiépiscopal. L'ancien nom de la rue de Cheverus annonce qu'elle fut l'habitation des juifs, avant l'ordonnance de 1371, qui leur défendit de s'établir dans les villes de France ailleurs que dans les faubourgs. Cette destination se trouve rappelée dans le passage suivant de la Chronique: « Sous le règne de Charles-le-Chauve, les Normands se desborderent par toute la France, vindrent à Bourdeaux (852), et piîierent la ville, par la trahison des juifs, qui lors résidoient dans Bourdeaux, dont il y a une rue qui s'appelle rue Juifve. Elle est désignée sous ce nom dans un titre de 1340. »
Rue de la vieille tour
Ainsi nommée dans ces derniers temps. On l'appelait auparavant rue du Canon, parce que, pendant la domination anglaise, il y avait
un canon pointé au haut de la tour. En cet endroit reposait l'angle des côtés nord et ouest du mur de clôture de la première enceinte
de Bordeaux. Sur la même tour flottait le pavillon d'Angleterre, portant un léopard, que les bonnes femmes appelaient un dragon.
Elles se servaient de ce signe pour effrayer au besoin leurs enfants et les empêcher de sortir de la ville de ce côté, qui était
épave et désert, en leur disant qu'il y avait, dans la Tour du Canon, un dragon qui mangeait les petits enfants lorsqu'ils allaient
courir les champs. Ou faisait même, à ce sujet, un conte que la tradition populaire a conservé.
« Elle porte que du temps des ducs d'Aquitaine un dragon monstrueux s'était cantonné dans la Tour du Canon, du haut de laquelle
il menaçait de souffler la peste sur Bordeaux, si les habitants ne lui apportaient pas, tous les dimanches, une jeune fille qu'il
dévorait dans la semaine. La dernière bordelaise qu'on donna en tribut à ce dragon étant parvenue à l'apprivoiser, apprit de lui
qu'on pourrait le chasser, en lui présentant un reliquaire célèbre à Limoges, sous le nom de verge de saint-Martial. Cette fille
communiqua cette nouvelle à ses concitoyens, en l'écrivant sur une tuile qu'elle jeta du haut de la tour. Alors ils se procurèrent la
relique et la portèrent processionnellement au pied de la tour. A cette vue le dragon-monstre se précipita dans la Garonne, et
Bordeaux fut délivré pour toujours de sa présence. Beaucoup de villes de France ont des fables aussi ridicules mêlées à leur histoire. »
La rue Sainte-Calherine
Elle est une des plus anciennes de Bordeaux, dont elle divisait la première enceinte du nord au sud en deux parties égales. Son nom
vient de celui d'une chapelle qui y était située, et qui appartenait à l'ordre de Malte, ainsi que l'hôtel qui était à côté. Cette
chapelle ne servait plus au culte depuis un siècle et formait une habitation particulière. Sa porte d'entrée, décorée de sculptures
gothiques, annonçait sa destination primitive.
Les restes de la chapelle Sainte-Catherine et du vieux hôtel qui en dépendait ont été démolis pour faire place au Bazar Bordelais
qu'on a construit en 1834. Un pareil établissement, sous le nom de avait été formé l'année précédente dans la même rue. La rue
Sainte-Caiherine est une de celles de Bordeaux dans lesquelles on voit en plus grand nombre des marchands d'objets de luxe.
La Galerie Bordelaise
Lors des troubles de la Fronde, la rue Sainte-Catherine fut le théâtre d'un événement bien déplorable. Deux partis divisaient
Bordeaux. Celui des Ormistes, recruté parmi la populace, appuyait l'insurrection que les princes de Condé et de Conti avaient
organisée pour éloigner du ministère le cardinal Mazarin. Ce parti avait pour adversaire celui des Bien-intentionnés, qu'on appelait
vulgairement les Chapeaux-Rouges, parce qu'il se composait de propriétaires dont le plus grand nombre habitait le quartier du
Chapeau-Rouge. Le 24 juin 1652, un détachement d'Ormistes attaqua, dans la rue du Pas-Saint-Georges, un détachement de Chapeaux-
Rouges, et le poursuivit jusque dans la rue Sainte-Catherine. Là, ces derniers se réfugièrent dans une maison où ils soutinrent une
espèce de siège. Les Ormistes, désespérant de s'emparer de cette maison, y mirent le feu. Les jurats ne purent arrêter les suites de
cette attaque. Elle dura quatre heures, et plus de cent personnes y perdirent la vie.
Les rues Marchande, des Trois Maries (qui portait autrefois le nom de rue de la Cadenne), du Poisson-Salé et du Cahernan, sont
devenues le prolongement de la rue Sainte-Catherine.
La question de la rue Sainte-Catherine unique et rectiligne telle qu'elle existe, se posa à Tourny. Il écrivait à ce sujet le 9
décembre 1756 : « Je suis bien aise de voir M. Trudaine aussi décidé sur la réformation de la rue, Sainte-Catherine et de celles qui
n'en doivent faire qu'une de la porte Médoc à la porte Saint-Julien ».
Les jeunes bordelais ne soupçonnent pas que leur "Fast-food" était avant "Aux Dames Françaises".
Le McDo avant
Rue de la Porte-Basse
Elle a subsisté jusqu'en 1803, à l'extrémité méridionale de la rue ainsi appelée. Cette porte était percée et son nom annonçait
combien peu elle était remarquable. Cependant les personnes qui ne l'ont pas vue pourraient la regretter, attendu que les géographes,
qui se copient communément les uns les autres, la citent comme un beau monument d'architecture romaine. Il y a plus, le rédacteur de
l'Almanach historique de Guienne, pour l'année 1760, a bravé les démentis des habitants de cette ville, en rapportant les mauvais vers
suivants faits par l'un d'eux en l'honneur et gloire de cette espèce de porte:
Bordeaux, vante ton monument:
Tel de l'antique Rome était le fondement.
Plus auguste estla Porte-Basse
Que le haut portail d'un palais.
Cette grande et superbe masse
Voit les siècles couler sans s'ébranler jamais.
La Porte-Rasse n'était ni auguste, ni haute, ni superbe. Ce prétendu monument romain était tout bonnement une ouverture informe
d'environ 4 mètres en tout sens, pratiquée dans une muraille qui avait 2 mètres d'épaisseur. Elle n'offrait rien de remarquable dans
sa forme. Il avait été question de la démolir en 1766, parce qu'elle obstruait la voie publique. Mais les jurats ne purent se mettre
d'accord avec le chapitre de Saint-André, qui, en sa qualité de seigneur foncier du terrain sur lequel cette porte était bâtie et
comme possédant sur son surhaussement une maisonnette, demandait 50,000 fr. d'indemnité pour consentir à cette démolition.
Au-dessus de cette porte on voyait dans une niche une statue en pierre assez bien sculptée, d'environ 1 mètre de hauteur, représentant
un personnage vêtu d'un habit long, la tête ceinte d'une couronne de fleurs et dont les mains, rapportées en bois, tenaient un livre
ouvert. Le peuple appelait cette statue « saint Bordeaux » et disait aux étrangers qu'elle tournait le feuillet de son livre exactement à
minuit. Il la considérait comme le palladium de la ville; et dans toutes les fêtes publiques il l'entourait de guirlandes. Lorsqu'on
démolit la Porte-Basse, nous eûmes la facilité de voir de près la statue qui la couronnait: il nous parut, par la forme des vêtements
et les protubérances de la poitrine, qu'elle représentait une femme.
Aprés la retraite des barbares qui avaient successivement saccagé Bordeaux, les ducs d'Aquitaine en firent relever les murs de
clôture sur le plan que les Romains avaient tracé à cette ville lorsqu'ils la possédaient. Il est évident qu'on employa pour cette
reconstruction les matériaux épars des édifices qu'ils y avaient élevés. Ainsi la Porte-Basse n'était pas un ouvrage des Romains,
mais elle avait été bâtie avec les débris de leurs monuments.
Barbare (philosophie)
barbares : origines, dans l’article « Barbare (philosophie) » de l’Encyclopédie
de Diderot et d’Alembert, on remarque que « c’est le nom que les Grecs donnaient par mépris à toutes les nations qui ne parlaient
pas leur langue, ou du moins qui ne la parlaient pas aussi bien qu’eux, pour marquer l’extrême opposition qui se trouvait entre eux
et les autres nations qui ne s’étaient point dépouillées de la rudesse des premiers siècles ». Il s’agissait donc au départ d’un simple
critère linguistique permettant de distinguer les individus dont le langage leur apparaissait comme un babil inintelligible (« ba ba ba »),
une sorte d’onomatopée, comparable au bla-bla en français, évoquant le bredouillement.
Par extension, cette différence linguistique donnera une vision négative, méprisante, de l’autre, de l’étranger, qui se
retrouvera dans la définition transmise par les Grecs au monde romain. Après la conquête de la Grèce, les Romains adoptèrent le
terme grec et l’utilisèrent pour désigner les peuples qui entouraient leur propre monde. Était donc qualifié de barbare à Rome
celui qui n’appartenait pas à la sphère culturelle gréco-romaine, quel que fût son niveau de civilisation. Ainsi, les Romains
considéraient, par exemple, les Huns comme des « animaux à deux pieds », selon la description qu’en fit l’historien Ammien
Marcellin, qui décrit leur arrivée en Europe, comme une « tornade dégringolant des montagnes ».
Quant à la statue qui subsista sur cette porte, nous pensons qu'elle a été érigée par les Bordelais en l'honneur de la fameuse « Aliénore », fille du dernier duc d'Aquitaine car pendant qu'elle fut reine de France, puis d'Angleterre, de 1137 à 1204, elle fit plusieurs fondations utiles dans Bordeaux, qui l'avait vu naître. Il est naturel de penser que les habitants auront témoigné leur reconnaissance à cette princesse, en lui élevant une statue, et qu'ils l'auront placée sur le plus ancien monument de cette ville. A la longue, des contes populaires se seront mêlés à ces témoignages de la vénération publique et en auront défiguré le motif.
Rue des Palanques
Son nom vient de celui que l'on donne encore, dans les campagnes du Bordelais, à des planches mobiles qu'on met sur les ruisseaux pour les traverser. Il y avait anciennement un pareil pont à l'extrémité de cette rue qui descend vers le Peugue. Ce pont servait pour faciliter l'abord de l'église Saint-André aux habitants de la partie de Bordeaux qui était sur la rive droite de ce ruisseau, avant qu'il ne fût voûté (recouvert). En 1793 on donna le nom de rue du Romarin à celle des Palanques. A la même époque, la rue du Hâ fut surnommée « rue Immortelle », parce qu'elle était habitée par l'infâme Lacombe, président de la trop fameuse commission militaire de la Gironde, lequel fut condamné à la peine de mort le 15 août 1794.
Le fort du Hâ
Fut commencé à bâtir en 1454. Il avait la forme d'un carré long, flanqué de hautes tours, sans compter un pavillon carré donnant sur
la campagne pour la porte de secours, laquelle était couverte par un ouvrage avancé en forme de fer à cheval. Au levant et au couchant
étaient deux portes à ponts-levis par lesquelles on pénétrait dans ce fort. De larges fossés l'entouraient de deux côtés et des maisons
des deux autres.
Pendant le régime de la terreur, le fort du Hâ devint une des quatre prisons créées pour renfermer les personnes qu'on arrêtait
révolutionnairement. Lors de la chute de Robespierre, on en comptait deux cent quatre-vingt-treize détenues dans ce fort, ce qui
formait environ un cinquième de celles qui étaient alors embastillées à Bordeaux comme suspectes. Quoique ce fut la prison la mieux
gardée de la ville, un des détenus tenta de s'évader par les combles d'un pavillon faisant partie d'une salle de cette prison qu'on
appelait la galerie. Dans la nuit du 8 janvier 1794, il descendit au dehors, au moyen d'une corde qu'il avait fabriquée avec des
lanières de son manteau et de la couverture de son lit. Mais cette corde s'étant trouvée tropcourte, il se cassa une cuisse en
tombant dans les fossés du fort. Le bruit de sa chute et les cris que sa blessure lui arrachait le firent découvrir. Il fut arrêté
et transporté à l'hôpital, où il mourut des suites de sa fracture dont il s'arracha, une nuit, l'appareil, pour se soustraire à la
rage de ses ennemis. Cet homme courageux était un ancien garde du corps nommé de Lafaye.
La rue du Hâ
La rue du Hâ prend son nom de l'ancienne porte de ville, qui s'élevait à son extrémité occidentale.
On mura cette porte en 1401, parce qu'elle n'était pas suffisamment fortifiée pour résister aux partis ennemis qui menaçaient Bordeaux. Elle s'appelait porte du Far (phare), à cause d'un fanal qui y était placé, pour éclairer, durant la nuit, les routes formées au milieu des marais et des terres épaves de ce quartier que traversaient les habitants des campagnes voisines, qui venaient de bonne heure apporter en ville des comestibles au marché.
Le fanal qu'on tenait sur cette porte, quoique formé de plusieurs lampes, était décoré du nom imposant de phare par nos aïeux, qui aimaient singulièrement l'hyperbole. L'ancien nom de Far s'est changé en celui de Hâ, parce que, dans le patois gascon, on emploie indifféremment la lettre H pour la lettre F.
Il y avait un séminaire et un couvent dans la rue du Hâ. Le séminaire, qu'on appelait des Irlandais, fut fondé en 1603 par le cardinal de Sourdis, pour les ecclésiastiques que les persécutions en Irlande forçaient de s'expatrier. Ceux d'entre eux qui paraissaient propres aux fonctions pastorales étaient employés dans le diocèse; les autres achevaient leur instruction à l'université de Bordeaux et portaient exclusivement les morts dans les paroisses de la ville, moyennant une rétribution applicable à leur séminaire. Quant au couvent, il fut construit en 1616, et considérablement restauré en 1736, à cause des ravages que lui fit éprouver un violent incendie. Il était occupé par les religieuses de Notre-Dame, qui reconnaissaient pour fondatrice Jeanne de Lestonac, nièce de Michel de Montaigne et veuve de Gaston de Montferrand, baron de Landiras, laquelle est morte en odeur de sainteté dans le même couvent, le 10 février 1640, à l'âge de quatre-vingt-quatre ans.
En 1638, elle publia, sous le titre suivant, les statuts de l'ordre qu'elle avait fondé: Règles et constitutions de l'ordre des religieuses de Nostre-Dame, estably premièrement à Bourdeaux par l'auctorité du sainct siège.
Durant la période de la révolulution (Terreur), la rue du Hâ a été surnommée « rue Immortelle ». Cette appellation provient de l’un des (tristement) illustres résidents de cet axe : Jean-Baptiste-Marie Lacombe, président de la Commission Militaire Révolutionnaire de Bordeaux. Cette commission était une cours provisoire (1793 et 1794), en marge de l’armée, destinée à juger rapidement (et souvent expéditivement) tous ceux qui étaient susceptibles d’actes de contre-révolution, d’opposition politique ou de crimes en relation avec l’état de guerre. Son but : maintenir l’ordre.
Au delà de la position peu reluisante de président de cette commission, Jean-Baptiste-Marie Lacombe est surtout connu pour monnayer la clémence de ceux qui comparaissent. La trésorerie et la perception des amendes, pour un total de 7 millions de livres, est complètement opaque ; et une très forte partie retombe dans les oeuvres personnelles de son dirigeant. En fonction du crime jugé, il faut avoir la bourse bien pleine pour échapper à la guillotine.
Finalement, Jean-Baptiste-Marie Lacombe rencontrera en personne la Veuve sur l’échafaud en août 1794 pour manquement aux devoirs de sa charge. Il laisse derrière lui 300 condamnation à mort sur ses 9 mois de présidence de la Commission Militaire Révolutionnaire. L’intégralité des jugements a été repris dans des éphémérides, disponibles sur Gallica
L'impasse Birouette
L'impasse Birouette fut appelée rue des Chiens, puis rue de Guillaume-Jean. Elle est désignée sous ces noms dans un titre du XIVe siècle. Une maison de cette impasse est dite située « In ruâ quœ dicitur Guillelmi - Johannis, vel rua de Canibus. » En 1787, il existait dans cette impasse un théâtre bourgeois, où des amateurs jouaient avec beaucoup d'aplomb la comédie et l'opéra comique. Une aventure singulière arrivée dans ce théâtre amena sa dissolution.
Rue des Palanques
Le nom de la rue des Palanques vient de celui que l'on donne encore, dans les campagnes du Bordelais, à des planches mobiles qu'on met sur les ruisseaux pour les traverser. Il y avait anciennement un pareil pont à l'extrémité de cette rue qui descend vers le Peugue. Ce pont servait pour faciliter l'abord de l'église $aint-André aux habitants de la partie de Bordeaux qui était sur la rive droite de ce ruisseau, avant qu'il ne fùt voûté. En 1793 on donna le nom de rue du Romarin à celle des Palanques.
Les fossés de ville
Actuel Cours Victor Hugo - En 1708, les fossés de Ville, depuis la rue du Hâ jusqu'à celle de l'Observance, furent bordés de deux rangs d'arbres et de bancs de pierre, et formèrent une agréable promenade, que fréquentaient particulièrement le soir les habitants de la partie méridionale de la ville. Les étrangers s'accordent à dire qu'à l'exception de Paris, aucune ville de France ne possède, dans l'intérieur de son enceinte, un aussi magnifique cours que celui de nos ci-devant fossés de Ville. Chacune de leurs cinq divisions a reçu un surnom différent. Nous allons faire connaître les particularités les plus remarquables de ces divisions.
Les bains publics
Sur le quai, auparavant appelé quai du Chapeau-Rouge, les jurats permirent en 1763 à un particulier de faire construire, sur des piliers bâtis dans la Garonne, les premiers bains publics qu'on ait vus à Bordeaux. Ils ont subsisté jusqu'en 1826, ainsi qu'un pareil établissement formé en 1800 à l'autre extrémité du même quai, sous le nom de Bains orientaux.
Les bains orientaux
Sur les Quinconces, aux deux extrémités des allées de Chartres et d'Orléans, sur le bord de la Garonne, où ils s'alimentent directement. Ces bains d'un caractère monumental, sont dus à une compagnie fondée par Balguerie-Stuttenberg; ils ont été construits sur les plans de M. Laclotte. On y trouve tout le confortable désirable dans un pareil établissement : bains de propreté, bains de vapeur, eaux minérales factices pour bains et boissons.
Ils sont également installés : rue du Palais-Gallien; rue de Cursol; rue Verteuil; rue Rodrigues-Peireire; rue Cornac; rue Denize; rue du Cloître; rue de la Benauge (la Bastide).
Les fossés des Tanneurs
Cours Victor Hugo (suite) - Les fossés des Tanneurs dits « foussats - daus Peleys », sont ainsi nommés, parce que dans l'origine les corroyeurs établis sur le Peugue mettaient à sécher sur les bords de ces fossés les peaux qu'ils tannaient. On les a aussi appelés « fossés de la Visitation », à cause du couvent de ce nom qui subsistait en cet endroit depuis 1630, et qu'occupe actuellement le collège royal. Au devant de l'église de ce couvent était un espace vide, sur lequel on a formé dans ces derniers temps une allée. Ce lieu portait le nom de « place du Chauf-Neuf », à l'occasion d'un ancien échafaud qui fut d'abord construit en bois, et qu'on avait refait en pierres. C'était sur cet écbafaud, qui subsista jusqu'au XVIIe siècle, que les gentilshommes avaient le privilège d'être décapités, car les supplices de la potence, de la roue et du feu étaient tout à fait roturiers.
Les fossés des Carmes
Cours Victor Hugo (suite) - Les fossés des Carmes tirent leur nom d'un couvent des grands carmes qui y était situé, Dans ce couvent fut inhumé en 1265 Simon Stock, général de cet ordre. Ses confrères ont prétendu que dans une vision, la Sainte Vierge lui donna un scapulaire comme une marque de la protection spéciale qu'elle accorderait aux personnes qui s'en décoreraient.
Cimetière de la Chartreuse
À l'origine, la création du couvent des Chartreux, grâce à Blaise de Gascq, qui, novice dans une chartreuse de Calabre, légua tous ses biens pour bâtir ce couvent et servir à la dotation des chartreux qui l'habiteraient. Ces biens étaient considérables, à en juger par rénumération qu'il en fait dans son testament.
Le 8 juillet 1611, le prince de Condé, gouverneur de la province, posa la première pierre de l'église de la chartreuse. Cette église fut consacrée par le cardinal de Sourdis le 29 mars 1620.
L'église de la chartreuse, qui fut originairement dédiée à Saint-Bruno, a été conservée sous le même patronage, pour servir d'église paroissiale. Elle porta d'abord le nom de Saint-Vincent-de-Paul. On a restauré les magnifiques peintures de son intérieur. Elles avaient été exécutées en 1771 par le célèbre Berinzago, assisté par un de ses meilleurs élèves Gonzales, mort à Bordeaux, sa patrie, en 1802. Le corps du cardinal de Sourdis repose au milieu de cette église, et son coeur avec ses entrailles à l'entrée du sanctuaire de l'église de Saint-André.
L'enclos de la chartreuse était très-vaste. On y a établi, en 1791, le cimetière gêneral ; en 1802 le jardin des plantes, et en 1806, la pépinière départementale. Sur le restant du terrain de cet enclos on a formé plusieurs rues, après en avoir exhaussé le sol, qui, dans presque tous les hivers, était couvert par les eaux provenant des ruisseaux du Peugue pelagus (mer) et de la Devèze divitia (richesse). la Devèze était pour les habitants une source de richesses, en ce que ce ruisseau alimentait un chenal intérieur, qui formait le principal port de Bordeaux du temps des Romains.
C’est en 1900 qu’une nouvelle porte est érigée face à l’église Saint-Bruno. [
Voir
]
Au XIXe siècle, on enterre les condamnés à mort, au sud-ouest du cimetière, et dans la plus grande discrétion afin que personne ne puisse retrouver leurs tombes.
On pouvait aussi les enterrer sous les allées, en compagnie des suicidés, pour « qu’on les piétine afin de poursuivre le châtiment que la justice de l’homme avait ordonné ».
Parmis les personnes importantes inhumées, On peut citer :
Léo Drouyn (1816-1896), architecte, archéologue, peintre, dessinateur et graveur français.
Jean Catherineau construisait des navires et avait un projet bien détaillé pour son caveau.
Les fossés de l'Hôtel-de-Ville
Actuel Cours Victor Hugo (suite) - Les fossés de l'Hôtel-de-Ville ont pris ce nom de l'ancien Hôtel-de-Ville qui occupait leur côté septentrional, sur lequel on a ouvert le Grand-Marché. Dans cet édifice, le corps municipal appelé la jurade a siégé depuis sa création jusqu'il sa suppression. En 1735, on construisit dans la cour de l'Hôtel-de-Ville la salle des spectacles, qu'un incendie consuma en 1756. Quelques parties de l'Hôtel-de-Ville furent atteintes par les flammes, dont une salle qui renfermait les portraits des maires et des jurats peints de pied en cap. Comme cette salle ne pouvait contenir qu'une cinquantainede ces portraits, et qu'on y en plaçait au moins trois chaque année depuis deux siècles, il était d'usage que les plus anciens fissent place aux nouveaux venus, et qu'on donnât les toiles des sortants à leurs familles, comme fiches de consolation.
Le collège de la Madelaine
En face de l'Hôtel-de-Ville subsistait, depuis 1573, le collège de la Madelaine, que M. de Baulon, conseiller au parlement, avait
fondé pour les jésuites, qui faisait concurrence à celui de Guienne, et dont il parvint bientôt à éclipser l'ancienne illustration;
car les bons pères possédaient l'art de dominer partout où ils s'établissaient « per fas et nefas ». Le collége avait pris
son nom d'une chapelle située près de leur couvent, et qui avait été incendiée lors de la sédition de 1548.
Dix ans après la suppression des jésuites, leur collége de Bordeaux fut rendu à sa première destination. Ce collège sera réuni à
celui de Guienne en 1773 et transféré dans l'ancienne « maison-professe » des jésuites, rue de Gourgue. Alors la jurade
abandonna l'ancien Hôtel-de-Ville, qui menaçait ruine et vint occuper le bâtiment de l'ancien collége de Guienne, où elle a siégé
jusqu'à la révolution. Il sera remplacé par le « lycée impérial » voulu par Napoléon Ier(loi du 11 floréal an X : 1er mai
1802), puis, au tout début du XIXe siècle, par le « lycée Michel-Montaigne ».
Rue des Trois-Conils
Une ancienne hôtellerie a donné son nom à la rue des Trois-Conils. Dans un contrat de 1514, une maison située rue Tustal, qui est
parallèle à celle des Trois-Conils, sa voisine, est désignée comme touchant par les derrières « à l'hostaü ou tor de Johan Bernard,
hoste deus Très-Conhils. » Les hôtelleries se faisaient autrefois remarquer par leurs enseignes bizarres. Celle ci portait trois lapins.
Cet animal est appelé « conil » en vieux français et « connie » en anglais. Ce mot vient de ce que les lapins se cachent dans des trous qu'ils
font en terre et qu'on nomme en latin « cuniculi ». De là est venu le verbe « conniller », pour dire chercher des échappatoires.
Cette rue a porté le nom de « grande rue Saint-André », à cause de la porte de ville ainsi appelée, qui était anciennement à son
extrémité occidentale.
Rue de la Merci
La rue de la Merci tire son nom du couvent de Notre-Dame de la Merci, où étaient établis depuis l'année 1460 des religieux qui s'occupaient du rachat des chrétiens esclaves en Barbarie. [ Lire sur wikipedia ]
On voyait dans l'église du couvent de la Merci le mausolée en marbre du maréchal d'Ornano, mort en 1610, étant commandant de la province de Guienne et maire de Bordeaux. La statue ou orant qui était sur ce mausolée orne le Musée de cette ville. [
voir
]
Histoire : Selon la tradition, à Barcelone, dans la nuit du 1er août 1218, la Vierge accompagnée d’anges et de saints apparaît vêtue de blanc à Pierre Nolasque pour l'exhorter à fonder un ordre religieux dédié au rachat des captifs chrétiens des mains des musulmans. Pierre passe la nuit en prière et rencontre ensuite Raymond de Peñafort, son confesseur puis le roi Jacques Ier d'Aragon qui déclarent tous deux avoir eu la même vision. L'ordre de Notre-Dame-de-la-Merci est fondé en 1218 et les mercédaires vont répandre la dévotion à Notre-Dame de la Merci, en particulier en Espagne et en Amérique latine. Le pape Paul V institue la fête de la Merci qu'il place en août puis l'année 1696. Le pape Innocent XII étend la fête à toute l’Église et la fixe au 24 septembre.
Le cours d'Albret
En 1673, les jurats donnèrent à M. Duplessy, ingénieur-architecte, tout le terrain compris entre la voie publique alors appelée
allée des Marais, le jardin de l'archevêché et les ruisseaux du Peugue et de la Devèze, à charge, par ce particulier, de construire
une porte de ville qui s'appellerait d'Albret. C'était le nom du gouverneur de Guyenne, de la province, dont l'histoire de Bordeaux fait une
mention peu flatteuse, à cause de la part qu'il prit aux rigueurs exercées dans cette ville, par suite de l'émeute de 1675. L'allée
des Marais, actuellement le cours d'Albret, traversait un terrain inhabité; c'est maintenant Mériadeck un faubourg populeux, grâce aux
boulevards que Tourny y a fait passer. Ce quartier sera modernisé par Jacques Chaban-Delmas à partir de 1955.
Cette rue a porté le nom de « grande rue Saint-André », à cause de la porte de ville ainsi appelée, qui était anciennement à son
extrémité occidentale.
César Phébus d'Albret
(né en 1614, mort à Bordeaux le 3 septembre 1676), comte de Miossens, sire de Pons, prince de Mortagne, souverain de Bedeilles, chevalier des ordres du roi, maréchal de
France.
Il est nommé, avec l'appui de Turenne, chevalier de l'Ordre du Saint-Esprit le 31 décembre 1661, continuant ainsi la tradition
commencée en 1578 avec son aïeul Antoine de Pons et suivie par son père Henri II, puis nommé gouverneur de Guyenne au mois de
novembre 1670 par la faveur de la marquise de Montespan. En 1675, il mène une véritable campagne, avec énergie, contre l'émeute
populaire des Bordelais, ayant pour cause l'impôt sur le timbre, le tabac et, victorieux, il fit démolir la porte Sainte Croix
et 500 toises (environ 1 km) de remparts.
Rue Bouquière
La rue Bouquière est indifféremment appelée « Bouqueyra, Bouqueteyre et Boucheyre » dans les vieux titres. Ces noms peuvent
venir, soit parce qu'on aurait anciennement établi dans cette rue des écuries pour les boucs, soit parce qu'on y vendait des
bouquets de fleurs, soit à cause de plusieurs boucheries qu'on y trouvait. Le temps a pu altérer ces noms et former celui de
Bouquière que porte actuellement cette rue.
Lorsque Bordeaux était partagé en douze sections ou jurades, celle qui environnait la porte de ville appelée Bouqueyra s'étendait
partie dans et partie hors la ville. Dans une liste des jurats de 1402, « Guilhem de la Motha » est porté pour la « jurada
de porta Bouqueyra - dedins et deforas », c'est-à-dire que l'arrondissement de cette jurade s'étendait sur le territoire du premier et
du second accroissement de Bordeaux. A l'extrémité méridionale de cette rue, et dans le mur de ville bâti lors du premier accroissement,
était la porte de ville appelée Boqueyra : elle fut démolie lors du second accroissement.
Source Bouquière. Cette source est citée dans les Chroniques Bourdeloises, en 1612 et 1614, comme la meilleure de celles de Bordeaux;
actuellement, elle est notoirement séléniteuse (eau qui contient du sulfate de calcium ; eau dure, qui ne cuit pas les légumes et ne
dissout pas le savon) et de mauvaise qualité : peut-être ce changement est-il dû aux infiltrations dont j'ai déjà parlé. Cette source
jaillit à 8m en dessous du sol; elle est assez abondante et ne tarit que fort rarement, quoique son eau baisse sensiblement dans les
grandes chaleurs, surtout depuis quelques années.
Impasse Fontaine-Bouquière
Dans le Bordeaux du XVe siècle se trouvait, à l'entrée de la rue Boqueyre, une porte : la porte Boqueyre, dont il est fait mention dans les Comptes rendus de l'Archevêché de Bordeaux. On la voit représentée dans les plans antérieurs à 1600. Elle fut abattue vers cette époque. A l'est de cette porte , une porte placée sur les fossés s'ouvrait sur un escalier composé de cinquante et une marches ; par cet escalier, encore en place, on descendait à la source sortant de terre au fond des douves.
Par ces escaliers, on arrivait directement à la fontaine Bouqueyre. Cette fontaine a donné le nom à l'impasse. Elle est célèbre dans l'histoire de Bordeaux. Elle est différemment dénommée : Font de Pédouillet, Font de Rua-Boqueyra, Font de la Rocella, Font. des Trois-Canelles, Les Fontaines, Font de las Salineyras, Font des Salinières, Fontaine de la rue Boqueyre, Fontaine de la Porte-Bouquière.
Le nom de Font des Trois-Canelles lui avait été donné parce qu'il y avait trois gros tuyaux (canels ou caneres en gascon) qui débitaient continuellement de l'eau. Vinet, dans son plan de 1565, la nomme tout simplement les fontaines, et Bosco, notaire à ordeaux, l'appelle font des Salinières dans un acte de 1493, à cause de sa proximité de « Las Salineyres. » Le nom de Pédouillet est le nom le plus commun sous lequel elle fut désignée. Elle tenait ce nom de ce fait que les mendiants allaient s'y débarbouiller, pédouillet vient de « pedoui , mot gascon signifiant pou », insecte.
De la porte Boqueyre on ne trouve plus trace ; depuis longtemps déjà on ne lave plus de linge dans le font de Pédouillet, et voilà plus de soixante ans que la source est enfouie, soustraite aux regards des curieux ou des indiscrets, protégée de ceux qui, trop confiants dans les éloges du passé, auraient la fatale imprudence de se désaltérer de son eau infectée.
La rue du Soleil
Elle n'apparaît sous ce nom qu'au XVIIe siècle. Antérieurement, elle était appelée rue Dacra. Il en est ainsi fait mention dans un titre de 1393, « Tot aquet obradur et tota acquera sala et cerer dessus... qui est dentz la porta de la Rocera entre la rue Dacra... »
D'où lui venait ce nom de rue Dacra ? La famille d'Acra ou Dacra était très ancienne à Bordeaux. L'un de ses représentants, Bernard d'Acra, figure en 1217 sur la liste des maires nommés par le peuple. Dacra fut modifié en Draque et, par la suite, elle devint la rue du Soleil. C'était déjà son nom au début du XVIIe siècle.
Elle doit son nom à la célèbre famille du Soley, aussi appelée du Solers ou du Souler, « ces Jacques Cœur du pays de Guyenne » qui, dans le quartier, avaient établi leur domicile. Si donc on voulait observer plus de respect des hommes et des choses, la rue du Soleil devrait s'appeler du nom de son origine illustre : la rue du Soler ou du Soley.
Rue du puits-Descazeaux
Etait ainsi dénommé Putz-deus-Casaus, lou Puch deus Casaus, le carrefour qui se trouvait à l'arrière du domaine des Solers où s'étendaient de vastes jardins, d'où le nom en gascon de Casaus.
Au XVIe siècle, apparaît dans les Terriers une autre appellation, la Voulte du Lion, appellation que nous ne trouvons signalée par aucun historiographe. D'où lui venait cette dénomination de Voulte du Lion (taverne du lion), sous laquelle fut ainsi vulgairement désignée pendant deux siècles la rue du Puits-Descazeaux? Certainement, en ce qui concerne la Voulte, de ce fait que les vieilles maisons de cette rue étaient « voultées ». Il s'agissait évidemment de maisons « voûtées », mais ces voûtes étaient énéralement des auberges et servaient d'enseigne à des hostelleries. C'est ainsi qu'il y avait en d'autres quartiers de la Voûte ou taverne du Petit Paradis pas au la Cornau (l'angle de la Bancar (boucherie) à la porte du Médoc), la Voûte du Renard, rue des Combes et du PasSaint-Georges, la Voûte des Trois Pigeons, rue des Capérans.
Rue du Pont-de-la-Mousque
La rue du Pont-de-la-Mousque (de la Mouche). Le nom de cette rue vient de celui que portait un très-petit pont qui y était établi pour traverser les anciens fossés du Chapeau-Rouge. Elle aboutit à la place Gabriel.
Rue Maubec
La rue Maubec (Mauvaise-Langue), qui est ainsi appelée parce qu'elle fut autrefois habitée par des regrattiéres, auxquelles les mauvais propos et les querelles sont d'un usage habituel. Ces habitudes étaient autrefois sévèrement réprimées. Un article des Anciens Statuts de Bordeaux voulait que toute femme querelleuse ou qui tenait de mauvais propos était condamnée à dix sous d'amende, ou à être piongée trois fois dans la rivière: « Establis es, porte l'article, que si molher es probada que sie tensonosa (querelleuse) o maü parleyra (médisante), guatgera se detz souds, o sera ligada ab uua corda sotz las esseyras, et plongada trez vetzen l'aygua ».
Porte de la Monnaie
La porte de la Monnaie
En 1752, Tourny fit ouvrir cette nouvelle porte de ville, dont la construction était devenue nécessaire pour faire communiquer un
quartier populeux avec le port qui le bordait. Il donna à cette porte le nom de l'hôtel de la Monnaie qui y aboutissait et qu'il fit
en même temps construire. En déplaçant cet établissement, qui était auparavant sur la place du Palais, il avait en vue de vivifier le
quartier peu fréquenté où il le transférait. Dans tous ses travaux, ce grand administrateur cherchait ce qui était utile sous plus d'un
rapport.
La rue qui conduisait de la porte de la Monnaie à l'hôtel du même nom s'appelait alors rue « Anglaise » et dans les vieux
titres « rua deüs Harlots », parceque la police du temps de la domination des Anglais y avait relégué les filles de joie,
qu'ils nomment ainsi. Dans les Anciennes coutumes de Bordeaux, le bourreau est qualifié « roi des Arlots », parce qu'il avait
l'inspection des lieux de prostitution. Cette rue était fort étroite, ainsi qu'on l'apprend dans un acte-de 1317, dans lequel une maison
est désignée: « In ruâ stricta deüs harlots, propè ruam Adam Carbonneü in parochiâ Sancta Crucis apud Gravam ».
La rue de la Monnaie diffère en tout de celle qu'elle remplace. Elle est bien bâtie, fort large et la seule de l'intérieur de la
ville dont toutes les maisons portent une façade uniforme. Les propriétaires se déterminèrent de leur plein gré à adopter ce mode
régulier de construction, que Tourny se bornait à prescrire pour les seules maisons qui devaient être élevées sur le port ou sur les
places publiques qu'il formait.
Porte des Capucins
Cette porte tire son nom du couvent des capucins qui subsistait dans son voisinage lorsqu'elle fut construite. On l'appelle
communément Porte-Neuve, parce que c'est la première porte de ville que Tourny ait fait ouvrir à Bordeaux, et dans un lieu où il
n'en existait aucune auparavant. Cette porte fut commencée en 1744, ainsi que les deux places publiques qui sont à ses abords. Elles
sont bâties sur un plan uniforme, qu'on n'a pas suivi pour la continuation de la place extérieure.
En laissant une grande étendue à cette dernière place, Tourny y forma un établissement public qui manquait à Bordeaux et qui
subsiste encore. Un arrêt du conseil, que ce magistrat sollicita, autorisa en 1748 un marché hebdomadaire pour le bétail sur la
place extérieure des Capucins.
La « rue Clare », qui aboutit à la porte des Capucins, tire son nom de celui d'un vieux couvent de religieuses de sainte Claire qui
occupait le terrain compris entre cette rue et celles dites « Marbotin et Saumenude ». On appelait indifféremment ces
religieuses clairistes ou minorettes, et en gascon « sors menudas ». Un titre de 1329 indique une maison située « in ruâ
Clarâ propè rninorissas ». Par testament du 6 juin 1326, « Rose Dubourg », dame de Vayres, fit plusieurs legs au couvent
des clairistes et à certaines de ses religieuses qu'elle désigne sous le nom de « sors minorettas ». Par lettres patentes du
14 mai 1522, le roi ordonna la démolition de ce couvent, attendu que sa situation près des murs de ville pouvait compromettre la
sûreté publique. Cette démolition s'étant effectuée trois ans après, la communauté supprimée fut réunie à celle des annonciades.
En vertu d'un arrêt du conseil du 29 novembre 1749, Tourny fit ouvrir la rue qui va de la place de la Monnaie à la porte des Capucins
et qui est connue sous deux dénominations. La partie supérieure s'appelle « rue Marbotin », du nom d'un propriétaire de divers
jardins qui étaient situés en cet endroit. La partie inférieure était la « rue Française », qu'on nommait auparavant « rue
Anglaise ». Alors fut percée à son extrémité orientale l'impasse maintenant dite « rue Saumenude ». Dans un titre de 1615
on l'appelle « cul de sac des Soeurs-Menues », d'où s'est formé par contraction le « »nom actuel.
Le couvent des capucins fut fondé par la ville en 1601 et établi dans l'ancien bâtiment appelé « l'hôpital de la Contagion »,
où l'on soignait auparavant les personnes atteintes des maladies épidémiques qui se renouvelaient souvent à Bordeaux, et auxquelles
on donnait le nom de pestes. Elles étaient occasionnées par la stagnation des eaux du Peugue dans les marais de l'archevêché. Cette
fondation fut consignée dans une longue et emphatique inscription latine placée sur la porte du nouveau couvent. En 1685, les
capucins obtinrent de la jurade la concession de la partie du terrain des remparts de la ville qui bordait leur couvent, et ils y
élevèrent une terrasse fort agréable. Ce couvent fut rebâti à neuf en 1768, au moyen d'une quête qui fut faite en ville. On dit qu'il
parut tellement somptueux au général des capucins qui vint y tenir le chapitre de l'ordre en 1770, qu'il reprocha à ses frères de
Bordeaux de s'être écartés de la modestie séraphique dans cette occasion.
Porte Dijeaux
Elle détermine, à quelques mêtres prês, l'emplacement où subsista longtemps une des portes d'enceinte de l'antique Burdigala, alors que celle-çi était ville gallo-romaine, et formait un quadrilatère [
voir
] :
- Le mur méridional suivait une ligne qui, partant aujourd'hui de angle sud-ouest du jardin des Sacristies de Saint-André, aboutirait à l'entrée de la place du palais (de l'Ombriëre) ;
- De ce point à l'entrée de la place Gabriel (place de la bourse), par la rue du Pont-de-la-Mousque, limite orientale, presque parallelement à la Garonme ;
- En remontant vers l'ouest jusqu'à la tour du Canon, on suivait le mur septentrional, dans axe de la rue du Pont-de-la-Mousque, et, à partir de la place Puy-Paulin, entre la rue Porte-Dijeaux, côté nord, et le cours de l'Intendance ;
- Enfin, le mur d'enceinte à l'ouest se trouvait compris entre la tour du Canon (Dans un retrait de la rue de la Vieille-Tour) et notre premier point de départ. 11 longeait le côté oriental de la rue dite des Remparts, pour cette raison, et butait la facade de l'église Saint-André sur la place Rohan ; on s'explique ainsi le manque absolu d'architeeture de la façade de cet édifice au couchant. [ voir ]
Un siècle et demi apres leur prise de possession de la Guienne (1152), que les rois d'Angleterre firent agrandir par leurs lieutenants les murs de la capitale de l'ancien duché d'Eléonore d'Aquitaine. Au XIVe siècle, le vieux mur occidental fut démoli, et avancé d'environ douze metres vers la banlieue.
La nouvelle porte fut protégée par deux tours crénelées en saillie dans le fossé extérieur, et percées de meurtriëres. Elle était, en outre, précédée d'une longue barbacane en fer A cheval, celle-çi défendue par un autre tossé, et des glacis qui l'enveloppaient complêtement. On y entrait au nord, par une porte munie d'un pont-levis, puis on traversait le fossé principal, au pied de la grande porte murale ou d'enceinte, sur un autre pont-levis armé d'une herse. [
voir
]
Au moyen Age à Bordeaux, une puissante colonie de Juifs habitait, intra muros, un quartier sillonné par les rues Puits-des-juifs on du Petit-Judas et d'Enfer (aujourd'hui des Bahutiers), et Judaique (en ville, aujourd'bui de Cheverus), coupée en deux portions égales par a rué des trois-Conils (des trois-Lapins, qui figuraient sur l'enselgne dun maitre d'hôtel).
La rue Judaique-en-Ville, mentionnée par l'abbé Baurein, se terminait au nord à l'entrée de la rue Castillon (rua Castelhon), et débouchait dans la rue Porte-Dijeaux. Or celle-ci donnait en même temps accès, par le pont-levis de sa barbacane au nord, sur une autre voie qui s'appelait rua Judayca extra-muros (la rue Judaigue de nos jours), parce qu'elle se prolongeait vers le quartier rural et le cimetiëre des Juifs, aux environs de la place Tartas, dans le rayon de l'ancien mont Judaïe.
Il était done naturel que la porte murale assise entre les deux quartiers des Juifs, et desservant leurs mouvements de va-et-vient, en recût le nom. (est pourquoi nos seigneurs et maitres les Anglais la nommèrent di Jews (des Juifs) ; en patois, Dijeus, Dijtous, Digaus ; en latin em>Dijeus, Dijtous, Digaus. Elle figure sous ces divers noms dans les titres de l'époque. Par conséquent, il ne faut point chercher l'étymologie de la porte Dijeaux dans le voisinage d'un temple de Jupiter, qui n'a jamais existé aux abords de cet emplacement.
Un siëele plus tard, le marguis Aubert de Tourny, intendant royal en la généralité de Guienne, entreprit de changer la physionomie des quartiers de Bordeaux, par une sêrie d'embellissements gui l'ont immortalisé. La transformation de la belle place Dauphine entra dans ses plans. Il ordonna que toutes les maisons qui formaient son périmêtre fussent reconstruites sur un dessin uniforme, et il en ouvrit les débouchés dans l'axe des sept voies correspondahtes. La seule rue Porte-Dijeaux ne se raccordant pas avec l'axe du cOté sud de ladite place, M. de Tourny, pour dissimuler ce défaut de correspondance, fit démolir la porte militaire du XIVe* siècle, qui n'avait plus de raison d'être, et y substitua, sur le méme terrain, celle que nous voyons. [
voir
]
L'architecte flangua sa porte centrale de deux guichets, ou plulot de deux ailes, faisant office, de corps de garde. Du coté de la place Dauphine, ils se raccordaient à la porte et aux maisons par une maconnerie pleine, ou sans aucune ouverlure, en forme d'arc brisé, jusqu'à mi-hauteur des pilastres montants. Décorés de panneaux, et de moulures, ils donnaient à l'ensemble du monument, un appoint de trés bon goût.
Ces guichets furent démolis par M. Burguet, architecle de la ville.
Les sculptures de la porte furent réalisées par Claude Francin en 1750-51 et restaurées en 1864 par Jouandot.
Rue Leyteyre (Leyteire)
nom de la rue Leyteyre vient d'un mot gascon qui signifie tout à la fois « laitière et litière ». Nous croyons que la dernière
étymologie est la bonne, parce qu'il y a eu de tout temps dans cette rue un grand nombre de loueurs de chevaux, qui plaçaient
abusivement au devant de leurs écuries la litière provenant de leurs chevaux.
En 1623, on y établit un arsenal, conformément à la volonté du roi, et une fonderie de canons.
A cette rue communique la « rue Causserouge ». On l'a nommée ainsi par rapport à un événement funeste dont elle a été le théâtre. Les
bordelais qui tenaient pour le « parti de la ligue » avaient formé le projet de s'emparer de la ville, et d'en chasser ceux
des habitants qui ne partageaient pas leurs opinions. Le 1er avril 1589 fut choisi pour l'exécution de ce projet, car il devait y
avoir ce jour-là une procession. Lorsqu'elle fut parvenue à la porte d'Aquitaine, le chef des séditieux ayant crié Aux armes! la
sédition éclata. Le maréchal de Matignon, gouverneur de Bordeaux, accourut avec des forces pour la réprimer, et chargea vigoureusement
les factieux. On en tua environ deux cents. Le plus grand carnage eut lieu dans la rue actuellement appelée « Causserouge »,
parce que le sang y coulait jusqu'à teindre les bas des combattants (chausses rouges).
La « rue Permentade » tire son nom de ce qu'elle fut une des premières qu'on ait fait paver à Bordeaux. Dans un acte du
1er février 1475, elle est ainsi désignée : « Rua Paymentada de Maucalhaü, per ou hom va deü Fanhas (rue Augustine) au
Maucalhaü ». La signification du mot Paymentada est expliquée par un article des statuts de Bordeaux de l'an 1366, par lequel il
est défendu de faire paver aucune rue sans l'autorisation de la jurade.
La porte d'Aquitaine
La Porte d'Aquitaine La Porte d'Aquitaine ou Saint Julien
La porte d'Aquitaine fut élevée pendant l'administration de Tourny. Elle remplace une porte plus ancienne, au devant de laquelle
était un pont jeté sur les fossés de la ville, que défendaient quatre tours bastionnées. Cette ancienne porte s'appelait de Saint-
Julien, du nom d'un hôpital autrefois établi dans le voisinage. Il subsistait en 1289, suivant une charte de cette année, par
laquelle le roi d'Angleterre accorda une exemption des droits d'entrée pour les vins consommés dans cet hôpital. Cet hôpital devint
par la suite un prieuré dépendant du chapitre Saint-André, et dont il s'était expressément réservé la collation, circonstance qui
fait présumer que le prieuré de Saint-Julien était d'un grand revenu.
La porte Saint-Julien fut inaugurée le 18 novembre 1753, sous le nom de porte d'Aquitaine. C'est après celle de Bourgogne la plus
belle porte de Bordeaux. Elle est assortie de deux places formées de maisons bâties sur un plan uniforme. La place extérieure d'Aquitaine
(actuellement place de la victoire) sert de marché hebdomadaire pour la vente des résines, de la cire et du bois provenant des
landes des environs de Bordeaux.
Rue de la Rousselle
La rue de la Rousselle — la Rossela ou Rosella, était ainsi nommée dès le XIIe siècle. Elle s'étendait de la rue de la Chapelle-Saint-Jean au bout oriental du cours des Fossés.
On ne considérait pas autrefois la rue de la Rousselle comme une simple rue, mais bien comme un quartier de Bordeaux. Dans les
anciens titres il est désigné par l'expression indéterminée « ad Rocellam »; et maintenant encore on dit indifféremment à la
Rousselle, ou dans la rue de la Rousselle. Lorsque Bordeaux était divisé en douze jurades, celle de la Rousselle était nommée la
première. Les négociants qui résidaient dans ce quartier étaient les plus considérables de la ville. Il était le centre d'un commerce
très-important, qui avait pour objet la vente en gros de toute espèce de poissons salés pêchés sur les côtes de France, des huiles
provenant du pressurage de ces poissons, du sel fait dans les marais salants situés sur le golfe de Gascogne, et des morues, harengs,
sardines, savons, huiles, beurres et fromages importés à Bordeaux. On appelait en général ces denrées la saline, d'où est venu le nom de
fosses des Salinières (actuellement cours Victor Hugo), donné au grand cours auquel aboutit la rue de la Rousselle. A l'entrée
méridionale de cette rue était une porte de ville, bâtie lors du premier accroissement de l'enceinte de Bordeaux. On la démolit en
1606, comme étant devenue superflue par la construction de l'ancienne porte des Salinières, qui appartenait au second accroissement
de cette ville.
En 1237, le roi d'Angleterre permit à Arnaud de Monadey, habitant de Bordeaux, de faire pratiquer une issue dans le mur de ville sur
le port, pour l'usage de sa maison, qui était adossée à ce mur, près de la porte de la Rousselle. Cette faveur lui fut accordée parce
qu'il s'était mis en otage pour l'exécution d'un traité passé entre les rois d'Arragon et de Sicile, par l'intermédiaire du roi
d'Angleterre. Deux compatriotes de Monadey s'offrirent avec lui pour otages; ils s'appelaient « Jean de Colomb et Raymond du
Soley ». Ce dernier a donné son nom à la rue du Soleil, dans laquelle il demeurait, et qui aboutit à celle de la Rousselle.
C'est à tort qu'on s'imagine que cette première rue est ainsi appelée par ironie car elle est fort obscure, attendu son peu de
largeur: les rues les plus anciennes d'une ville sont toujours les plus étroites.
Les maisons de la Rousselle, sans avoir le bel aspect des hôtels de la rue Neuve, jouissaient généralement d'une excellente réputation. L'une d'elles, cependant, fut, au XVIe siècle, accusée d'être infestée par les « esprits malins ». M. Bernard AVTOMNE, avocat en la Cour du Parlement de Bordeaux, dans un Commentaire sur « la Commentaires sur les Coustumes Générales de la Ville de Bordeaux et pays Bourdelois », rapporte
que, pour ce motif, il fut jugé par un « arrest de Bourdeaux du 19 mars 1595 prononcé en robbes rouges par Monsieur le Premier Président Nefmond, le
conducteur peut laisser la maison (il s'agissait d'une maison de la rue de la Rousselle) qu'il tient à louage ». Il raconte à ce sujet la curieuse anecdote dont nous reproduisons le texte : (orthographe de l'époque)
« ...En l'an mil cinq cens quatre vingt-seize auquel temps i estois logé chez La Forcade, marchand de la présente ville, en la rue de la Roselle, vn fieu parênt de Thoneins nômé Emmanuel Garas, l'estant venu voir vn valet me dict qu'il alloit faire coucher cet huguenot dans la châbre du milieu, parce qu'il ne croioit point que les esprits retournassent. Garas s'estant retiré dans la dite chambre, ferme la porte par derrière. Sur le minuict, Garas entend promener quelqu'un dans sa chambre, s'estonne et s'effraye, change d'avis, croit que c'est quelque esprit. Peu de temps après, cet esprit se jette contre son lit, remue tout-à-coup tous les rideaux : Garas luy raconte comme le tout s'estoit passé. Le valect lui dict : Monsieur, vous direz à Thoneins que les esprits retournent, que vous le scavez asseurement : ce qu'il m'accorda le lendemain matin et me dict que ceux de sa Religion le nioient parce qu'ils ne l'avoient point expérimenté comme luy. »
La rue de la Rousselle était toujours comprise dans le trajet que devaient suivre, pour se rendre à Saint-André, les plus hauts personnages à leur entrée solennelle à Bordeaux. Dans la Chronique bourdeloise de Gabriel de Lurbe, on trouve le compte rendu de quelques-unes de ces réceptions :
« Le 6 juin 1611, MM. les Jurats reçurent Monsieur le Prince de Condé. Son Excellence entra par la porte du Calhau, à l'entrée de laquelle luy fut offert le poësle de drap d'or porté avec six bastons par les six jurats. On passa par la rue de la Rousselle tapissée et couverte. »
« Le 28 juillet 1618, réception de Monseigneur le duc de Mayenne nommé Gouverneur de Guyenne. Le Parlement fit sa salutation à l'entrée de la Porte Calhau. Le Seigneur monta à cheval, fut conduit à Saint-André par la rue de la Rousselle. »
« Le 4 janvier 1758, arrivée et entrée solennelle du Maréchal duc de Richelieu en qualité de Gouverneur de Guyène. Les Jurats en corps vont l'accueillir à Blaye, où il s'embarque dans un brillant et vaste bateau, appelé. maison navale... Le nouveau Gouverneur est complimenté sur le port de Bordeaux, par tous les corps de la Cité, dans un, édifice richement décoré, appelé salle aux harangues et conduit exprès sur le quai bourgeois où il débarque... La marche du cortège commence depuis la porte du Palais, passant par les rues Chapelle-St-Jean, la Rousselle, tous les Fossés, la rue des Lois, la Porte-Basse, rues et place St-André jusqu'à l'église métropolitaine... »
Les négociants en morues sont en la rue de la Rousselle non moins notables, mais moins nombreux qu'en l'ancien temps. Les grands du jour, lorsqu'ils viennent en notre ville, en ont oublié la route et ils ne la traversent plus comme au temps jadis sous tentures et dais. Mais si la rue de la Rousselle n'a plus le privilège de ces prérogatives périmées, par contre, elle peut reindiquer encore l'honneur d'avoir abrité, en la fin du XIXe siècle, et au commencement du XXe, un des maires de Bordeaux qu'on peut compter parmi les plus illustres : Alfred Daney, né à Marmande le 9 octobre 1832, était Bordelais d'adoption. Au lycée de Bordeaux, il avait fait ses études et il consacra ensuite son activité au commerce toujours en honneur, comme dans les temps anciens à la Rousselle, dans la maison Ed. Daney et Fils, que son père avait fondée en 1847, rue de la Rousselle, 36. Conseiller municipal en 1870, il dirigea pendant la guerre franco-allemande l'Intendance de la Garde nationale mobilisée de la Gironde. Adjoint au maire de 1871 à 1874, membre de la Chambre de commerce en 1872, président de la Société philomathique de 1881 à 1882 année — de l'Exposition, — premier élu et premier adjoint au maire
de 1878 à 1884, il fut par trois fois, de 1884 à 1888, de 1892 à 1896, de 1904 à 1908, maire de Bordeaux. Il est mort en 1911, et en reconnaissance des services qu'il a rendus, le nom d'Alfred Daney a été donné à un boulevard important de notre ville.
Dès la première moitié du XVIe siècle, la famille de Montaigne possédait tout un vaste ensemble de logis et d'entrepôts le long de la rue de la Rousselle et de la rue de Sarlac. Michel de Montaigne, né en ces lieux en 1533, s'y maria en 1565 et y vécut jusqu'en 1570, puis de 1581 à 1585, période de sa charge à la mairie de Bordeaux. [ Voir ]
La rue Neuve
La rue Neuve, malgré son nom, est une bien vieille rue, dit un vieil enfant de cette rue que nous savons être Charles Marionneau,
dans un ouvrage qui nous fournit une complète documentation sur ce point de notre histoire locale. Le nom de rue Neuve
arrua Neba, comme disent les vieux titres, ne lui venait pas, pour avoir été récemment ouverte (au XIIe siècle),
puisque plusieurs rues du même accroissement de Bordeaux sont de la même date ; mais cette dénomination lui a été donnée à raison des
hôtels qu'y firent construire à neuf, à peu près dans le même temps, plusieurs de ces principales familles de cette ville, qui établirent
leur domicile dans cette rue ; entre autres, les familles de Calhau, de Colom et du Soley, considérées comme les plus notables
de la bourgeoisie bordelaise et dont les noms figurent très souvent sur la liste des anciens maires de Bordeaux. Ce fut aussi dans cette
rue que se fixèrent, dès la fin du XVe au milieu du XVIIIe siècles, des familles célèbres de l'ancien Parlement,
le baron de Lalande, Arnaud de Ferron, lettré et éminent juriste, le président Carles.
A cette liste de noms illustres de la noblesse et du Parlement, nous ajouterons ceux qui honorèrent la médecine. Le docteur James Ram,
nom d'origine allemande, ainsi qu'on l'a prétendu, mais d'origine aragonaise, qui fut, le premier médecin dont l'agrégation soit rapportée
dans le registre de la Jurade, devant laquelle il prêta serment le 7 juillet 1414; Maître Estienne Maniald, savant médecin, qui maniait aussi
bien la langue de Virgile que celle d'Homère ; Victor de Lamothe, né rue Neuve le 18 juillet 1736, qui, reçu docteur en médecine le 26 novembre
1760 à Montpellier, exerça dans la maison de famille où il était né, rue Neuve, Grossard, père et fils (1755-1800); plus près de nous,
Gellie, Vovard et Dallidet.
Une description des maisons de la rue Neuve : « ...des hôtels séparés par un espace ou plutôt andronne, expression bordelaise...
Ces hôtels ne tenaient pas du château féodal, mais néanmoins étaient protégés par de hautes murailles crénelées, longeant la voie publique ;
murs percés d'un portail avec une poterne et de rares ouvertures donnant sur la rue, tout juste ce qui était nécessaire pour voir ce qui se
passait au dehors ou qui se présentait au logis. La demeure principale était en arrière de ce mur de clôture, au fond d'une cour, et au delà
de l'hôtel se trouvaient les jardins...»
Le plus important des hôtels de la rue Neuve était l'hôtel du Soler ou du Soley. Au nord-est de cet hôtel s'étendaient de vastes jardins et même des plantations de vignes qui existaient encore à la fin du XVIIIe siècle. C'est à ces jardins, en gascon casaus, que le carrefour qui se trouvait à l'arrière de ce domaine des Solers devait le nom qui subsiste encore de nos jours, le Puits des Cazeaux. D'après Charles Marionneau, Léo Drouyn l'aurait improprement appelé le Putz-deus-Casaus ; le nom exact devrait être : lou Peuch deus Casaus. A la vérité, ces deux appellations : Putz-desCasaus et Peuch des Casaus, se rencontrent dans les
A l'entrée de l'impasse, qui, au cours des siècles, porta tant de noms différents et qui, à notre époque, s'appelle impasse rue Neuve
existe à l'angle, au n° 15, une niche cornière du XVIIe siècle dans laquelle est placée une statue de la Vierge. Mais cette Vierge ne fut mise là que tardivement, à une date que nous n'avons pu réussir à fixer exactement, probablement à la fin du XVIIIe siècle ou au commencementdu XIXe. A l'origine, il y avait dans la cornière non une sainte Vierge, mais une statue en pierre de saint Jean-Baptiste. En 1793, cette statue fut renversée violemment et sa tête rompue. Le corps mutilé fut recueilli dans la cave de cette maison. Il en a été extrait vers 1840 par ordre de Madame Veuve Sabatier, alors propriétaire, qui fit transporter cette sculpture dans son jardin de la Croix Blanche où elle fut réparée par les soins d'un jeune statuaire bordelais, M. Felon.
Le dimanche 12 mai 2013, vers midi, la statue de la vierge a été retrouvée en morceaux et par terre, la tête de la statue, introuvable dans les gravats.
Statue de la vierge
Sur les murs de gauche apparaissent de vieux motifs architecturaux qui, par leurs caractères, donnent l'impression d'être les restes d'une église. En réalité, ce sont, les vestiges, presque six fois séculaires, d'habitations importantes qui furent, la demeure du président Carle, d'Arnaud de Ferron — et dont l'une d'elles devint par la suite, celle de Pierre de Lartigue, dont la fille, Jeanne de Lartigue ; a eu le très grand honneur de devenir Mme la Baronne Charles Secondat de Montesquieu.
En 1715, la maison familiale de Lartigue était devenue, par héritage direct, la propriété de noble Pierre de Lartigue, écuyer, chevalier de Saint-Louis, anobli pour fait de guerre, ancien lieutenant-colonel au régiment de Maleuvrier, marié à dame Elisabeth Pauzie. De ce mariage était née Jeanne Lartigue.
Le 30 avril 1715, le mariage est célébré en l'église Saint-Michel de Bordeaux. Au moment de son mariage, Montesquieu, qu'on appelait Montesquieu de la Brède, habitait rue des Lauriers. Il logea ensuite successivement rue Margaux (1715-1719), rue du Mirail (1719-1725), au faubourg de Saint-Seurin, au Doyenné, allées Damour (1725-1754).
Impasse de la rue Neuve
Maison de Jeanne Lartigue
La rue Renière
Entre les deux murs et les deux fossés parallèles qui protégeaient le premier accroissement de Bordeaux, il existait une rue continue qui allait de la porte de la Rousselle jusqu'à la porte Toscanam en longeant le côté intérieur de la ville..., Cette rue, c'est la rue Renière, dont les tenants et aboutissants : rue de la Rousselle, rue des Boucheries, sont toujours ceux qui la fixent de nos jours. Au cours des siècles, elle a porté différents noms. La plus ancienne appellation est celle de rue Entre-deux-Murs, entre-dos-Murs, rue d'Entre-dos-Murs. Mais cette dénomination lui était commune avec plusieurs autres rues. On la donnait à toutes les rues qui passaient entre le mur et le fossé du premier accroissement.
Elle fut ensuite appelée rue Tastet (Terrier Bénéfficier de Saint-Michel, en 1532), ruette de Maître-Hilaire-Devrault.
Au XVIIe siècle, c'est sous le nom de rue Régnier qu'elle est désignée ; l'ancien nom de Tastet est simplement rappelé (Rue Reynier, anciennement Tastet).
Quelle est son origine ? Elle le doit, sans doute, à un de ses habitants, Reynier ou Renier, et, nous enseigne à son sujet Paul Courteault2 : « Cette déformation du nom est caractéristique. Elle s'explique par ce fait que le nom de la rue fut à l'origine un simple qualificatif. »
A l'encoignure de la rue Renière et rue Neuve existait au XVIe siècle, Une maison consistant en cave, boutique à arceaux, l'une rue Neuve et l'autre rue Renière, chambre au-dessus, avec le fond et sol, laquelle était, avant sa construction, en sis bans carnassiens, faisant partie de la boucherie de rue Bouquière. Vis-à-vis de cette maison en était une autre, propriété du seigneur Lalande, dans laquelle il y avait également une boucherie appelée porte-bouquière avec dix-neuf bancs à tailler chair.
Ainsi est justifiée par ces boucheries de la rue Renière, la dénomination de rue des Boucheries donnée à une rue voisine.
Rue du Pont Long
Pount-Loung ; Pontem-Longum. Ce quartier, qui faisait partie des Graves de Bordeaux et de la paroisse de Saint-Seurin, était situé près du Peugue. Son nom est encore celui de la même localité. Aux xive et xve siècles, il était en partie complanté de vignes. Cette rue a pris son nom de celui d'un pont d'une étendue plus qu'ordinaire, qui exista autrefois dans la même rue, à l'endroit où les deux branches du ruisseau de la Devèze se réunissaient, pour en conduire les eaux par un seul canal dans les marais de la chartreuse. Alors la rue Pont-Long finissait où commence actuellement la rue Saint-Vincent-de-Paul, qui n'a été ouverte que dans ces derniers temps. Tout ce quartier était inhabité. Là venait aboutir le chemin de Mérignac, qui traverse la commune ainsi appelée, pour arriver à Lège. C'est par ce chemin que passent les pêcheurs qui apportent à Bordeaux le poisson pris sur le côté nord du bassin d'Arcachon et en pleine mer (actuellement rue Georges Bonnac).
C'est aussi la direction des Chartreux, actuellement le cimetière de la Chartreuse.
Lorsque les Révolutionnaires de 1793 imposèrent de nouveaux noms à plusieurs rues de cette ville, chaque section se chargea de déterminer et d'exécuter ces changements dans son territoire. Le comité de la section Francklin délibéra que la rue Pont-Long s'appellerait rue Plus-de-Rois. Un peintre de cette section offrit de faire et d'apposer cette inscription gratuitement et par patriotisme. Mais comme il ne possédait pas bien l'orthographe, il étiqueta cette rue : Pleut-des-Rois. Cette étrange inscription resta inaperçue jusqu'à ce qu'un beau jour le président de la section remarqua l'incivique faute grammaticale, et la fit réformer, non sans avoir vertement chapitré l'artiste malencontreux.
Rue du Pont-Long (Georges Bonnac)
Les rues de Lalande et de Labirat
Une part de légende et/ou de véracité
Le nom de ces deux rues qui se croisent vient, selon une légende bordelaise, d'un événement singulier dont on dit qu'elles furent autrefois le théâtre. En 1206, une armée espagnole vint assiéger Bordeaux au nom du roi de Castille, qui revendiquait des droits sur cette ville, à l'occasion du mariage d'un de ses ancêtres avec une filie de Henri II, roi d'Angleterre et duc d'Aquitaine. Les assiégeants et les assiégés souffrant également de la disette des vivres, convinrent de remettre le sort de la campagne au hasard d'un combat singulier entre un champion de chaque armée. Si celui des Bordelais était vaincu, ceux-ci promettaient d'ouvrir les portes de leur ville aux assiégeants, et si le représentant de ces derniers succombait, ils devaient lever le siège.
Les Espagnols envoyèrent au lieu du combat un de leurs guerriers que sa taille gigantesque avait fait surnommer Goliath. Le chevalier de Lalande, jeune bordelais, s'offrit pour se mesurer avec ce redoutable adversaire, et fit voeu de bâtir un couvent en l'honneur de Notre-Dame du Mont-Carmel, s'il sortait victorieux de ce combat. Ayant tué le champion des Espagnols, et délivré sa patrie des ennemis qui l'assaillaient, il fonda, dit-on, le couvent des grands carmes sur le terrain même où il avait remporté la victoire.
Cette tradition avait pour autorité l'inscription suivante, lue sur un pilier de l'église des Carmes, et qui était placée entre une vieille lance et un grand collier de fer qu'on disait avoir appartenu au susdit Goliath :
L'an de grâce environ mil et cent,
Funda premier ung seigneur de La Lande
Au carme vielh ceste église et convent,
Pource qu'au lieu obtint victoire grande
Contre ung géant, quy conduisoit la bande
Des Espàignols, pour Bourdeaulx assaillir.
Le dessusdict luy fit payer l'amende;
Car illuy fist la teste à bas saillir.
La première rue ouverte sur le terrain du prétendu combat reçut le nom de rue de Lalande, qu'elle porte encore ; celle qui la traverse fut appelée rue Labirat, dont l'origine serait :
Les Bordelais examinaient du haut de leurs murailles l'issue du combat entre leur champion et celui d'Espagne. Voyant ce dernier tomber mort sous les coups de leur compatriote, ils s'écrièrent simultanément dans le transport de leur joie: L'a birat!
L'a birat! signifie en français il l'a tué! Ce cri devint le nom de la seconde rue qui fut ouverte sur le champ de ce beau fait d'armes.. !
A l'appui de leur dire, quelques narrateurs, doués certainement d'une riche imagination, donnent comme preuve la rue de Labirat, où le géant, qui, toujours selon la légende nommé Fernand fut terrassé par le chevalier gascon, qui, comme David dans la Bible, tua le géant Goliath et, à l'exemple de David, Lalande coupa la tête à Fernand.. !
la porte du Cahernan (cap Fernand), devant laquelle il eut la tête tranchée ; et enfin la rue Lalande, que Messieurs les Jurats du temps auraient sans doute ainsi baptisée pour rappeler l'exploit du héros gascon.
La sentence de sénéchal
Il s'agit d'une sentence rendue par le sénéchal de Guienne, en faveur de Jean de Lalande contre la ville et cité de Bordeaux qui avait porté atteinte aux franchises de son hôtel de la rue Neuve, en faisant enlever de son logis pour le transférer dans les prisons de la Maison Commune un certain Anthoine de la Sagaie ou Sigale, accusé de larcin et piperie :
Franchise - Droit de sauveté
Dans une maison qui jouissait du droit de sauveté, quiconque qui s'y réfugiait y trouvait « un asile sacré et très assuré. »
Une sauveté (en occitan, sauvetat ou salvetat) était, dans le Sud de la France au Moyen Âge, une zone de refuge autour d'une église balisée par plusieurs bornes. À l'intérieur de ce périmètre, il était interdit de poursuivre les fugitifs.
On a peine à comprendre qu'un tel droit ait pu être « accordé par les habitants de la ville. » Ce privilège était habituellement un don du souverain quand il ne se perdait pas dans la nuit des temps.
« Messire Jean de Lalande, troisiesme de ce nom, seigneur de Laubrede, l'an 1460 et 1462, et le 23 de novembre, se rendit demandeur en arrest de querelle sur le premier chef contre maistre Bertrand Piouchel, comme.procureur de la ville et cité de Bourdeaux, par devant Henry de Ferraignes, licencié ez-loix, conseiller du seigneur duc de Guyenne, Charles, fils et frère des Roys de France, et lieutenant général du grand seneschal de la Guyenne, Gillibert de Cabannes, chevalier, sieur de Curton et de Charlus, baron de Roquefort et de Caussade, etc... »
Suit l'exposé de la plainte, puis, ci-dessous les conclusions de l'arrêt du sénéchal
« Et vérifia ledit sieur la Lande par sept témoins, que le susdit droict de franchise et liberté avoit esté accordé à ladite maison par les habitans de la dite ville en gratification, reconnoissence et mémoire de ce que la ville de Bourdeaux estant assiégée par le comte d'Armaignac, qui pour lors tenoit le party du Roy d'Espagne, fut réduite à telle extrémité par la famine, que les habitans estoient sur le poinct de livrer leur ville et leurs vies entre les mains et la mercy de leurs ennemys : n'eut esté que le dit comte voyant aussi oppressée son armée de pareille famine, proposa cet expédient du monstrueux gean Goliath : Eligite ex vobis virum (choisissez un homme), etc. »
Le peuple intimidé ne savait quel « gentilhomme » choisir « qui vousit et osat entreprendre ce duel ». Un seigneur de Lalande s'offrit en ce moment et « accepta fort volontiers ce deffy ». Une description passablement ornementée, et bien plus dans le ton maniéré de l'an 1619 que dans le style naïf du XVe siècle, montre Lalande revêtu de l'armure de Dieu, muni du halecret de la Justice, équipé du heaume de l'Espérance et couvert du bouclier de la Foy, s'avançant plein de confiance à la rencontre du nouveau « philistin. »
« Et ce fait, entra au champ de bataille contre un gentilhomme de grandeur démesurée à ce destiné par le dit comte (comte d'Armagnac) : et se fiant en la puissance et force de la dextre du Seigneur... terrassa dextrement ce gentilhomme contre l'attente et croyance de l'un et l'autre party. »
Lalande plus humain que dans la légende bordelaise ne coupe la tête à personne et demeure simplement « victorieux de son adversaire et par conséquant de tout son party », contraignant « le dit comte de lever le dit siège et se retirer à sa grande honte et confusion. »
Sortir de la légende
La rue Labirat : entre 1363 et 1390 existe la rue de la Vidat. En 1567 la rue de la Birac. Il y en a où elle est nommée rue de la Virat. En 1508, il est annoncé qu'une maison située dans la rue Lalande l'était également dans la rue Labidat.
La rue Lalande : elle était précisément située sur un terrain où les Lalande «avaient de nombreuses maisons. Non seulement ils possédaient de nombreuses maisons, mais ils exerçaient un droit de seigneurie sur une bonne partie du quadrilatère, et il est même probable que le sol où s'éleva le couvent des
Carmes appartenait à cette puissante famille ; ce qui expliquerait le plus naturellement du monde le choix du terrain où le monastère fut bâti.
La rue et la porte du Cahernan :
Cahernan viendrait où non de Cap Fernand, tête de Fernand, mais la question est de savoir si à l'origine on a dit ou non Cap-Fernand. Les anciens titres font mention de la rue ou de la porte nommée constamment Cayffernand. Mieux que cela, il y avait à Bordeaux au XVe siècle, un grand et un petit Cayffernand. La rue de Gourgues était anciennement appelée petit Cayffernan ou rue Cayffernette tout comme celle du
Cahernan portait le nom de grand Cayffernan.
Cayum dans le dictionnaire de la Basse Latinité veut dire maison ou chay ; ce qui fait présumer que le trop célèbre Fernand était, non pas « un chef de bandes espagnoles », non pas même « un gentil homme d'Armagnac d'une grandeur demesurée » ; mais un bon propriétaire de vignes, ou un honnête marchand de vin, avec petit chay, rue de Gourgues, et grand chay, vis-à-vis les Carmes.
Il existait dans la rue de Lalande un couvent de religieuses dites de la Magdelaine, qui fut fondé en 1633, pour y renfermer les femmes authentiquées - [ Une femme authentiquée est une femme qui a été condamnée pour adultère à l’enfermement perpétuel dans un couvent et au fouet si dans les deux années de la condamnation, le mari ne lui a pas pardonné ].
Les tours de l'Hôtel-de-Ville
Les anciens titres elles sont appelées « Tors de Sent-Elégy », à cause de leur proximité avec l'église de Saint-Eloi, qui
fut construite en 1159. La Chronique, sous l'an 1449, dit: « En cette année, les grandes tours de la maison de ville représentant
les armoiries d'icelle (de celle-çi), sont eslevées jusqu'au haut ». On doit penser qu'elles furent seulement surhaussées et terminées à cette
époque; car dans un cartulaire du chapitre de Saint-André il est fait mention d'un acte passé en 1246, par lequel il est cédé à la
jurade un terrain situé entre l'église de Saint-Eloi et un lavoir qui était auprès du mur de ville, en compensation de l'emplacement
qu'on avait pris à l'entrée de ladite église, pour y construire deux tours de la ville.
Plan de situation de l'ancien Hôtel de Ville
C'est de la domination de l'Angleterre que date la construction du beffroi destiné à avertir par le son de la cloche les bourgeois
de la ville pour les réunions auxquelles on les convoquait.
Société philomathique (Bordeaux) - 1886 - M. Marionneau
En 1548, la couverture de ces tours fut enlevée par ordre du « connétable de Montmorency », que le roi avait envoyé à Bordeaux
pour faire rechercher et punir les auteurs et complices de l'émeute populaire contre la gabelle qui venait d'avoir lieu dans cette ville.
Les cloches du beffroi et de l'horloge que supportaient ces tours en furent descendues et enfermées au Château-Trompette, ainsi que celles
des églises où les émeutiers avaient sonné le tocsin. Charles IX permit de remettre ces cloches dans leur ancienne place en 1561, parce
qu'il dut trouver absurde qu'on eut pu les accuser d'être complices d'une émeute.
Les tours de l'Hôtel-de-Ville, qui forment l'écusson de Bordeaux, y sont représentées au nombre de quatre. Il n'en subsiste
actuellement que deux, les deux autres ayant été démolies il y a environ un siècle. Une de ces tours était au côté méridional de
l'église de Saint-Eloi. Alors l'entrée de l'Hôtel-de-Ville se trouvait en face de cette église. Ces tours servaient à renfermer, par
forme de correction paternelle, les jeunes gens dont les familles avaient à se plaindre. Les anciens Bordelais, qui riaient de tout,
appelaient cette prison l'hôtel du Lion-d'Or, à cause de la girouette de cuivre en forme de lion qui couronne ces tours. Sous leur arceau
est placée l'horloge de la ville, avec un grand cadran sur chaque face. Celui qui est du côté des fossés (cours Victor Hugo) est le plus
curieux: il marque nonseulement les heures, mais encore le quantième du mois, le jour de la semaine et les phases de la lune. Sa
construction ingénieuse est due aux soins de feu M. Laroque, habile mathématicien de Bordeaux. Dans le grand arceau des tours s'élève la
cloche du beffroi de la ville: elle mérite quelques détails comme ouvrage d'art.
Cette cloche a été fondue dans le local actuellement occupé par la caserne de Saint-Raphaël. Son poids est de 78 quintaux métriques.
Elle a 2 mètres de hauteur depuis l'ouverture jusqu'aux anses, 24 centimètres d'épaisseur à la batterie, 2 mètres 4 centimètres de diamètre
dans le bas, et la moitié de cette dimension dans le haut. Sur les anses et sur le cerveau sont sculptés quatre lézards, un mascaron, des
guirlandes, avec les armes de France, de la ville, du maréchal de Richelieu, gouverneur de la province, du maréchal de Mouchy, commandant,
et de la duchesse d'Aiguillon. Cette dame fut, avec son oncle Richelieu, ce qu'on appelait parrain et marraine de la cloche. Ce travail,
dans toutes ses parties, fait honneur aux talents de Turmeau père et fils, fondeurs en métaux, très-renommés alors à Bordeaux.
La Tour de la Grosse Cloche de Bordeaux
Sur les flancs du bourdon, on lit l'inscription suivante :
Cette cloche a été faite par Jean-Jacques TURMEAU fils aîné, et aidé de Jean TURMEAU son frère, sous la conduite de Jacques TURMEAU
père, fondeurs de la ville, le 25juin 1775.
La cloche est ornée des armes du Roi, de la ville, de M. le maréchal duc de Richelieu,de Mme la duchesse d'Aiguillon et de M. le
maréchal duc de Mouchy.
Sur toute l'étendue du pourtour, sont gravés six panneaux dans lesquels on voit une légende ainsi conçue :
Convoco Arma * signo dies * noto horas * compello nubila * concino lœta * ploro rogos
On apprend que la cloche appelle aux armes, annonce les jours, indique les heures, chasse l'orage, signale les rejouissances et porte
secours aux incendies. C'est au XVIIIe siècle que les magistrats d'une grande cité ont voulu apprendre à la postérité que leur cloche
avait la vertu de chasser l'orage, tandis que les physiciens du temps avaient démontré le danger que l'on court en agitant l'air dans un
lieu sur lequel passe un nuage chargé de matière électrique! Il n'y a que les bonnes femmes du pays qui disent encore que la cloche de
leur paroisse a le pouvoir « d'esconjura la malino ». Notre cloche devait sonner pour bien d'autres occasions dont le distique
ci-dessus ne fait pas mention, ce qui rendait fort assujettissantes les fonctions de ceux qui étaient chargés de la mettre à la volée. Ces
fonctions étaient réservées aux maîtres savetiers de Bordeaux; aussi jouissaient-ils du privilége d'être dispensés des services publics
auxquels étaient tenus tous les habitants.
Le 3 septembre 1775, la cloche de l'Hôtel-de-Ville fut montée au haut des tours en cinquante-deux minutes. Dans aucune circonstance de sa
fonte, de son transport, ni de sa mise en place, il n'arriva le moindre événement sinistre. Elle en a plusieurs fois procuré d'agréables
aux jurats; car lorsqu'elle sonnait pour quelque cérémonie publique extraordinaire, ils étaient anoblis par le roi, pour les récompenser
de la peine qu'ils avaient prise d'y assister. Les jurats qui étaient gratifiés de lettres de noblesse étaient appelés les nobles de la
cloche.
Les armoiries de Bordeaux, qui ne sont autre chose que la représentation des anciennes tours de l'Hôtel-de-Ville, sont encore en usage
et se blazonnent ainsi qu'il suit: D'azur au chef cousu de France, quatre tours surmontées d'un lion d'or pour girouette, au pied
une rivière d'argent, où flotte un croissant montant de gueules, et pour devise inscrite sur des palmes servant de support:
« LILIA SOLA REGVNT LVNAM, VNDAS, CASTRA, LEONEM »
« Les Lys règnent seuls sur la Lune, les ondes, la forteresse et le Lion ». Cette devise, qui apparait en 1672, indique
l'établissement du gouvernement français à Bordeaux. Elle doit avoir été composée postérieurement à l'occupation de cette ville par
les Anglais, d'autant que les mêmes armoiries, sans la devise, se trouvent sur de vieux poids bordelais qui portent la date de 1316.
Les Armoiries de Bordeaux
Cependant il est présumable que ce ne sont pas les plus anciennes armoiries de Bordeaux. Elles
n'ont pu être adoptées avant le XIIIe siècle, qui paraît être l'époque de la construction des tours de l'Hôtel-de-Ville. On suppose
que la ville avait pour ses premières armoiries trois croissants entrelacés, et qu'elle en aura conservé un dans les nouvelles, en mémoire des anciennes (ils furent aussi le chiffre de Diane de Poitiers).
Les trois croissants entrelacés se trouvent sur plusieurs objets de l'ancien Hôtel-de-Ville, comme étant ses petites armoiries.
On peut les considérer comme ce qu'on appelle des « armes parlantes », parce que la Garonne devant Bordeaux forme un véritable
croissant. Aussi son port est désigné sous le nom de port de la lune, dans les auteurs du moyen âge. La Chronique dit à ce sujet:
« Les hommes doctes se sont trouvez assez occupez pour la dénomination de nostre port de la lune. Ils ont estimé que l'une des
raisons serait ce que nous voyons lorsqu'on vient à Bourdeaux du costé de la mer, que ce port est fait en croissant de lune, monstrant
par cette figure toute la faciade de la ville et du port. L'autre raison est, qu'il semble que la conduite et gouvernement des ondes
de ce port despent du cours de la lune ».
Le chiffre de Bordeaux
Place Louis XVI
Les ornementations de la place étaient dignes du Roi qui avait voulu en doter la ville de Bordeaux; c'est encore l'architecte Louis
qui fut chargé d'en faire le plan et qui l'exécuta. Si les projets de Louis eussent été réalisés, Bordeaux fût devenu en moins de
dix ans la plus belle cité de l'Europe.
Plan de la place Louis XVI (1)
Plan de la place Louis XVI (2)
Voici une description de cette même place, empruntée au JOURNAL DE GUIENNE - édition du 15 mars 1787; les détails qu'on va lire achèveront de nous faire
connaître le splendide panorama, tout composé de palais, de portiques, de bas-reliefs, de colonnades et de statues, dont Louis voulait
faire à la fois honneur, et aux Bordelais de son temps, et à ceux des générations à venir.
« La superbe place qui s'érige à Bordeaux, sur les ruines d'une inutile forteresse, procurera les communications les plus intéressantes,
en même temps qu'un des plus beaux points de vue de l'univers.
Cette place, continue l'écrivain, sera formée par un demi-cercle de 150 toises (300 m) de diamètre, dont les deux extrémités
se termineront par deux parties droites, parallèles au quai, d'environ 60 toises(120 m) de longueur chacune; la profondeur sera de
120 toises (240 m) et la circonférence de 265 (500 m). Elle sera divisée en 13 arcs de triomphe qui donneront issue à 13 rues de 54
pieds (16 m) de largeur, toutes divergentes et tendant au centre de la place, où sera élevée une statue colossale.
La statue du Roi sera élevée au-dessus de la colonne, d'ou « ELLE POURRA ÈTRE VUE DE TOUTES LES PARTIES DE LA VILLE ». La hauteur de
cette colonne, de son piédestal, et de la statue de Sa Majesté, sera d'environ 180 pieds (50 m), et son diamètre de 15 (5 m). Elle sera
décorée de bas-reliefs et de tous les attributs qui caractérisent les vertus bienfaisantes de notre auguste Monarque.
La décoration des bàtiments qui forment la place offrira la plus grande magnificence. Les arcs de triomphe seront ornés chacun de
quatre colonnes isolées, d'ordre composite, formant trois ouvertures qui prendront toute la largeur, sur environ soixante-six pieds
de hauteur, au milieu de l'arc; les deux ouvertures latérales seront pour le passage des gens de pied; elles auront la distance d'un
entre-colonncment, et toute la hauteur de la colonne et de son piédestal. Les parties supérieures des arcs de triomphe seront ornées
de trophées et de groupes relatifs aux évènements honorables à la nation.
Les parties destinées à former les bàtiments d'habitation auront environ 12 toises (25 m) de largeur. Elles seront décorées en pilastres,
de même ordonnance que les arcs de triomphe, ainsi que le quai de Calonne (ministre des finances de Louyis XVI). Le développement
entier et uniforme de cette décoration sera de 385 toises (750 m).
Si la grandeur, la beauté de ce projet, dit encore le même rédacteur du Journal de Guienne, paraît séduisante aux amateurs des
beaux-arts, il n'est pas moins avantageux au commerce, par les établissemens utiles qu'on y pourra faire. Les communications que ces
rues vont établir entre la ville et les faux bourgs de Saint-Seurin et des Chartrons, seront de la plus grande commodité, et
donneront une valeur considérable à cette nouvelle ville.
La disposition de ces 13 rues, aboutissant à un centre commun, est un trait de génie qui fait le plus grand honneur à l'artiste qui
en est l'auteur. Cette disposition donne un même avantage à toutes les maisons qui y seront situées, puisqu'elles auront vue sur la
place et sur la rivière. Il n'y aura d'autre différence que celle des communications avec la ville. »
La place devait prendre le nom de place Louis XVI. Le monument gigantesque qui devait s'élever sur l'hémicycle et être aperçu de tous
les coins de la ville, avait déjà reçu celui de « COLONNE LUDOVISE ».
Enfin, les 13 rues, de 54 pieds (15 m) de large, devaient avoir des trottoirs et porter les noms suivants :
Rues du New-Hampshire, du Massachussets, de Rhode-Island, du Connecticut, de New- York, du New-Jersey, de la Pensylvanie, du
Delaware, du Maryland, de la Virginie, de la Caroline du Nord, de la Caroline du Sud et de la Géorgie.
C'était, comme l'on voit, le nom des treize Provinces-Unies de l'Amérique, qui devaient leur indépendance à l'intervention de Louis
XVI et au courage de ses généraux,Rochambeau, Lafayette et du comte d'Estaing. Telles étaient les magnifiques proportions et
les splendides ornements que l'on se disposait à donner alors à l'immense terrasse nue et aride que nous avons aujourd'hui sous les
yeux.
Si les évènements qui vinrent bientôt apporter la terreur dans Bordeaux (révolution), et qui couvrirent en peu de temps cette belle cité de sang
et de ruines, eussent permis la réalisation de ce magnifique projet, Bordeaux serait aujourd'hui une seconde capitale, qui lutterait
avec Paris de splendeur, d'éclat et de prospérité.
Place Saint-Projet
La place Saint-Projet tire son nom de celui d'une ancienne
église paroissiale
qui y était située et qu'on a supprimée. Cette église était du nombre de celles qu'on appelait à Bordeaux les quatre chaires, qu'on offrait aux prédicateurs les plus renommés de France, pour les stations du carême. Celui d'entre eux que le chapitre de Saint-André reconnaissait pour le plus éloquent était désigné pour prêcher la Passion à la cathédrale, puis un sermon sur l'aumône à l'hôpital. Cette distinction était ambitionnée à l'égal d'un prix d'académie. Il ne reste que la tour avec une inscription au monument historique depuis 1965.
La place Saint-Projet était la plus ancienne, la plus grande et la plus centrale des trois places publiques qui subsistaient dans l'enceinte du premier Bordeaux. Cette circonstance nous porte à croire que là fut originairement établi le Grand-Marché de cette ville, avant qu'elle eût étendu les limites de son enceinte primitive.
Il fut construit en 1594 une halle sur la place Saint-Projet, pour la vente du gibier et de la volaille. Cette halle ne subsiste plus. Elle est remplacée par un obélisque de la hauteur de 4 mètres, d'une seule pierre, sculpté en forme de
campanille gothique
et surmonté d'une croix, il s'agit de la croix de l'ancien cimetière Saint-Projet. [
Voir la croix
]
La fontaine de la place Saint-Projet a été construite en 1737, elle prenait ses eaux à la source d’Arlac, du côté de Mérignac. La jurade paya au sculpteur Michel Van der Woort une somme de 4,000 fr., pour couvrir de stalactites le portique au bas duquel sont les jets de cette fontaine. Les connaisseurs de l'époque trouvèrent que ce travail était un peu cher.
Au-dessus du fronton triangulaire, l’homme et la femme représenteraient les deux rivières traversant Bordeaux : le Peugue et la Devèze. Sous le cartouche de marbre rouge, est figuré, un trophée maritime composé de proues de navire, gouvernail, trident, harpons et corne d’abondance. [
Voir la fontaine
]
Place Pey Berland
Elle était auparavant dite grande place Saint-André ; son nouveau nom vient de celui du clocher situé sur de cette place. La première pierre de ce clocher fut posée le 6 octobre 1440, par Pierre Berland, archevêque de Bordeaux, ainsi qu'on l'apprend par l'inscription suivante, qui se lit à côté de la porte d'entrée de cet édifice :
Bis quadram quicumque oculis turrim aspicis æquis,
Mille quadringentis quadragliita labentibus annis
Felicibus cæptam auspiciis, nonasque secundo
Octobris : tantùm certò scito esse profundam
Fons propè prosiliens quantùm tenet. Hîc quoque primus
Subjecit lapidem Petrus, archipræsul in urbe
Burdigalæ, cujus plebs collæletur in ævum.
" O toi qui contemples cette tour, laquelle repose sur huit piliers, apprends qu'elle fut heureusement commencée la veille des Noues d'Octobre de l'an 1440. Ses fondements s'étendent aussi loin dans la terre que la fontaine qui jaillit à tes regards. La première pierre en fut posé par Pey-Berland, Archevêque de Bordeaux ; puisse son peuple s'en réjouir éternellement. "
[ Voir cette inscription ]
On assure, dans ces vers, que prés de ce clocher jaillissait une fontaine profonde. Certains présument que c'était celle qu'Ausone a célébrée sous le nom de Divona, et dont ils recherchent encore l'emplacement dans toute la ville.
A l’époque, bâti sur une zone marécageuse, la structure de la cathédrale n’aurait pas résisté au poids d'un bourdon (cloche de plus de 8 tonnes), C’est pourquoi l’archevêque Pey Berland décida d’édifier une tour séparée de la cathédrale, spécialement conçue pour accueillir de majestueuses cloches.
La hauteur de cette tour était de 80 mètres. On couronna le clocher d’une flèche haute de 12,50 mètres. Celle-ci fut partiellement détruite par une tempête en 1667, pour être finalement rasée en 1793. Une nouvelle flèche fut construite en 1851. Elle fut couronnée en 1863 par une statue colossale de [ Notre-Dame d'Aquitaine ]. Six années plus tard, la tour accueillit Ferdinand-André, un gros bourdon de 8 tonnes.
Le gardien de ce clocher, pour tirer quelque profit de son titre de sonneur honoraire, percevait autrefois une petite redevance sur les cabarets établis dans la paroisse. Tout le vin qui s'y vendait au détail devait être préalablement crié du haut du clocher de Pey-Berland. A la vérité, il était impossible d'entendre nulle part cette singulière annonce, mais elle produisait deux bouteilles pour « pot de vin » à celui qui la faisait.
La Dordogne
Elle prend sa source dans les montagnes de l'Auvergne, au Puy de Sancy (1 885 m), point culminant du Massif central, dans la chaîne
des monts Dore, sous la forme de deux petits ruisseaux: la Dore et la Dogne, qui, en se réunissant
près de la station thermale du Mont-Dore, prennent nom de Dordogne. Après avoir traversé les départements du Cantal, de la Corrèze et de la
Dordogne, elle arrive dans le département de la Gironde avec une largeur de 200 mètres environ; elle en a près de 280 en passant devant
Libourne, et presque 1,000 à son embouchure.
La Dordogne réunit dans son cours, à travers le département de la Gironde, de nombreux
affluents; les plus importants sont : sur la rive droite, l'Isle, qui se jette dans la Dordogne après avoir reçu les eaux de la Dronne, la
Virvée et le Moron; sur la rive gauche: le Seignat,L'Engranne, le Daignac, le Geslas, la Laurence. Enfin, le département est arrosé par la
Leyre et par plusieurs autres ruisseaux moins importants, aboutissant au bassin d'Arcachon ou aux étangs du littoral
Les fontaines de Bordeaux
Il fut un temps ou l'eau n'était pas courante en Bordeaux
L’eau à Burdigala
La première adduction d’eau bordelaise fut construite par les Romains qui allèrent capter l’eau d’un ruisseau de Talence au Moulin
d’Ars pour alimenter un aqueduc. Celui-ci, à partir d’un tronçon commun route de Toulouse, se divisait en deux branches parallèles
au fleuve, l’une empruntant l’actuelle rue Sainte-Catherine, l’autre implantée sur la rue des Palanques et la rue du Temple et
atteignant le marché des Grands-Hommes.
Burdigala était abondamment pourvue en eau car aux sources disponibles dans la cité même s’ajoutaient les eaux du Peugue ou de la
Divone (la Devèze) qui étaient d’excellente qualité, ainsi qu’en témoigne le poète Ausone lorsqu’il décrit la « fons DIVONA » qui
avait été aménagée dans l’avant-port à partir d’une retenue sur le cours de la Devèze. Ce barrage permettait ainsi de mettre à la
disposition de la population et des navigateurs une eau qui n’était pas chargée de vases à chaque marée et qu’il n’était pas
nécessaire de puiser. La cité aurait donc pu se passer d’aqueduc si ce n’était la nécessité pour les thermes et les fontaines
publiques de disposer d’eau à une côte sensiblement plus élevée que celle où l’on pouvait trouver les sources. Ces dernières à
Bordeaux, issues de la nappe phréatique libre, sourdent en général à une côte assez basse.
L’existence de deux autres aqueducs allant chercher les eaux de l’Eau Blanche et de l’Eau Bourde et construits sous le règne de
Tibère reste une hypothèse de même que la date à laquelle les aqueducs ont été détruits (par les invasions successives) ou
simplement laissés à l’abandon.
Au Moyen-âge
Au Moyen-âge, avec les vicissitudes causées pas les invasions barbares, la ville se replie sur son castrum. Les besoins en eau sont
moindres car la population a décru. Ce n’est qu’à partir du XIIème siècle que Bordeaux sort de ses murs. Les faubourgs se
développent, les activités artisanales exigeantes en eau s’implantent sur les bords du Peugue et de la Devèze : elles pollueront
largement ces rivières qui leur servent aussi d’égout et elles priveront progressivement les riverains de l’usage alimentaire de
cette eau. Cela sera compensé par l’utilisation des nouvelles sources périphériques et par la réalisation de nombreux puit publics
En 1521, Josse CORNILHOT, maître fontainier, originaire de Rouen, passe un contrat avec les Echevins de Bordeaux pour la
onstruction de trois fontaines, Place de l’Eglise Saint-André, Place du Marché et Place de l’Ombrière, alimentées par une amenée
d’eau groupée des trois sources de Brachet, de Maurian et du Mirail. Ce contrat est le plus ancien document d’archives concernant
la distribution d’eau à Bordeaux. Il traduit le souci des édiles municipaux de mettre l’eau à la disposition de la population grâce
à des fontaines publiques situées en des lieux très fréquentés de la cité et sous une forme plus commode que celle du griffon des sources.
Les sources ou les puits importants à l’époque étaient la Font d’Audège, la source Bouquière, la Fontaine Daurade, les sources de
Figueyreau et de Labrousse, la fontaine de Sainte-Croix, la fontaine Poitevine, la Font-de-l’Or,...
Au XVIIIème siècle
Au milieu du XVIIIème siècle, sous le règne de Louis XV, la ville connut, sous l’impulsion de ses grands intendants, une importante
expansion économique. On se préoccupa de faciliter l’approvisionnement en eau des hauts quartiers moins pourvus en sources, où la
nappe était plus profonde à atteindre. De cette époque date la première adduction notable qui capta des sources abondantes : les
eaux de la source du Tondu et de la source voisine des Carmes ainsi que celles de la source d’Arlac qui était située à quatre
kilomètres du centre de Bordeaux à l’origine d’un petit affluent du Peugue. Constitué par des canal fontaine Saint-Projet
construite en 1737 et qui seule subsiste aujourd’hui.
L'approvisionnement en eau de la ville, est un problème de la plus haute importance, et dont la solution est,
depuis bien longtemps, l'objet de la sollicitude et des efforts de l'administration municipale ; mais jusqu'ici aucun résultat
favorable n'a été obtenu.
PROJET GÉNÉRAL DE FONTAINES - POUR LA VILLE DE BORDEAUX.
PROJET DE M. DURAND - Novembre 1829
De tous les monuments propres à embellir une grande ville, nul ne peut le faire d'une manière aussi convenable que des fontaines;
également susceptibles de magnificence et de les habitants qui en jouissent, ce sont des sources de vie et
de santé; pour les administrateurs qui les font construire, ce sont des titres incontestables à une gloire solide, puisqu'elle
est le juste prix d'un grand bienfait.
Bordeaux, l'une des principales villes de France, est aussi
l'une de celles où les eaux potables sont les moins bonnes et les moins abondantes. Dès longtemps le besoin s'en est fait sentir, et l'administration municipale a fait des efforts pour y
pourvoir; mais elle n'a pu vaincre les nombreux obstacles quise sont opposés à l'accomplissement de ses projets généreux, et la
ville est demeurée dépourvue d'eau.
Les anciennes fontaines de Bordeaux
Dans son éloge de Bordeaux, Ausone décrit en vers pompeux la magnifique fontaine Divona, dont l'onde intarissable fournissait
abondamment, dit-il, à tous les besoins des Bordelais; mais pendant les quinze siècles qui se sont écoulés depuis cet éloge, Bordeaux
a souffert les invasions réitérées des Barbares et les saccagemens affreux qui caractérisent les guerres du moyen âge. Des tremblemens de
terre ont bouleversé son sol, des incendies ont changé ses monuments en monceaux de ruines , et des jours heureux ayant enfin succédé à ces
vicissitudes, une ville immense et nouvelle s'est élevée sur les ruines de l'antique cité dont quelques débris épars désignent à peine
l'étroite enceinte. Il n'est pas étonnant qu'après tant d'orages, il ne reste d'autre vestige de la fontaine Divona que les vers harmonieux
d'Ausone, qui, peut-être, la décrivit avec l'enthousiasme d'un poète, plutôt qu'avec l'exactitude d'un historien. Peut-être aussi cette
source s'est-elle tarie d'elle-même, comme l'a fait, il y a peu de temps, celle de Salisse, dans les Pyrénées. Quoi qu'il en soit, on a
cherché partout les vestiges de cette belle fontaine, mais on ne les a trouvés nulle part. A défaut de faits, on s'est livré aux
conjectures, on les a épuisées, le tout en vain, et la fontaine Divona a continué à n'être connue que par les vers du poète qui l'a chantée.
Cette perte est grande, sans doute, puisque la source Divona était abondante et pure ; mais il me semble qu'alors même qu'on la retrouverait
actuellement, elle ne pourrait dispenser de chercher ailleurs des ressources. En effet, le texte du seul auteur qui en ait parlé me semble
indiquer clairement que cette merveilleuse fontaine était, non une eau amenée de loin par des aqueducs, mais bien une source profonde qui
jaillissait dans l'enceinte même de la ville; or, cela étant, il est incontestable qu'aujourdhui la source serait encavée au moins des 4 mètres
dont le sol actuel de la ville est supérieur au sol de la cité antique; de plus, ces eaux, jadis si pures, auraient inévitablement
été souillées et corrompues, comme toutes celles de la ville, par les infiltrations délétères des égouts et des fosses d'aisances de
cette vaste cité. Cette fameuse fontaine, que les anciens avaient divinisée, mérite donc des regrets en raison de ce qu'elle a été
autrefois, mais non sous le rapport de ce qu'elle pourrait être maintenant si elle existait encore.
Des vestiges d'aqueducs ou de fontaines antiques ont été découverts à plusieurs époques, soit dans la ville même, soit dans ses
environs. Vinet et l'abbé Baurein, cités ou copiés par d'autres écrivains postérieurs, signalent ces découvertes, où ils ne manquent
pas de voir des vestiges de l'inévitable fontaine Divona; mais leurs observations ne paraissent pas faites avec le soin et la
précision nécessaires, et leurs conjectures sur la fontaine d'Ausone sont surtout dépourvues de preuves et de vraisemblance. L'un de
ces aqueducs a été suivi et observé avec soin dans l'année 1826, sur un développement de 9600m , depuis une fontaine voisine du moulin
de Vayres, jusqu'à une sablière située près le pont d'Ars ; mais ses traces ont disparu à l'entrée de la ville, et, comme tous les
autres, il n'a donné aucun indice certain du point où il se terminait.
Tels sont les faits connus sur les eaux de l'antique Bordeaux : est évident qu'on ne peut en déduire rien d'applicable à l'approvisionnement
d'eau de la ville actuelle, et qu'on ne doit chercher des ressources que dans l'état de choses existant.
Sources situées dans Bordeaux
Source Bouquière.
Cette source est citée dans les Chroniques Bourdeloises, en 1612 et 4614, comme la meilleure de celles de
Bordeaux; actuellement, elle est notoirement séléniteuse et de mauvaise qualité: peut-être ce changement est-il dû aux infiltrations
dont j'ai déjà parlé. Cette source jaillit à 8m en dessous du sol actuel ; elle est assez abondante et ne tarit que fort rarement,
quoique son eau baisse sensiblement dans les grandes chaleurs, surtout depuis quelques années.
Source Daurade.
Actuellement mauvaise, elle est de 8m au-dessous du sol. Les Chroniques Bourdeloises de 1614 annoncent que c'est en cette année
qu'on établit la pompe au moyen de laquelle on élève encore l'eau de cette source, qui, bien que gâtée à cette époque, « avait été
ci-devant, dit la Chronique, une très-belle et bonne fontaine, comme celle de rue Bouquière.
Source d Audège
De même nature que les précédentes, elle est placée comme elles au-dessous du sol. On élève l'eau au moyen d'une pompe. En 1559,
on y exécuta quelques travaux; et, d'après la Chronique de cette année, on la croyait celle qu'a citée Ausone.
Source de l'Or
De même qualité à peu près que celles déjà citées. Cette source, qui sert à l'approvisionnement des navires de la rade pour les
voyages de long cours, jaillit à quelques pieds sous terre; et comme depuis quelques années elle a beaucoup baissé, et que son eau
n'atteint plus aux canules de distribution à l'époque des fortes chaleurs, on y a placé une petite pompe à bras, au moyen de
laquelle le public pourvoit à son approvisionnement journalier. Une pompe plus forte, et mue par un cheval, élève une portion du
produit de cette source, qui est distribuée à plusieurs fontaines situées sur le port.
Fontaine Figuereau
Désignée sous le nom de Figuerols elle est citée dans la Chronique de 1623, à l'occasion d'un marché passé avec un certain Romand de
Limoges, qui s'engageait à en conduire les eaux au Chapeau-Rouge et à Saint-Projet, moyennant une somme de 20,000 liv. Il ne paraît
pas que ce marché ait eu de suite.
Cette source, de médiocre qualité, est maintenant d'un usage fort étendu ; elle jaillit à quelques pieds sous terre, et des pompes
en conduisent le produit dans les tonnes des marchands d'eau qui le distribuent dans une notable portion de la ville. Elle a
beaucoup perdu de son volume et de sa hauteur depuis quelques années. Située à une extrémité de la ville, elle n'a pas encore acquis
le degré de corruption qu'elle atteindra, sans doute, lorsque les habitations seront plus multipliées autour d'elle. Cette source
communique évidemment, et de la mainère la plus directe, avec des fontaines voisines qui appartiennent à des particuliers, et cette
circonstance est de nature à inspirer des craintes fondées sur la conservation intégrale du produit de la fontaine de Figuereau.
Source Lagrange
Cette source est semblable en tout à celle de Figuereau, dont elle est assez voisine pour qu'on soit autorisé à croire que toutes
deux ont la même origine. Elle n'appartient pas à la ville, comme les précédentes, mais bien à un particulier qui en tire parti en
l'affermant pour le service des porteurs d'eau.
Les porteurs d'eau
La source de Mérignac, à Fontenieu
Cette source est belle et de bonne qualité; son produit a été estimé « 15 pouces fontainiers; mais le mauvais état du lieu oii elle
surgit est tel que, maintenant, on ne pourrait en apprécier le volume avec quelque exactitude, qu'après avoir exécuté des travaux
assez importans qui rassembleraient les filets d'eau épars, et dont une partie se perd dans les terres; il paraît constant, que le
produit de cette source, qui n'arrive point à Bordeaux, a singulièrement diminué : le Mémoire de 1787, déjà cité, la désigne comme
de première qualité. Cette désignation est exacte relativement à la plupart des autres sources des environs de Bordeaux, mais elle
ne l'est pas absolument, puisque cette eau est loin d'avoir le degré de pureté que l'absence de toute matière hétérogène constitue
seule.
La Source d'Arlac
Cette source appartient à la ville, et son produit est amené en entier dans son enceinte. Sa qualité est la même que celle de la
précédente; elle produit environ 15 à 12 pouces fontainiers (12539 a 9871 m3 par heure).
La source du Tondut
En tout comme la précédente : leurs eaux se mêlent et arrivent à la ville dans la même conduite : elle produit environ 4 à 5 pouces
fontainiers (3290 à 4113 m3 par heure), et, ainsi que la précédente, elle perd peu de son volume et de sa hauteur dans les plus
fortes sécheresses.
