Cédant à l'impulsion de ce siècle, si remarquable par son esprit d'entreprise, Bordeaux, parmi les
villes du continent, a été
l'une des premières à se servir de bateaux à vapeur, à faire un pont suspendu et à construire un chemin
de fer. Marie Fortuné de Vergès : Ingénieur du magnifique pont suspendu, de Cubzac, fut chargé de
l'exécution du
Pont suspendu
lequel,
grâce aux efforts persévérants de M. Nathaniel Johnston, maire de Bordeaux, fut achevé en 1841, après
trois années de travail;
il fut inauguré le 6 juillet, avec une grande solennité, en présence de l'archevêque, des autorités du
département et de quelques
milliers de spectateurs.
La longueur du chemin de fer est de
52 kilomètres
; il n'y a qu'une voie, mais le terrain est assez large pour en
établir une
seconde si jamais cela devenait nécessaire. Outre les deux gares de Bordeaux et La Teste, il y a sur le
chemin vingt stations
intermédiaires. Le service en est assez bien réglé, et jusqu'aujourd'hui aucun accident fâcheux n'est
venu troubler la confiance
du public. Des omnibus, correspondant avec le chemin de fer, stationnent tous les jours, à des heures
fixes, sur la place de la
Comédie.
En quittant la gare de Bordeaux, le voyageur traverse pendant quelques minutes un pays de vignobles orné
de jolies maisons de
campagne. L'une des propriétés les plus importantes est, a droite, celle de "la Mission", qui produit de
très-bon vin; ensuite
vient le domaine appelé "Château Haut-Brion", si célèbre comme premier crû de graves. Le convoi passe
ensuite sur un beau viaduc,
qui s'étend depuis Haut-Brion jusqu'au village de Pessac; ce monument, composé de quatre-vingt-onze
arches, a près de 1000 mètres de
longueur.
Après avoir quitté le charmant village de Pessac et traversé une plantation d'acacias, on passe près
d'une propriété appelée
"Pape- Clément", dont le vin jouit aussi d'une certaine réputation.
Le convoi arrive bientôt à Saint-Médard, remarquable par de belles plantations de pin maritîme; puis le
Gazinet, lieu autrefois
dangereux à cause des voleurs qui infestaient la route. La station suivante porte le nom barbare de «
En arrivant à la gare de Pierroton, les landes nous apparaissent dans toute leur grandeur sauvage; aussi
loin que la vue peut
s'étendre, on ne voit qu'une paine stérile et inculte qui semble avoir été déshéritée des bienfaits de
la création.
Les deux stations suivantes, Verdery et Mios, offrent aux regards le même paysage désolé, un désert dont
la monotonie n'est
interrompue que par des forêts de pins et de chênes séculaires.
La gare de Teste-More ou Marcheprime, qui était autrefois à une journée de Bordeaux, mais où l'on arrive
aujourd'hui dans
l'espace d'une heure, se trouve à distance égale (26 kilomètres) entre cette ville et La Teste; aussi le
convoi s'y arrête
pendant quelques minutes pour renouveler sa provision d'eau et de combustible. Là encore, à part
quelques essais très récents de
culture, on ne voit que de sombres forêts de pins dans le lointain; rien ne vient égayer la tristesse de
cette immense solitude.
De loin en loin seulement on aperçoit quelque berger solitaire, immobile sur ses longues échasses ou
marchant à pas gigantesques,
comme un fantôme des marais, jusqu'à ce qu'il disparaisse confondu avec les brouillards de l'horizon.
Le voyageur qui parcourt ce pays éprouve un sentiment pénible en contemplant cette triste page de la
nature. Le sol n'est pas cependant
aussi stérile qu'il le paraît et des expériences récentes ont parfaitement démontré que plusieurs
arbres, tels que le pin, l'acacia, le
chêne, le châtaignier, le peuplier et même le mûrier, peuvent réussir très-bien dans cette région
longtemps négligée.
Après avoir quitté Teste-More, le convoi arrive à Biard, où le paysage est encore le même. Ensuite vient
Argenteyres, célèbre autrefois
par sa mauvaise hôtellerie dans laquelle le voyageur ne trouvait rien à manger, à moins qu'instruit par
une triste expérience, il n'eut
le soin d'y apporter lui-même des provisions. Après la gare suivante (Canauleye), on traverse une belle
forêt de pins et encore des landes;
mais ce sont les dernières et l'on commence bientôt à apercevoir quelques signes de culture; la solitude
cesse, et ]a station de Cameleyre
nous rend enfin à la terre des vivants.
A Facture, station importante, située à 37 kilomètres de Bordeaux, il y a une fonderie de fer; un peu
plus loin une verrerie et
quelques autres bâtiments. En sortant des marais, on traverse, sur un pont en bois qui a 66 mètres de
long, une petite rivière
appelée la Leyre. Ce passage était autrefois si dangereux, que les voyageurs étaient souvent obligés de
faire un détour de
quelques lieues avant de pouvoir arriver à Lamothe, qui est la station suivante.
Bientôt après avoir quitté Lamothe, on commence à apercevoir le village du Teich, l'église; et un peu
plus loin le vieux château
de Rouat, dépendance des fameux Captaux de Buch, dont la famille de Rouat hérita en dernier lieu. A la
gare de Cantaranne
(Chante-Grenouille), on commence à apercevoir le bassin d'Arcachon, étincelant dans le lointain.
La grande route de La Teste, qu'on a à sa droite en partant de Bordeaux, est traversée, entre Le Teich
et Cantaranne, par le
chemin de fer et se trouve désormais constamment à gauche.
Après avoir passé les gares de Mestras, de Gujan, endroit agréable pour prendre les bains de mer, ainsi
que celles de Meyran et
de La Hume, le convoi traverse le canal d'Arcachon, puis un pont en bois de 90 mètres de long et enfin
le bourg de La Teste
apparaît avec ses marais salants et ses dunes.
Ce bourg, d'après certains auteurs, doit être le Boios de l'itinéraire d'Antonin, mentionné par saint
Paulin, sous le nom barbare
de Testa Boïorum; quoi qu'il en soit, il a l'honneur d'avoir été le chef-lieu du territoire possédé par
les fameux Captaux de Buch, dont
la renommée se trouve inscrite dans les annales de la France et de l'Angleterre qu'ils servirent
alternativement avec le plus grand
dévouement. Il y a quelques années, on voyait encore, derrière l'église de La Teste, les ruines du
château-fort de ces Captaux célèbres.
Aujourd'hui il n'en reste plus une pierre; un petit monticule seul désigne l'emplacement de la haute
tour carrée, au sommet de laquelle
Jean 111 de Grailly, le rude guerrier et le meilleur capitaine de son siècle, plantait fièrement sa
bannière victorieuse. Là aussi vécurent
ces Captaux de Buch qui, jusqu'au commencement du XVIme siècle, maintinrent dans un odieux esclavage les
pauvres pêcheurs de La Teste;
toute barque leur était tributaire, et les navires étrangers étaient obligés de leur payer des droits
d'entrée, de balise et d'ancrage.
Les ravages de la guerre avait tellement réduit la population de cette ville, en 1500, que l'on n'y
comptait plus que quarante
maisons. La générosité d'un des Captaux, qui fit à ses vassaux des concessions extraordinaires,
contribua à lui rendre peu à peu
sa prospérité; de sorte que sa population qui, en 1782, s'élevait à 1500 âmes, atteint aujourd'hui le
chiffre de 4000.
L'air de cet endroit est excellent; il y a très-peu de maladies, excepté la fièvre quelquefois pendant
les grandes chaleurs
d'été; la longévité y est commune et les décès, comparés aux naissances, sont dans la proportion de deux
à trois. La population
se compose principalement de résiniers, de pêcheurs, de marins et de propriétaires. Cette petite ville,
à peu près inconnue
au-delà de Bordeaux il y a vingt ans, est aujourd'hui très à la mode à cause de ses établissements de
bains, situés sur le bord
du bassin d'Arcachon.
En arrivant à la gare de La Teste, le voyageur trouve toujours plusieurs voitures, appartenant aux
divers établissements de
bains, prêtes à l'y conduire.
Les principaux de ces établissements sont : ceux de Legallais, de Gailhard et de Lesca. Depuis quelques
années on a bâti sur le
bassin de jolies maisonnettes et des cabanes de toutes les façons, construites pour la plupart par
divers habitants de Bordeaux.
Le prix, dans les principaux établissements, est de 5 à 6 fr. par jour, tout compris.
Il y a plusieurs excursions agréables à faire dans les environs de La Teste : une promenade en bateau à
la Chapelle d'Arcachon,
à l'Ile des Oiseaux, ou plus loin encore, jusqu'au cap Ferret, dont le phare commande une vue étendue de
la mer; on peut aller
à cheval voir le monument en marbre élevé à la mémoire de Brémontier, dont le génie a garanti cette
région de l'invasion des
sables, en les fixant par des semis de pins; enfin, le canal d'Arcachon, l'étang de Cazau et quelques
autres endroits dans le
voisinage sont aussi le but de promenades fort intéressantes.
Le temps passe très-agréablement dans les établissements de bains; ce sont tous les jours des promenades
en bateau, à cheval, à
pied, en voiture; des parties de pêche ou de chasse; et le soir on se réunit dans des bals donnés par
les propriétaires de ces
établissements. Aussi ce n'est pas sans regret que le voyageur revient à Bordeaux, après avoir passé à
La Teste quelques jours
d'une manière fort agréable.
En été, le bateau à vapeur part trois ou quatre fois par semaine pour Royan.
En quittant le quai Fenwick, le voyageur voit à sa gauche le quai des Chartrons, qui tire son nom d'un
couvent de chartreux
autrefois établi en ce lieu. A droite, s'étend, depuis La Bastide jusqu'à Lormont, la vaste plaine des
Queyries (*), plantée en
vignes qui produisent le premier vin des palus. Lormont doit son nom flaureus monsj aux lauriers qui
couvraient autrefois
ce coteau. Depuis des siècles le laurier a fait place à la vigne. Comme nous l'avons déjà mentionné, la
côte de Lormont fut
autrefois couronnée par un château-fort appartenant à l'archevêque de Bordeaux. Cette construction a
entièrement disparu; un
peu plus loin, on voit encore les ruines du Château du Diable, au sujet duquel on raconte dans le pays
plusieurs histoires
diaboliques.
(*) Ce nom de Queyries fut, dit-on, donné à ce lieu par les Anglais, à l'époque de leur domination,
à
cause des carrières (quarries) ouvertes sous les coteaux voisins.
A gauche, s'étend la commune de Bruges, dont les marais furent d'abord desséchés, en 1599, par des
Flamands qui, appelés à
cette fin dans le Bordelais par Henri IV, finirent par s'établir dans ce lieu, qu'ils appelèrent Bruges,
d'après le nom de leur
ville natale.
Après Bruges, viennent la commune de Blanquefort, autrefois une seigneurie très-étendue et celle de
Parempuyre, connues toutes
les deux par leurs vins.
A droite, se trouvent les communes de Bassens Carbon-Blanc, d'Ambarès et de Montferrand, qui font
beaucoup de bons vins rouges, appelés vins de cargaison.
Montferrand était autrefois la première baronnie de la Guienne. Là demeure, dans une belle et paisible
retraite, M. de Peyronnet, l'un des
ministres de Charles X; plus loin, du même côté, se trouve la commune d'Ambès.
Cette portion du département, appelée Entre deux-Mers, parce qu'elle est comprise entre la Garonne et la
Dordogne, se termine à
l'extrémité de la dernière commune en un promontoire (le Bec-d'Ambès) où ces deux rivières se réunissent
pour former la Gironde,
fleuve qui a donné son nom au département.
A gauche, on aperçoit les communes importantes de Ludon, de Macau et de Labarde, célèbres par
l'excellence de leurs vignobles.
Après avoir doublé le Bec-d'Ambès, on voit, à droite, l'ancienne ville de Bourg, fondée, dit-on, par
Léonce Paulin, un des aïeux
de saint Paulin, de Bordeaux. La cour de France y résida en 1650, à l'occasion de troubles dans ce pays.
Le territoire de Bourg
fournit au commerce une grande quantité de bon vin rouge; il en fournissait même à l'Angleterre
longtemps avant que le Médoc,
aujourd'hui le pays de claret par excellence, fut planté de vignes.
On trouve plusieurs carrières le long de la rive droite, surtout à Roque-de-Tau.
A la fin du mois d'août et au commencement de septembre, la rivière, en cet endroit, devient souvent
dangereuse pour les petits
bateaux, par suite d'un phénomène appelé en patois le mascaret; dans les jours les plus calmes de ces
mois, une vague, qui peut
avoir de 1 à 2 mètres de hauteur, s'élève tout-àcoup sur l'eau et parcourt une distance considérable de
la Dordogne et même de la
Garonne, s'étendant majestueusement dans toute la largeur de ces rivières, et chavirant quelquefois les
petits bateaux qui se trouvent
sur son passage. Ce phénomène , qui se retrouve dans plusieurs autres fleuves, est attribué au flux de
la marée tout-à-coup resserrée
en ces parages.
Après le Bec-d'Ambès viennent deux grandes îles formées au milieu de la rivière. La première, l'île
Cazeaux (commune de Villeneuve),
est la propriété de M. Pierlot, qui y fait 200 tonneaux de vin; l'autre, appelée île du Nord, se trouve
partagée entre trois propriétaires,
MM. Saint martin, Sourget, Dupuy.
En passant ces îles, nous cotoyons en même temps les communes célèbres de Cantenac et de Margaux, à
gauche et ensuite celles de
Soussans et deLamarque.
A droite, les communes sont : celles de Bayon , de Gauriac, de Villeneuve , de Plassac et de SainteLuce;
les habitants de Gauriac
sont presque tous carriers.
Après ces communes vient la ville de Blaye, chef lieu d'arrondissement de ce nom, située à 33 kilomètres
de Bordeaux. Cette ville,
connue comme station militaire dès le temps des Romains, est désignée par Ausone sous le nom de
Selon les chroniqueurs,
Outre la citadelle, il y a le fort de Saint-Simon, bâti en 1689, sur un Ilot de la Gironde, qui est en
face, et qu'on appelle le
Après Blaye, on aperçoit dans le lointain, à gauche, la commune de Saint-Julien de Reignac, ornée de
quelques belles maisons de
campagne. L'une de ces maisons, le château de Beychevelle, aurait, suivant la tradition, remplacé un
ancien manoir féodal, dont
le seigneur exigeait que toutes les embarcations, qui passaient devant ce domaine, le saluassent en
baissant leurs voiles; de cet
usage vient, dit-on , le nom de Beychevelle (Baisse-Voile) donné à ce château.
Immédiatement après Saint-Julien viennent les paroisses réunies de Saint-Lambert et Pauillac, qui
renferment les deux premiers
crûs, Lafitte et Latour. De la rivière, on aperçoit une vieille tour, servant de colombier , qui indique
la position de ce
dernier vignoble.
Devant Pauillac est l'île de
C'était là que les navires, suspects de maladies contagieuses étaient obligés de mouiller pour faire
quarantaine, avant
l'établissement du Lazaret actuel de Trompeloup, bâti en 1822 et situé à 3 kilomètres du port de
Pauillac.
Après Pauillac vient la commune de Saint-Estèphe, qui est celle où l'on récolte la plus grande quantité
de vin rouge; autrefois
le seigneur de Calon (domaine qui est aujourd'hui un des premiers crûs de Saint Estèphe) ,avait le
privilége de conduire la dame
de Lesparre dans la ville, lorsqu'elle y faisait sa première entrée, politesse qui lui valait le
palefroi que montait la dame.
La commune suivante, Saint-Seurin de Cadourne, est la dernière située dans le Haut-Médoc. Les autres
communes, sur la rive gauche,
sont : Saint-Yzans, Saint-Christoly et Couquèques, Bégadan, Valeyrac , où existait, en 1623, un hôpital
appartenant à l'ordre de
Malte et destiné à l'usage des pèlerins qui allaient à Saint-Jacques de Compostelle; les paroisses
réunies de Dignac , Jau et
Loirac ; enfin, SaintVivien et Soulac.
Le bourg de Soulac, situé au pied des dunes, est à environ 3 kilomètres de l'ancien bourg qui a été
enseveli dans les sables.
La vieille église subsiste encore, étant en partie dégagée des sables que les vents ont portés ailleurs;
elle sert de point de
reconnaissance pour les navigateurs. Quelques savants ont cru reconnaître, dans le vieux Soulac, le
C'est dans l'espace compris entre Soulac et Margaux , qu'on trouve ces jolis cailloux bleus et
transparents que les lapidaires
travaillent comme les pierres fines. On rencontre aussi dans ce pays des devins, qui étaient autrefois
en grande réputation comme
Astrologues du Médoc. La tradition place sur la côte de Grayan, non loin de Soulac, le port appelé
encore Port des Anglots, où
débarqua, en 1452, le général Talbot avec les troupes anglaises envoyées pour soutenir la révolte des
Bordelais contre leur nouveau
maître, le roi de France.
Sur la rive droite, la seule commune qui appartienne à la Gironde, après Blaye, est Saint-Simon du
Cardonnat, dont la limite
septentrionale sépare le département de la Gironde de celui de la Charente Inférieure. Les autres
communes riveraines,
appartenant toutes à ce dernier département, sont : Conac, Mortagne, Talmont, Saint-Georges en Didonne.
Mortagne était autrefois le siége d'une châtellenie dont la juridiction s'étendait sur six communes
voisines; il portait même le
titre de principauté. Le cardinal de Richelieu en fit l'acquisition et la laissa à son petit neveu
Jean-Arnaud de Richelieu et
aux aînés de cette famille à perpétuité. Talmont avait aussi une juridiction seigneuriale qui s'étendait
sur quatre communes.
Enfin, Saint-Georges était le chef-lieu d'une baronnie et d'une châtellenie qui comprenait neuf
communes. Les habitants de
Saint-Georges sont presque tous pêcheurs.
Après avoir cotoyé ces diverses communes, on aperçoit Royan, bâti sur des rochers qui dominent
l'embouchure de la Gironde. Cette
petite ville, agréable séjour pour prendre les bains de mer, est située à l'extrémité du département de
la Charente-Inférieure.
On a supposé qu'elle est l'endroit mentionné dans
Royan joua un rôle assez considérable à l'époque des guerres de religion. Les protestants, harcelés par
le gouvernement, en
avaient fait une de leurs places fortes et s'y étaient renfermés. Pendant le blocus de La Rochelle,
Louis XIII vint en personne
assiéger Royan; irrité de la résistance de la place, il livra l'assaut, démantela les murs et rasa en
partie la ville (1622).
Le petit fort que l'on voit sur une hauteur dominant la mer, tout près de Royan, fut élevé sous le
gouvernement impérial. Les
batteries, par leur feu croisé avec celles de la redoute qui était à la Pointede-Graves, défendaient
l'entrée de la rivière. Ce
fort est aujourd'hui hors de service.
Depuis bien des années les bains de mer de Royan sont très-fréquentés; les médecins les prescrivant,
ainsi que ceux de La Teste,
comme très-efficaces.
Les sardines, espèce d'anchois, abondent dans ces parages; elles remplacent, pour le commerce principal
de cet endroit, un
délicieux petit poisson, si renommé sous le nom de royan, que l'on péchait autrefois près de cette
ville, mais que l'on ne
trouve guère aujourd'hui que dans le voisinage du bassin d'Arcachon.
Selon la tradition, le rocher, sur lequel la tour est bâtie, faisait jadis partie de la terre ferme du
Médoc et se joignait à la
Pointe-de-Graves, qui se trouve aujourd'hui à près de 6 kilomètres de la tour; on prétend qu'en 1500, il
n'en était séparé, à
mer basse, que par un passage étroit et guéable; ce qui est croyable, quand on considère l'extrême
mobilité du sol sur la côte
du Médoc et la fureur de la mer dans ces lieux. [ Photo
]
Les auteurs ne sont pas d'accord sur l'époque de la première fondation de la tour (du phare); ils
varient même quant à
l'emplacement qu'elle a occupé primitivement. Baurein, qui, dans ses Variétés bordelaises, attribue le
premier phare aux
Sarrasins, fait remonter la construction à l'an 732 et croit que la dénomination de Cordouan peut
dériver de Cordoue, capitale
d'Andalousie, d'où ils étaient venus. 11 nous rappelle aussi que le cuir de Cordoue, dont les Sarrasins
faisaient le commerce,
s'appelait Cordouan.
D'autres écrivains ont attribué la fondation de la tour à Louis-le-Débonnaire, qui, selon eux, fit
construire en ce lieu une
tour, où des hommes donnaient constamment du cor pour avertir les navires. 11 y en a qui veulent que le
premier architecte se
soit appelé Cordou.
Ce qu'il y a de plus certain, c'est que l'on voit dans une charte de 1409, citée par Rymer, que le
célèbre Prince-Noir, en 1385,
avait fait construire, à l'embouchure de la Gironde et dans l'endroit le plus avancé dans la grande mer,
une tour et une chapelle
sous l'invocation de la Sainte-Vierge, avec des maisons et autres édifices et ce, pour pourvoir à la
conservation des navires, qui
couraient de grands risques au travers des écueils et des bancs de sable placés à l'entrée de cette
rivière. D'après Baurein,
cependant, le prince de Galles « le prince noir », qui ne fit que remplacer ue tour beaucoup plus
ancienne. [ Photo
]
En effet, on voit, d'après la même charte, que dans le lieu appelé Notre-Dame-de-Cordou, il résidait un
certain hermite, Geoffroy
de Lesparre, dont les prédécesseurs avaient été anciennement (
Enfin, après tant d'incertitudes, nous arrivons à des renseignements positifs. On lit dans la
Cette tour était d'une admirable architecture; elle offrait à l'extérieur et sur un plan circulaire, un
rez-de-chaussée; un
premier étage surmonté d'une voûte par assises, à recouvrement; un second étage voûté de la même
manière; et, enfin, une lanterne
en pierre, destinée à recevoir le feu du phare. [ Photo
]
Ce bel édifice se détériora promptement; le mur fut endommagé par les tempêtes, la tour fut rongée par
les météores et les
pierres de la lanterne furent calcinées par le feu, de sorte qu'en 1665, Louis XIV se vit obligé de
faire faire une réparation
générale. [ Photo
] [ Photo
]
En 1727, Louis XV fit substituer une lanterne en fer à l'ancienne en pierre et le charbon minéral au
bois. C'est aussi du règne
de Louis XV que date la belle chaussée en pierre [ Photo
] qui s'étend à une distance de 260 mètres de la tour, vers le lieu de débarquement.
Sous le règne de Louis XVI on agrandit les magasins, on répara le mur d'enceinte et l'on substitua à la
Le nouvel appareil, dû à M. Fresnel [ Photo
], fait sa révolution en 8 minutes et présente pendant cette durée 8 éclats et 8 éclipses.
Quatre hommes sont employés à veiller et à entretenir le fanal; leur service se fait en commun et par
quart la nuit. On leur
porte des vivres deux fois par an et assez pour six mois; car en hiver toute communication avec la terre
est interrompue et les
gardiens ne sont guère visités alors que par des naufragés, lorsqu'il en arrive de vivants. Telle est la
violence de la mer en
ces parages, que les vagues, quoique rompues par les écueils, s'élèvent contre la tour à une hauteur de
plus de 12 mètrès.
En 1777, dit M. Jouannet (auquel nous devons la plupart de ces renseignements), on a vu la lame saisir
un bloc de pierre de 2400
kilog, l'enlever, le transporter à la distance de 20 mètres et le lancer, à 2 mètres de hauteur, contre
le mur d'enceinte.
Durant les nuits orageuses de l'hiver, des volées innombrables d'oiseaux de passage, attirés de loin par
la vive clarté du feu,
viennent se heurter avec violence contre les vitraux épais du fanal et tombent morts, par centaines,
dans la galerie et au pied
de la tour.
Situé sur une petite île dans l’embouchure de la Gironde, Cordouan était associé à la monarchie
française et surtout aux Bourbons.
La décision de construire le phare avait été prise en 1582 par Henri III et un contrat signé avec
l’ingénieur Louis de Foix en 1584.
Henri IV donna ensuite d’importantes sommes pour la construction et un nouveau contrat fut signé en 1594
afin de réaliser un monument plus
magnifique encore. Complété en 1611, le phare de Cordouan était loin d’être un bâtiment purement
utilitaire : l’extérieur était embelli de
deux niveaux de pilastres et à l’intérieur se trouvait une chapelle voûtée au décor somptueux. Le phare
de Cordouan était considéré comme
un chef-d’oeuvre et figurait dans l’important ouvrage de Bernard Forest de Bélidor sur l’Architecture
hydraulique (1737-39).
La construction et le maintien du phare de Cordouan était sous la responsabilité des plus hauts échelons
de l’administration
française. Un arrêt du Conseil d’État du Roi du 21 avril 1726 indiquait ainsi que la lanterne en pierre,
démolie en 1717, serait
remplacée par un ouvrage en fer forgé pour que la lumière soit plus visible.
Le dimanche matin et souvent dans la semaine, un bateau à vapeur fait le trajet du Royan à la Tour de
Cordouan, qui est l'un des
plus beaux phares d'Europe.
Site officiel
France 3 - Le phare de Cordouan, le Versailles de la mer - 6 février 2017 - Durée 07:24
Direction la Gironde pour découvrir le Versailles de la mer, le phare de Cordouan. Ce monument du 17ème siècle est le plus ancien phare encore en activité. Il est majestueux au milieu des flots. Mais, le vent, la pluie et les tempêtes l’ont fragilisé. Il est aujourd’hui en pleine rénovation.
Au siècle dernier, de rares élégantes se payaient le luxe, fort dispendieux alors, d'aller pendant
plusieurs semaines, chaque année,
« tremper leur corps d’albâtre dans l'onde pleine d’amertume ». Le temps passa, et l’usage,
loin de se généraliser, se
perdit à peu près complètement. Ce n’est que vers 1820 qu’il fut repris, mais bien timidement d’abord,
et avec une sorte de réserve un
peu craintive. D'ailleurs, le mouvement des populations des villes vers les stations n’a commencé de se
manifester que dans les environs
de 1830, au moment où la bourgeoisie, reléguée à un plan bien inférieur par la nobiesse de Louis XVIII
et de Charles X qui prenait sa
revanche de 1793, a réclamé une place importante dans la gestion des affaires du pays.
A Bordeaux, avant l'avènement de Louis-Philippe, nous avons bien changé depuis ! on connaissait très peu
la villégiature. Les villes d’eau
n'existaient que pour les grandes familles, et encore n’y allaient-elles qu'à de rares moments et au
plus fort de la période caniculaire.
L’ouvrier aisé, le petit bourgeois avaient la campagne environnante, aux portes de la ville, et
trouvaient plus commode, et surtout plus
économique, de s’aller reposer pendant quinze jours sous les frais ombrages de Caudéran, du Bouscat, de
Talence, de Pessac ou de Bègles,
qui, malgré leur rapprochement, n'étaient pas encore quelque chose comme un faubourg de notre ville.
Cent personnes tout au plus par an, se déplaçaient pour visiter les stations peu fréquentées des
Pyrénées ou de la Normandie. C’est tout
juste si les plus intrépides touristes poussaient jusqu’à Trouville, ce coin riant et fleuri de la côte
normande, ou à Dieppe, ou encore
allaient assister, dans les arenas aux décors mauresques de Saint-Sébastien, à quelque combat de
taureaux sauvages. Les autres se
contentaient de Saint-Jean-de-Luz et des sites pittoresques du pays de Labourd, ou de Biarritz, qui
s’élend parmi les déchirures du golfe
de Gascogne. Un vieux Bordelais qui, chaque année, en juillet, faisait, en souvenir de je ne sais plus
quelle période douloureuse de son
existence, un pèlerinage à la Chambre d'amour, cette grotte en saillie, entre Biarritz et le refuge
d’Anglet, et où périrent, au temps de
la reine Berthe de François Villon, engloutis par les vagues, deux jeunes amants, deux pâtres
passionnément amoureux, et qui se nommaient,
si j'en crois la légende qu’on a mise en vers, Laorens et Saubade. Il restait là chaque fois, seul,
plusieurs heures en tête à tête
avec son passé, devant le grand spectacle de la mer sans bornes, jusqu’au moment où les vagues aux tons
d’argent roulaient leurs embruns à
ses pieds, l’obligeant à la retraite.
A cette époque, une Compagnie de bateaux faisait le transport des voyageurs pour le Médoc, Blaye et le
bas de la Charente-Inférieure.
Son ponton était situé en face des Quinconces, à peu près à la place qu'occupe le ponton si élégant de
la Compagnie Gironde-et-Garonne,
destination Royan, qu’allaient visiter à de rares intervalles quelques curieux explorateurs, tout un
voyage au long cours ! Du côté du
bassin d'Arcachon, c'était bien autre chose. Aucun moyen régulier de communication, de locomotion,
n’existait, ni voitures publiques,
ni omnibus, ni diligences, et les gens qui avaient à se rendre, non pas pour leur plaisir, grands dieux
! à Lège, Arès, Andernos, Taussat,
Lanton, Audenge, Gujan ou La Teste, en étaient réduits à grimper sur une charrette de bouvier ou à
effectuer le trajet à pied.
Dans ce dernier cas, on partait le matin, à l'aube, et on marchait tout le jour dans la lande inculte et
déserte. Parfois, cependant, tous
les quatre kilomètres, derrière une bicoque de misérable aspect, un petit groupe de bûcherons taillant
les sapins, ou de résiniers
parcourant les semis, animait le paysage qui bientôt reprenait son aspect de morne tristesse. Mais
Audenge était loin encore, et, le soir,
il fallait s’arrêter à la Croix-d’Hinx, dans la seule auberge ouverte alors et y passer la nuit. À deux
kilomètres au delà, perdue dans la
lande, une seule maison lézardée, branlante, mais hospitalière aux voyageurs fatigués de leur course
dans la lande : c'était la
« Maison de la Grêle », bien connue dans le pays. Et au delà encore, immédiatement après, un
grand bois sous lequel, disaient les peureux,
il ne faisait pas bon s’aventurer seul, au crépuscule. Puis, plus rien sur la route jusqu'à Audenge,
rien que la lande uniformément grise
et désolée.
Quinze ou vingt années plus tard, on parlait déjà des saisons aux bains de mer, et depuis la convention
du 27 septembre 1852, la Compagnie
de chemin de fer, qui desservait par Pessac les localités situées entre Bordeaux et La Teste, organisait
chaque dimanche des trains de
plaisir et transportait un nombre très respectable de voyageurs touristes. La gare de cette Compagnie
(la gare Ségur) s'élevait rue de
Pessac, à l’endroit qu’occupe, en face de la rue François-de-Sourdis, la caserne d’Aquitaine. L'entrée
de la gare était ménagée dans la
rotonde où a été construite la salle du conseil de guerre, et les bureaux se trouvaient un peu plus
loin.
Donc, le dimanche, les chasseurs en quête de la pièce à tirer, gibier d’eau et lièvres, lapins,
sangliers et chevreuils, et les Bordelais,
qui commençaient à comprendre qu’ils avaient à proximité de la ville des ressources hygiéniques et des
combinaisons climatériques
excellentes, prenaient le train, qui allait bien lentement, et partaient pour La Teste. La ville, bâtie
sur l'emplacement de la vieille
cité gauloise que les envahissements de l'Océan ont fait disparaître, était loin d’avoir l'importance
qu’elle possède aujourd'hui. Mais
elle était cependant plus peuplée qu’au XVe siècle, époque où, les chroniques nous
l’apprennent, La Teste comptait pour les
hoirs et les questaux du captal « quarante houstaus que bons que maubats ».
La Compagnie du chemin de fer prenait, moins généreuse que la Compagnie du Midi qui ne réclame que
trente-trois sous, et pour aller à
Arcachon encore ! près de trois francs par place de Bordeaux à La Teste, et les voyageurs ne manquaient
pas. La belle saison revenue,
chacun voulait prendre un vrai bain, et non plus dans une de ces étroites baignoires mises à la mode par
Vilette, qui, le premier, en 1819,
fit porter les bains à domicile, mais bien à l'aise, en liberté, en plein air, sous le soleil aux
chaudes caresses, parmi les varechs et
les algues grasses.
On arrivait à La Teste et on déjeunait rapidement. Puis les plus intrépides, ceux qui aimaient les
plages arides, désertes, ceux que
les longues trottes n’effrayaient pas, prenaient leurs jambes à leur cou et leur courage à deux mains,
et s’en allaient, poussant le long
de la route nationale qui borde le bassin, jusqu’à Arcachon, qui n'existait pas, ou si peu...
Tout le long du chemin se dressaient de ci de là des cabanes de pêcheurs, avec les filets qui séchaient
au soleil, et les barques prêtes
à prendre la mer. On regardait les pêcheurs lavant leurs leyrots (filets courants), leurs jagudes
(filets dormant paresseusement) ; les
loups, pour le mule, si difficiles à poser et à lever ; les sennes, les aumayades et les interminables
palets ou courtines, maniés par
des dizaines d'hommes robustes et forts.
On s’arrêtait un instant dans la petite chapelle qui se trouvait alors à l'extrémité de la future ville,
au bas des dunes : une grande
pièce carrée avec, au fond, un autel en bois à appliques de cuivre, surmonté de la noire statue de la
Vierge miraculeuse, aux pieds de
laquelle de rares chandelles achevaient de mourir. Tout autour, des béquilles, des bérets, des tableaux,
de petits navires, des ex-volo
de toutes les formes et de toutes les origines. C'était l’église paroissiale.
Au retour, on faisait une visite à l'hôtel Legallais, le
premier restaurant ouvert à Arcachon, et on se faisait servir une soupe aux poissons, particulièrement
des rousseaux exquis, arrosée d’un
clairet naturel, qui mettait l'alerte chanson aux lèvres pour tout le reste du jour.
Entre l'an 1200 et l'an 55o avant J-C, quelques milliers de Crétois quittèrent la Grèce, doublèrent les
colonnes d'Hercule, contour
nèrentla péninsule ibérique et vinrent débarquer dans le pays des Celtes, où ils se fixèrent. Ils
appelèrent le havre où ils avaient
trouvé un si précieux refuge: le Port des secours. Arkèséòn est le génitif pluriel d'Arkèsis, secours,
utilité. Aucun nom ne convenait
mieux au bassin d'Arcachon, le port utile et secourable par excellence, le seul que possède, sur une
ligne de 240 kilomètres, la côte
inhospitalière des golfes de Biscaye et de Gascogne.
Les géographies anciennes appellent le bassin d'Arcachon : Promontorium Arcassonium, ce qui
indique clairement que la vieille orthographe de ce nom était Arcasson, qu'on a prononcé plus
tard
Arcachon. C'est le verbe dorien Arcasson, au participe, qui veut dire littéralement : qui protège.
Primitivement on devait dire
« Liman arcasson », le port protecteur, le port où l'on est en sûreté. Puis « Liman » est
tombé, et
Arcasson est resté. »
Arcachon - Dès le XVIIIe siècle, le port des anciens Boïens, devenu pays de
Buch,
est désigné sur les portulans sous le nom d'Arcaixon ou Arcasson, dont l'étymologie celtique ou
ibère est encore à trouver.
La contrée ayant eu pendant tout le moyen àge le monopole de la production et du commerce de la résine,
le mot Arcanson, qui
désigne une des formes de ce produit, s'est maintenu jusqu'à nos jours comme nom d'origine.
Quelques dates
1796 - L'ingénieur Brémontier fixe quantité de dunes par des semis de pins.
1803 - Bonaparte donne 5o,ooo fr. à Nicolas Brémontier pour achever l'ensemencement des
lettes, bas fonds fertiles qui
séparent les dunes.
1804 - Bonaparte fait établir au Pilat le parc d'artillerie de La Boquette, avec, des
canons en face de la double passe du
Ferret et de Matoc.
1820 - L'Ile aux Oiseaux est déclarée domaine de l'État.
1824 - Le baron d'Haussez, préfet de la Gironde, fait exécuter la route de Bordeaux à
La Teste.
1831 - On achève la grande route de Bordeaux à La Teste.
1834 - On commence le canal du lac de Cazaux au bassin d'Arcachon.
1841 - Le 6 juillet, inauguration du chemin de fer de Bordeaux à La Teste.
1857 - Le 2 mai, Arcachon est érigé en commune par décret impérial. Du 23 mai au 11
septembre i865, M. Lamarque de Plaisance
est maire. Le 28 juin, première séance du Conseil municipal : éclairage au gazogène, service d'arrosage,
château-d'eau, emplacement du
cimetière, télégraphe. Le 26 juillet, premier train de La Teste à Arcachon.
1862 - Émile Pereire commence la ville d'hiver.
1866 - Construction du Grand-Hôtel. Société des régates d'Arcachon, président M.
Deganne. Villa Algérienne de M. Léon Lesca.
L'attirance des étrangers pour Arcachon
Le chemin de fer de Bordeaux et les réclames de M. Emile Péreire précipitent dans le bassin un torrent
de curieux qui se renouvelle
sans cesse, caron n’y reste pas longtemps en général ; c'est un va-et-vient continuel entre Bordeaux et
La Teste. La belle forét, le
parc réservé, les allées sablées, les chalets, le nouvel établissement, justifient la curiosité
publique.
Ce commentaire, apparaît, en 1863, dans la revue de monsieur V. VALLEIN, « VOYAGE A ROYAN, LA
TREMBLADE, MARENNES L/ILE POLERON,
BROUAGE », et il termine par ce souhait : « Cet engouement peut faire perdre momentanément
un assez bon nombre de baigneurs à
Royan ; mais je crois qu’il se calmera et que les Bordelais reviendront comme par le passé dans la
petite ville où affluent toujours
les habitans des deux Charentes, de la Vienne, de la Dordogne, de la Vendée, des Deux-Séyres,
etc. »
Jusqu'au commencement du siècle, Arcachon ne fut qu'un désert, la petite forêt d'Arcachon, abritant sous
ses ombrages la modeste
chapelle de Notre-Dame, fondée vers 1520 par Thomas
En 1823 François Legallais fonda un hôtel-établissement de bains pour loger les familles bordelaises qui
tentaient le long voyage du
Bassin ; peu après, était fondé l'établissement Lesca,au quartier du Mouëng.
1824 - Voyage du baron d'Haussez, préfet de la Gironde, qui décide l'exécution de la route de
Bordeaux à la Teste. De nombreuses
maisons commencent à se bâtir.
1841 - Ouverture du chemin de fer de la Teste, le 3ème de France.
1845 - Construction du débarcadère d'Eyrac et prolongement de la route.
1849 - Achèvement de la route jusqu'à la chapelle.
1854 - Erection de la chapelle en paroisse et rachat du droit d'usage de la forêt.
1856 - Le village, comptant 283 maisons et environ 400 habitants. sédentaires, est érigé en
commune sous le nom d'Arcachon,
avec un petit territoire délimité par la ligne droite joignant la pointe de l'Aiguillon à Moulleau.
1857 - Prolongement du chemin de fer jusqu'à Arcachon.
1863. Commencement des travaux de la ville d'hiver par la compagnie du Midi et Émile Péreire. A
dater de ce moment l'essor est donné.
Grand-Hôtel a été construit en 1865-1866 ; il est à regretter que les exigences de sa destination
spéciale n'aient pas permis de choisir
un style plus en conformité avec les élégantes villas qui l'entourent.
Dans l'ancienne chapelle, on vénère une Vierge miraculeuse (ancien pèlerinage des marins) entourée de
nombreux et curieux ex-voto.
La ville naissante, allait être lancé comme station. A la fin de l’année 1857, la gare, une gare
bien primitive et bien modeste,
était ouverte aux voyageurs. Pas de luxe encore, pas d’affaires, pas d'animation, sauf le dimanche. Ce
jour-là, par exemple, affluaient
avec les trains de plaisir des troupes de chanteurs ambulants, d’hercules, de bohémiens, de nomades, qui
ne perdaient pas leur journée
et réalisaient à la quête des recettes qui les étonnaient grandement.
La villa Péreire - Agrandir l'image
Déjà Émile Péreire, le fondateur véritable d'Arcachon, avait choisi l'emplacement où il comptait faire édifier sa villa, tout au haut de la cité nouvelle. Le regretté M. Deganne, à l'intelligente initiative de qui les Arcachonnais doivent aussi leur prospérité, allait donner son temps et son argent à la ville naissante. La population le secondait, construisant des chalets, créant la ville d'hiver. Des commerçants de Bordeaux, jusque-là en très petit nombre, s’y transportaient en été, de même que les industriels, le font encore de nos jours Nice l'hiver et Vichy l'été. Les grands hôtels, les restaurants, le Casino, le buffet chinois, aujourd’hui démoli, allaient étre inaugurés. Arcachon mondain était officiellement reconnu, consacré par l'Empire, comme Biarritz et comme plus tard Royan. Et on sait depuis quelle brillante, bruyante et incessante vogue a été la sienne. La si jolie cité, la si avenante station est aujourd’hui visitée et constamment habitée par les plus riches familles du monde entier. Toutes les célébrités du haut commerce, des arts, des lettres, des sciences, de l’industrie, de la politique la connaissent, l’aiment, ne l’oublient jamais, et s’efforcent, ce qui vaut mieux, de la revoir le plus souvent possible. est l’amie fidèle et sûre vers laquelle toujours on revient.
Le Belvédère est un point de vue auquel on accède par l'élégante passerelle Saint-Paul
(Gustave Eiffel - Paul Regnault) permet
d'embrasser d'un coup d'oeil le bassin d'un côté, et de l'autre l'étendue de la forêt sous laquelle
s'abritent mille villas.
Passerelle Saint-Paul - Agrandir l'image
Le Casino est un monument établi au centre d'un parc de quatre hectares, baigné des
parfums de fleurs exotiques, suspendu comme les jardins
de Sémiramis et d'une beauté capiteuse comme ceux d'Armide. Ce palais mauresque est un mélange de
l'Alhambra de Grenade et de la mosquée de
Cordoue. Son architecture rappelle Séville, Tolède, toute l'Andalousie. C'est le même fouillis, la même
profusion de dessins, la même
prodigalité d'ornements, la même richesse de coloris. On sent, à travers ces audaces caressées, dans ces
tons vivaces, bruyants, gais et
clairs, la fantaisie rêveuse de l'Orient. Le jaune bistré de Sienne, l'émeraude transparente, l'azur des
coupoles s'y mêlent aux blancheurs
suaves des aubes indécises et aux rouges pourprés d'un soleil vespéral.
Les ors et les vermillons qui parent cet édifice, les prismes des mosaïques, les imitations de stucs,
d'émaux musulmans et de faïences,
les incrustations en bois peint et doré, les légères colonnades, les balcons sculptés, les plafonds
vitreux couverts de dentelures ou de
versets du Coran, les décors arabes et sarrasins, les réseaux des archivoltes se jouent dans une
éblouissante gerbe de lumière. Dans le parc,
la salle d'Euterpe est le théâtre d'été. Une large terrasse découvre à l'oeil étonné le tableau d'une
ville coquette dans un nid de verdure,
avec ses toits bleus et ses pans de murs roses ; plus loin, le bassin bleu de cobalt, et par delà, les
dunes violettes ; tandis qu'en
échappée, l'oreille perçoit la voix de l'Océan, dont le bruit formidable est porté par les vents dans
les halliers et frondaisons de la
forêt profonde.
Le château Deganne, est une copie réduite du château de Boursault, propriété des
Mortemart. On raconte qu'il avait été offert
comme résidence à l'empereur Napoléon III, qui en demanda le prix. « Le plaisir et l'honneur de vous
l'offrir, sire », fut-il répondu.
« Alors, c'est trop cher ! » a repartit l'énigmatique souverain.
Chateau_Deganne - Agrandir l'image
Le Grand-Théâtre, situé sur l'avenue de la Gare, a été construit sur les ordres de M.
Deganne, par M. Ormières père. Commencé
en 1874, le 5 mars, il était inauguré le 4 août suivant. Il a 20 mètres de façade, 28 de profondeur, 11
d'élévation. Il a été inauguré
par Mlle Rousseil, de la Comédie française. Il contient 1.000 places : 128 fauteuils d'orchestre, 2
avant-scènes de 22 places, 241 parquets,
241 premières galeries. i4o loges de premières, 2 loges d'avant-scène à 22 places, 248 deuxièmes
galeries, 2 loges de troisièmes à 22 places.
Il a coûté 100.000 francs de construction.
Grand Théâtre - Agrandir l'image
L'église Notre-Dame, desservie par les Oblats de Marie, est un monument de style
ogival, construit auprès d'un très ancien sanctuaire
qui renferme une statue miraculeuse de la Vierge. On y remarque des ex-voto, des fresques peintes par
Alaux, des vitraux de Villiet et un
tableau de l'école espagnole représentant les deux saintes protectrices de Séville.
L'École Saint-Elme est un collège tenu par les Dominicains. Des jeunes gens de grandes
familles y viennent chercher, en même temps
que les bienfaits de l'instruction et de l'éducation, les avantages d'un climat exceptionnellement doux
et fortifiant. On y voit des cours
spacieuses, ouvertes de tous côtés au grand air et au soleil ; de vastes bâtiments spécialement
construits pour leur destination ; un
dortoir en forme d'intérieur de vaisseau, disposé avec ses cabines ; des salles d'étude éclairées à
l'électricité. Comme annexes, un manège,
un gymnase, une salle de bains et d'hydrothérapie, une salle d'escrime. La chapelle, de style roman, est
bâtie dans de belles proportions.
Le directeur est le P. Ligonnet.
Le Grand-Hôtel est un établissement de proportions grandioses. On y accède par un
escalier monumental. Le rez-de-chaussée est d'une
ampleur très rare. Il comprend un hall, un salon de restaurant, un salon des dames, un jardin d'hiver
avec galerie vitrée et une vaste
terrasse avançant sur le bassin et reliée à un jardin qui donne sur le bord de la mer.
Grand_Hotel - Agrandir l'image
Les Pêcheries de l'Océan sont un vaste marché alimenté de poissons par des bateaux à vapeur, qui chaque jour vont au large. Rien de plus intéressant que de voir le déchargement de ces bateaux, quand ils reviennent de la mer. Une installation de viviers renferme aussi des huîtres de choix. Cet établissementest situé au quartier de l'Aiguillon.
1488-1691 - Un des plus anciens Captaux de Buch, Pierre de Bordeaux, seigneur de
Puy-paulin et de Castelnau en Médoc, avait
fondé, en 1247, dans cette ville de Bordeaux dont il portait le nom, un couvent de Cordeliers de la
grande observance de saint François
d'Assise.
Environ deux cents ans plus tard, vers la fin du quinzième siècle, un religieux de cet ordre, le frère
Thomas
Doué d'un zèle ardent et d'une grande puissance d'élocution,
De la cabane de chaume qu'il habitait, vis à vis l'entrée du Bassin, le frère Thomas aperçut un jour,
pendant la plus affreuse
tempête, deux pauvres navires, que la violence des vents et de la mer allait jeter sur la côte
inhospitalière de l'Océan, où leur
perte était assurée. A la vue de ce naufrage imminent, le pieux Cordelier s'élance hors de sa demeure,
il tombe à genoux, trace
du doigt sur le sable le signe de la croix, et adresse au Dieu des miséricordes, par l'intermédiaire de
Marie, une ardente prière.
Soudain, chose non jamais vue, dit la chronique, les vents et la mer s'apaisent, la tempête cesse, et
les deux navires, gagnant
paisiblement le large, continuent leur route sans danger.
Peu de jours après, sur le lieu même où il avait obtenu cette miraculeuse délivrance, le vénérable
ermite trouvait, à demi
couverte par les sables de la plage, une petite statue de la Vierge. Les dégradations qu'a subies cette
sainte image indiquent
assez qu'elle a été longtemps ballottée par les flots, et qu'elle provient d'un naufrage. Sculptée dans
un bloc d'albâtre, elle
a cinquante centimètres de hauteur ; la Mère de Dieu est représentée assise, tenant l'Enfant Jésus sur
son bras droit, et drapée
dans un manteau oriental qui ne laisse apercevoir que l'extrémité de ses pieds. Par sa forme plate et
les divers détails de son
exécution, cette statue parait dater du treizième siècle. Le frère Thomas la recueille avec un saint
respect ; il la transporte
dans sa chaumière, et bientôt, à un kilomètre environ au sud-ouest du lieu où se trouve aujourd'hui la
Chapelle, il élève, en
l'année 1488, un Oratoire en bois, qu'il dédie à Notre-Dame d'Arcachon, et dans lequel il place la
statue de l'Étoile des mers, si
miraculeusement trouvée sur la côte.
Objet de la vénération des marins du littoral, cet humble Oratoire reçut leurs modestes offrandes. Il
excita alors la convoitise
de quelques pirates, qui, profitant de l'absence de l'ermite, vinrent piller la Chapelle ; mais, à peine
eurent ils levé l'ancre
pour franchir la barre, qu'ils touchèrent sur un banc de sable, et, quoique le temps fût calme et
serein, ils périrent corps et
biens, en vue du lieu qu'ils avaient osé profaner.
Cet événementremarquable, qui fit, dans le pays, une profonde sensation, rendit plus vive encore la foi
des habitants de la contrée,
et donna un nouvel essor à leur dévotion envers Notre-Dame d'Arcachon.
Carte de Royan - Agrandir l'image
Royan, la terre qu’aimaient le doux poète Ausone et le gai seigneur de Brantôme, s’est surtout développé et a pris de l'importance depuis 1832. Un charmant poète, Victor Billaud, qui vient de publier sur Royan un volume fort intéressant, donne sur sa ville des détails qui viennent corroborer les renseignements. Sous Louis XVIII, Royau couvrait l’espace compris entre la rue Foncillon, le square et la place du Port, ni plus ni moins. Puis, la ville prenant de l'extension, on construisit, pour abriter le port, une jetée de 110 mètres, terminée par Napoléon en 1810. Les navires de petit jaugeage pouvaient y trouver accès, mais le commerce, les affaires n’y prenaient pas une grande extension. En 1830, Royan comptait à peine 7.000 âmes, et il y avait loin de cette petite ville à l’élégante station qui aujourd’hui se déroule autour de la Grande-Conche, du port, de Foncillon et de Pontaillac, en un merveilleux panorama.
Avec ses forêts de pins et de chênes verdoyants, ses sites pittoresques, ses paysages aux riantes
tonalités sous la clarté estivale,
Royan devait attirer et retenir les touristes et les baigneurs. C’est ce que comprirent les
municipalités qui se succédèrentà la téte
de la ville, et l'ingénieur Louis Botton qui construisit le vieux Casino. Sous l’impulsion de cet homme
de talent, a dit Eugène Pelletan,
une métamorphose s'accomplit en moins de dix ans, et cela fit la fortune de la jolie ville.
Mais Royan est loin de Bordeaux. Une Compagnie de bateaux, en plus de la batellerie particulière, le
desservait, le reliait à Bordeaux
par des départs quotidiens. C'était une Société composée de membres du haut commerce de notre ville,
parmi lesquels figuraient, il y a
trente-cinq ans, MM. Johnston, Guestier et Fourcade. A ce moment-là, un homme bien connu à Bordeaux, un
hardi, un réformateur, M. Dumeau,
le futur directeur de la Compagnie Gironde-et-Garonne, établit une concurrence qui devait amener la
chute de la Compagnie existante.
M. Dumeau avait loué, pour y effectuer un départ chaque jour, le ponton des Quinconces, appartenant à la
Compagnie qu’il voulait
concurrencer, qu'il jurait, en vrai marin, de couler, et cette dernière s’était livrée de fort bonne
grâce à la combinaison, ne se
doutant pas que ce petit homme, qui n’avait l'air de rien, mais qui avait pour lui la suite dans l’idée
et la ténacité dans la volonté
et la conviction, pût lui porter un coup fatal.
Il arriva cependant ceci: c’est que M. Dumeau, avec une flottille de bateaux qui était peut-être
inférieure en nombre à celle de la
Compagnie, organisa le dimanche des trains de plaisir pour Royan, qui tous les jours prenait une plus
grande importance. M. Dumeau faisait
payer cinq francs et trois francs pour le voyage aller et retour. L’affluence des baigneurs était très
grande sur ses bateaux, si grande
que la Compagnie, qui jusque-là avait manifesté à l'égard du nouveau venu la plus sereine indifférence,
fut piquée au jeu et résolut de le
tuer, commercialement. Elle organisa à son tour des services de plaisir et mit les places à dix sous. Eh
bien ! le croirait-on ? Personne
n’en voulut, et on continua de prendre les bateaux de M. Dumeau, qui bientôt asseyait sa gloire
naissante et désormais inattaquable sur les
débris de la Compagnie disparue !
Cependant, la foule joyeuse s’abattait tous les ans sur la plage charentaise. Quand l'été semblait avoir
devancé le calendrier, on avait
préparé des robes charmantes en mousseline, en batiste, en crépon, en foulards de teintes claires. On ne
portait pas encore les grands
chapeaux de paille, les ombrelles transparentes faites d’un nuage de mousseline, de soie, de tulle point
d'esprit tuyauté ou gaufré, ou de
crêpe lisse. Mais on arborait de charmantes petites toilettes de plage ou de casino, coquettes dans la
simplicité des combinaisons dues au
goût de la confectionneuse, des costumes marins en toile ou en flanelle, et des ombrelles en surah
glacé, des en-cas en satinette, des
parasols en taffetas. O Mimi ! ô Musette !.. Combien vous les avez changées, comtesse, et à
leur désavantage !
Et ce que l’on était heureux d’aller passer quinze jours à Royan, de danser le soir, après le bain, dans
les sauteries intimes, sous les
marquises et les vérandas pleines du parfum des vagues et des pins que la brise agitait ; de courir par
les avenues toutes droites dans
leurs bordures de peupliers ; par les bois, les ravins, les vallées, les salines et les claires. On
visitait tous les environs pendant
qu'on y était. On partait pour deux, trois jours en excursion sur l’une ou l'autre rive : Vallières,
Petite-Grange, Bélmont, Maison-Fort,
la Potence, Chaban, Châtelard, Suzac, Saint-Georges, Talmont, Meschers, Médic, Rigaudières, Sablonceaux,
la tour de Cordouan, trois fois
centenaire, avec ses trois cent vingt-six marches, dont le phare domine l'étendue, semblable au gardien
vigilant, que rien ne lasse, que
le sommeil ne surprend pas ; La Coubre, Verdon et Soulac, avec la vieille abbaye de Sainte-Véronique et
de Saint-Martial, l'apôtre de
l’Aquitaine, Soulac qui n’était pas encore la belle et sauvage station que nous connaissons, baignée par
l'Océan, dont la fureur ne connait
pas dé digue.
Il _m’a semblé qu’on a poussé un peu loin, a Royan, la manie de la réglementation. Autrefois les hommes
ayaient des plages a eux où
ils se baignaient en toute liberté de costume ; aujourd'hui il y a partout des cabanes, des surveillants
et des vétemens de laine
assez incommodes pour les nageurs : A Foncillon, on lit sur un poteau : Bain des dames ; défense aux
hommes d’y paraitre et de
stationner aux abords. Autrefois, les hommes passaient sur la plage pour aller au Chai ou à Pontaillac
par les rochers, c’était une
promenade qui plaisait a plus d’un. Les dames ne s’en scandalisaient point, car elles étaient vétues des
pieds à la téte, et j'ai
remarqué que, depuis la défense aux hommes d’y paraitre, il s'y haigne beaucoup moins de femmes.
Elles vont 4 Pontaillac, ot: hommes et femmes se baignent péle-méle en costume de laine, comme dans la
grande conche. Celle du Chai,
où les hommes seuls allaient, a maintenant ses cabines et ses vétemens de laine pour les deux sexes.
Pontaillac a toujours la vogue. La route qui passe derrière le Casino ne suffisait plus a la circulation
des voilures. On en a
construit une autre pour le retour, entre la premiére et la mer. Les cabanes sont innombrables a
Pontaillac. Les chalets ont pullulé.
Derriére, dans les dunes plantées de pins, on a établi des montagnes russes, des gymnases, des
escarpolettes, des jeux de toutes sortes.
Il y a un bassin avec des joutes nautiques. Je ne sais si l'entrepreneur fait ses frais, mais je n’y ai
jamais vu beancoup de monde. Le
jardin du Casino est encore le lieu le plus agréable de Royan. Tous les soirs la foule remplit ses
jolies allées et les salles de
l'établissement. Mais, ce qui me surprend, c’est qu’on ne danse plus, ou si peu, si peu, que ce n'est
pas la peine d’en parler.
L’excellent orchestre de Marx joue vainement ses quadrilles, ses valses, ses polkas, ses scotischs ou
ses mazurques les plus entrainants,
les dames et les demoiselles, pressées sur les gradins à rangs épais, se regardent entre elles, et la
soirée se passe ainsi. Quelquefois,
vers onze heures, deux ou quatre couples se risquent ; on les suit des yeux, mais on ne les imite pas.
Voila comme on s’amuse aux bals du
Casino.
Entre le Soulac d'aujourd'hui et le rocher de Cordouan florissait encore au VIe> siècle une
vieille cité romaine du nom de Noviomagus. Ausone en a chanté les splendeurs.
Ville maritime importante, Noviomagus abritait dans son vaste port des flottes entières, et des navires
venus pour trafiquer de tous les points du monde connu. Deux voies romaines la mettaient en
communication,l'une avec Bordeaux, et l'autre avec Bayonne. Cette dernière, dont on retrouve à chaque
pas les traces,le long de la côte, est encore désignée dans le pays sous le nom de Camin
Roumiou.
On ne peut préciser la date de la ruine de Noviomagus qui fut amenée, tout porte à le croire, par un
affaissement subit du sol. Sur les points qui surnagèrent s'édifia une autre ville avec un port plus
resserré que celui de l'ancienne cité. Ce fut là que l'invasion normande débarqua la majeure partie des
troupes qui, remontant le cours de la Garonne, allèrent jusqu'à Toulouse ravager les riches contrées
qu'arrose ce fleuve. Plus tard les rois et capitaines anglais se rendant en Aquitaine, abordaient
d'habitude au port de Soulac. Un des points de la côte où descendit au XVe> siècle, le
célèbre Talbot est encore appelé l'anse de l'Anglot. Enfin, Dom Devienne raconte qu'à l'époque
de nos sanglantes guerres de religion, en 1562, Jean de Favas, seigneur de Gastets-en-Dorthes,
l'un des chefs illustres des réformés rochelais, mouilla dans le port de Soulac où il débarqua avec
soldats et canons.
Mais de jour en jour le port tendait à devenir un simple refuge ; car la lame rongeait les rocs sur
lesquels il s'appuyait, minait le sol. où s'étayait la ville reconstruite. Il semblait que la mer eût
juré la mort de ce malheureux pays. A chaque minute elle entraînait quelque parcelle de pierre ou de
terrain. Fuyant devant ses ravages, Soulac lui abandonnait son port. Inutile sacrifice ! Rien ne devait
arrêter le courroux de la mer; lorsqu'elle ne put atteindre la fugitive de ses vagues, elle entassa sur
ses bords des montagnes de sable, puis appelant à son aide la complicité des vents, elle ensevelit sous
la dune ce qu'elle n'avait pu engloutir sous les eaux.
Ce faisant, la mer se creusait un canal qui allait isoler Cordouan du reste de la terre. On ne put
bientôt arriver à ce rocher qu'en marée basse ; puis le bras de mer ainsi formé, tout en s'élargissant,
s'approfondit de plus en plus et constitua ce qu'on appelle la Passe du Sud, où les vaisseaux qui
sortent aujourd'hui du port de Bordeaux pour se diriger vers les régions méridionales voguent librement,
sur les eaux mêmes qui recouvrent Noviomagus.
Une ville naissante, station balnéaire pleine d'avenir, s'élève à son tour, tout à côté, au-dessus de la
plage des Olives, sur la dune immobilisée par les plantations forestières. D'un abord difficile par le
manque de voie, il y a quelques années, elle attirait néanmoins bon nombre de baigneurs; aujourd'hui
qu'elle possède une gare, elle prend un développement rapide.
La plupart des constructions, faites à la hâte, affectent généralement la forme de chalets : chalets
néogrecs, turcs, anglais, chalets Renaissance, chalets Louis XIII. On en rencontre cependant
quelques-unes qu'il serait difficile de rattacher à un genre classé, et qui semblent résulter d'une
conception plus fantaisiste qu'architecturale. Au milieu de toutes ces variétés d'habitations, ce dédain
des règles de l'art peut faire sourire, mais ne choque jamais.
Une voie principale, coupant quelques rues plus étroites, conduit à la plage en partant de l'église.
L'antique basilique de Soulac, Notre-Dame de la fin des terres, Sancta Maria de finibus terræ, mérite
une mention spéciale.
Longtemps,bien longtemps, elle est restée ensevelie sous les dunes. Seule, l'extrémité de son clocher
surmonté d'une balise, trouant le suaire de sable, indiquait la place ou gisait la morte. La haute vague
solide dont le sommet l'avait ainsi recouverte, s'avançant tous les jours, sous le souffle éternel des
vents, devait la quitter peu à peu et à un moment donné, la restituer à la lumière. L'heure de la
résurrection sonnait. Quelques hommes intelligents et hardis comprirent l'oeuvre commencée par la
nature, et, joignant leurs efforts à ceux de cet impassible et puissant auxiliaire, exhumèrent presque
entièrement ses restes vénérables. A l'abri d'un nouveau et semblable danger, car là dune est
aujourd'hui fixée par les plantations de pins, on achève, avec autant de soin que de goût, la
restauration de ce monument.
L'église de Soulac date de la fin du Xe> siècle. Sur l'emplacement où nous apparaît
aujourd'hui cet édifice, dont la base est encore enfouie dans les sables, une chapelle avait été érigée
au IXe> siècle, en commémoration de la fuite des Normands. Cette dernière, s'il faut en
croire la tradition, reposait elle même sur les fondements de l'église primitive qui fut construite par
sainte Véronique.
De charmantes légendes indiquent que la Dame de Bazas, revenant de son voyage à Jérusalem, fut
rejetée sur la côte du Pas de Graves avec le navire qui la portait. De concert avec saint Martial qui
l'avait accompagnée depuis Rome, et pour remercier la Vierge de l'avoir protégée contre la persécution
des hommes, et de l'avoir soustraite à la rage des flots, elle fonda la première église, Notre-Dame de
la Fin des Terres, où elle fit jaillir une source d'eau douce, et déposa diverses reliques, entre autres
un vase contenant quelques gouttes de lait du sein virginal de Marie. C'est à cet unique et précieux
dépôt que Soulac devrait son nom (solum lac le lait de la Vierge).
Sur l'un des piliers de soutènement de la coupole, on trouve l'inscription suivante qui consacre le fait
de l'ancienne existence d'une source:
« Icy estait la fontaine en dedans de l'église, iouxte le pilier.
Les divers remblais en firent
un puits, et il n'y avait d'eau doulce ès aultres endroits, parce que la mer salée estait proche.
»
D'autres indications précises, écrites en grosses lettres, permettent de suivre rapidement et avec intérêt, l'affectation des diverses parties de lavieille église, et les modifications qu'elle a subies. Sur le mur de gauche :
« Icy estait la porte du claustre »
Sur le mur de droite où l'on aperçoit se détachant presque en relief sur une maçonnerie récente la voûte d'une ancienne porte :
« Ceste icy est la vieille porte des Fidelles, murée lors des remblais vers le XIVe siècle »
En entrant, et après avoir descendu un certain nombre de marches pour arriver au sol, celle-ci, en langage moderne :
« Le sol intérieur actuel marque à peu près le niveau des remblais du XIVe siècle, lesquels étaient déjà supérieurs de 3m 20 au sol primitif. »:
Sol est bien dit, car on marche sur le sable fin jusqu'au choeur. L'église, vue d'ensemble est
d'architecture romane, au corps principal sont adossées deux chapelles latérales. Ça et là, quelques
détails portant le cachet gothique ; De remarquables bas-reliefs s'étalent sur les énormes piliers qui
soutiennent la voûte de la nef. Ils dénotent le talent réel et l'imagination fantastique de l'artiste.
Les uns traduisent naïvement des scènes bibliques ; d'autres symbolisent, par des allégories bizarres,
ou par de véritables rébus sculptés, toutes les horreurs d'une sombre époque : appétits insatiables,
passions effrénées, vices innommés des puissants, à côté des souffrances imméritées du faible, des
révoltes légitimes de la victime, de la morne résignation du captif, de la lutte impuissante et terrible
de l'opprimé.
Du fond du tableau, à travers d'épaisses ténèbres, jaillit parfois comme une lueur : c'est la
délivrance, c'est le triomphe de la vérité. Au moyen-âge, ne pouvant être écrites dans les livres, les
protestations de l'âme humaine se gravèrent dans la pierre.
Objet jadis d'un culte tout particulier, l'église, où se trouve encore le tombeau de sainte Véronique,
attirait les fidèles de tous les coins de la France, et même de l'étranger. Depuis sa réapparition au
grand jour, elle vient, non pas de reconquérir, mais plutôt d'agrandir sa vieille réputation.
Grâce à l'établissement de routes et de voies ferrées qui ont singulièrement aplani les difficultés du
chemin, des pèlerins, moins méritants peut-être mais plus nombreux que ceux des temps passés, vont tous
les jours adresser leurs voeux à Notre-Dame de la Fin des Terres.
Quelques Bénédictins qui desservent l'église de Soulac sont en train de faire construire à quelques
mètres en arrière, sur la hauteur, un magnifique monastère. Les travaux déjà faits permettent de prévoir
qu'avant peu Soulac comptera un monument de plus.
En attendant, les bons Pères habitent un vaste chalet dont l'extérieur gracieux semble fait pour
provoquer les regards, et pour rassurer du même coup les coeurs les plus rebelles. A côté de cette
demeure monacale si peu sévère, on voit une magnifique construction ; le grand Hôtel de la Paix, vrai
palais, où l'on trouve de somptueux salons et une bonne table. Des chambres toujours bien garnies, mais
à des prix fort différents, ouvrent au grand seigneur comme au simple touriste leurs portes
hospitalières.
D'autres bons hôtels existent à Soulac ; tout d'abord l'hôtel Fontétes orné d'une terrasse d'où l'on
peut jouir tout à son aise de la vue de la mer, puis l'hôtel du Grand-Océan où est placé le bureau
télégraphique et, enfin, l'Hôtel de France qui, construit de l'an dernier seulement, promet de ne le
céder en rien à ses devanciers.
Sans parler de divers restaurants et cafés qui fournissent d'excellentes consommations, les baigneurs
ont la ressource d'aller entendre de la bonne musique au jardin Monteil. Ajoutons que pour leur
agrément, un journal hebdomadaire fondé, croyons-nous, par l'initiative de quelques admirateurs de
Soulac, les tient au courant de la chronique locale, et fournit notamment dans chaque numéro la liste
des nouveaux venus.
Mais ce qui donne à cette petite station son plus grand attrait, c'est sa forêt et sa plage. La forêt
établie sur les dunes, pour arrêter leur marche envahissante enveloppe Soulac d'une ceinture de vert
feuillage que vient boucler le vieil Océan lui-même.
La plage est immense ; dans le plan de Soulac, on la désigne sous le nom de plage sans rivale. Cette
appellation que l'on pourrait croire exagérée se trouve parfaitement justifiée. Sur le sable qui la
compose en entier, on marche, on marche, sans en voir jamais la fin.
De loin en loin sur ce long ruban doré, on aperçoit, quand la mer est basse, quelques points formant une
dépression insensible à l'oeil, mais réelle, puisque l'eau y restée. Sortes d'étangs dont la plus grande
profondeur ne dépasse pas 50 centimètres, mais dont l'étendue est parfois considérable, ces petits lacs
d'eau salée sont connus dans le pays sous le nom de Baïnes ; chauffée par le soleil, l'eau
qu'ils contiennent atteint rapidement une température assez élevée. La baïne constitue donc une piscine
naturelle et parfaite, à ciel ouvert, où les enfants et, les femmes délicates peuvent prendre leurs
bains, avec d'autant plus de plaisir et de tranquillité, que l'eau en est toujours limpide, et qu'on n'y
rencontre jamais ni algues ni crabes dont la présence, si commune ailleurs, suffirait à elle seule pour
dégoûter des bains de mer.
Quel panorama hors proportions nous montre cette plage admirable, en présence d'une mer dont l'horizon
est sans fin, et qui change elle-même d'aspect à chaque instant ! C'est le soir surtout que le coup
d'oeil est vraiment féerique. Sous les pas du promeneur, le sable phosphorescent projette des gerbes
étincelantes ; la mer gronde, hurle et glapit en roulant d'énormes vagues dont les dernières ondulations
viennent expirer sur la plage qu'elles brodent de larges et blancs festons; en face, Cordouan,
majestueux fantôme, promène autour de lui son mobile flambeau, tandis qu'au loin les phares de
Saint-Nicolas, de la Pointe, de Royan, de Pontaillac et de la Goubre se joignent à lui pour éclairer, du
reflet éclatant et varié de leurs feux, l'immense et mouvant tableau.
L'air qu'on respire à Soulac est toujours pur. Rafraîchi par la brise d'ouest, il n'a pas cette
sécheresse que l'on reproche justement à celui des stations situées aux bords de la Méditerranée. Ce
n'est pas à dire qu'il soit humide. La quantité relativement faible de vapeur d'eau qu'on y trouve n'a
d'autre source que l'Océan lui-même. Le sol, en raison de sa nature sableuse, absorbant l'eau de pluie à
mesure qu'elle tombe, ne fournit rien à l'évaporation. Aussi l'hygromètre ne donne que des variations
légères. On peut même dire qu'il n'y pleut presque jamais. Durant l'humide été , que de touristes, après
avoir quitté Bordeaux par une pluie battante, sont arrivés avec le train de
La température, comme sur la plupart des côtes, présente, elle aussi, beaucoup d'uniformité. Il n'existe
pas encore dans l'intérieur de Soulac d'établissement de bains spécial. Il semble que le besoin ne s'en
soit pas fait sentir tant la plage offre de ressources. En effet, après les piscines naturelles, et les
bains de sable dont il sera toujours, ici, facile et agréable de se permettre l'usage, on trouve une
installation de cabines qui ne laissent rien à désirer. Construites en bois, elles mettent le baigneur à
l'abri de la pluie et des rayons du soleil.
L'indispensable bain de pied chaud n'y fait jamais défaut. Enfin on peut y prendre à volonté des bains
d'eau douce et des bains d'eau de mer chauds, avec ou sans addition médicamenteuse. La saison ne s'ouvre
à Soulac guère avant le 15 juin, mais elle se prolonge jusqu'à la fin deseptembre.
RAPPORT DE M. DESCHAMPS
SUR LE BATEAU A VAPEUR DE M. CHURCH
M. ÉDOUARD HARLÉ
BORDEAUX
IMPRIMERIES GOUNOUILHOU
1914
Messieurs,
M. Church, consul des États-Unis dans les ports de Brest, Lorient, etc., a obtenu du Roi un brevet
d'importation en France d'une
machine connue en Angleterre et en Amérique sous le nom de steimbott, ou Bateau mu par la force de l'eau
réduite en vapeur. Par le
brevet qui lui a été accordé, M. le Consul américain doit appliquer l'emploi de celte machine à la
Gironde, la Garonne et la Dordogne.
Les différentes pièces du mécanisme, exécutées en Angleterre, viennent d'être montées et adaptées à une
embarcation d'une forme
commode et élégante, construite par M. Chaigneau, dans ses chantiers de Lormont.
Avant de la mettre à l'usage du public pour remplir sa destination qui est de servir au transport des
voyageurs, des marchandises,
et suivant les circonstances à la remorque d'autres bateaux, afin de rendre leur marche autant que
possible indépendante des vents
et des marées, M. Church s'est adressé à M. le comte de Tournon, préfet de la Gironde, pour le prier
d'en faire faire l'examen.
Cette demande ayant été accueillie pàr M. le Préfet, ce magistrat, a invité la Société Royale des
Sciences et Arts de Bordeaux de
lui donner son avis sur le bateau à vapeur de M. Church.
Après avoir visité à diverses reprises, et examiné attentivement ce bateau et la machine à vapeur qui
lui imprime le mouvement, les
membres de la Commission nommée par la Société ont dresse le Rapport que nous lui soumettons.
Personne n'ignore que l'emploi de la force tirée de l'eau réduite en vapeur est maintenant fort répandu,
et qu'on l'applique
particulièrement en Angleterre, en Amérique, et dans les différentes parties du nord de l'Europe, à un
très grand nombre d'usages,
dans les manufactures, les arsenaux, les grands chantiers de construction, l'exploitation des mines,
ainsi qu'à la navigation des
rivières, etc., etc.
Cependant les pays méridionaux, au moins que nous sachions, n'ont encore que très peu participé aux
bienfaits de cette précieuse
découverte, qui parmi les inventions modernes est sans contredit celle qui fait le plus d'honneur à
l'esprit humain. C'est donc déjà
une première obligation que nous devons à M. Church d'avoir songé à l'introduire dans ce pays.
Il serait très peu séant sans doute de placer ici une dissertation sur les machines à vapeur. Les écrits
des savants et les recueils
des Sociétés qui s'occupent des recherches relatives aux arts referment tout ce que l'on peut désirer
sur cette matière. Quoique par
cette raison nous devions nous dispenser de vous exposer tous les détails curieux que renferme la
machine importée chez nous par M.
Church, nous avons pensé néanmoins qu'une description très succincte pouvait sans inconvénients précéder
les considérations sur
lesquelles la Société est plus spécialement consultée par M. le Préfet.
DESCRIPTION ABRÉGÉE DU MÉCANISME.
La machine à vapeur que M. Church a appliquée à son bateau, est de celles connues sous le nom de
Walt et Bolton, très habiles
mécaniciens, qui après l'avoir porté à un haut degré de perfection, ont formé à Soho, près de
Birminghem, le plus grand établissement
en ce genre qui existe en Angleterre pour la construction de ces machines de toutes forces et
dimensions. Elle est de celles qu'on
appelle à basse pression et à double effet, c'est-à-dire, que celui de la vapeur ne cesse pas un instant
d'agir dès que le mécanisme
est mis en mouvement, et que sa pression, par des motifs dont nous aurons occasion de parler, est peu
au-dessus de celle produite par
le poids de l'atmosphère.
En employant l'unité en usage pour exprimer la force de ces sortes de machines, celle de M. Church est
de 28 à 30 chevaux.
L'eau tirée naturellement de la rivière par l'immersion du bateau, et convenablement dosée à l'aide d'un
régulateur, est portée par
la plus petite des deux pompes dont la machine est pourvue, aux chaudières dans lesquelles l'eau se
vaporise pour devenir le moteur.
Celle-ci introduite dans un premier récipient très ingénieusement conçu, et dont nous regrettons de
n'avoir pas le loisir de vous
faire la description détaillée, se distribue alternativement par la partie supérieure et inférieure du
principal cilindre, dans lequel
joue verticalement le piston qui imprime le jeu à toutes les autres pièces du mécanisme.
Ce piston au moyen d'une disposition qui transforme le mouvement rectiligne alternatif en mouvement
circulaire continu, et d'un volant
destiné à le régulariser, fait tourner plus ou moins rapidement les axes auxquels sont fixés les ailes
ou aubes, qui remplissant l'office
de rames, font cheminer le bateau.
C'est véritablement avec peine, nous le répétons, que nous nous voyons obligés de passer aussi
rapidement sur une infinité de choses
singulièrement piquantes, que nous n'avons pu nous lasser d'admirer dans cette belle machine, mais que
le discours rendrait toujours d'une
manière très imparfaite, quelque développement que nous entreprissions de donner à nos explications.
L'extrême politesse de M. Church ne
nous fait pas douter qu'il ne veuille bien les faire connaître lui-même aux personnes qui désireraient
s'en instruire d'une manière plus
particulière. Ainsi nous nous bornerons à indiquer les objets ci-après, comme les plus importants à bien
examiner :
La forme et les dimensions des chaudières, leur disposition et les précautions prises pour isoler le feu
de la charpente du bâtiment, et
tirer le meilleur parti du combustible ; les robinets pour s'assurer à.chaque instant de la hauteur à
laquelle se trouve l'eau en évaporation ;
La partie de la machine que M. Church appelle le dévalve, dans laquelle la vapeur est
reçue pour de là passer
dans le grand cylindre où joue le piston ;
Le valet qui sert à transmettre le mouvement de ce piston aux deux pompes, dont nous avons déjà parlé, à
l'axe sur lequel sont portés les
volants et les roues à aubes ou à rames, qui font cheminer le bateau et le moyen de ralentir, changer ou
arrêter ce mouvement suivant les
circonstances ;
Le condenseur dans lequel la vapeur, après avoir produit son effet, est condensée par le refroidissement
et convertie en eau, en préservant
en même tems le cilindre de participer à ce refroidissement ;
Les deux pompes dont l'une porte l'eau aux chaudières, et l'autre dégage le condenseur de l'excès de
l'eau inutile à la dépense de la machine ;
Les soupapes de sûreté pour prévenir les accidents, et l'instrument qui sert à mesurer l'état
d'expansion de la vapeur.
Mais ce que nous ne pouvons trop recommander à l'attention des mécaniciens, est le moyen singulièrement
ingénieux à l'aide duquel on est
parvenu à maintenir constamment les aubes ou rames dans une situation telle qu'elles n'éprouvent jamais,
et dans aucun cas, de la part du
fluide, une résistance capable d'en ralentir l'effet. On savait bien de quelle importance il était, pour
ces sortes de roues, d'obtenir ce
résultat, mais jusqu'à présent, au moins à notre connaissance, on avait tenté vainement d'y parvenir, et
nous pouvons assurer que cette
difficulté a été victorieusement surmontée dans la machine de M. Church qui, à cet égard, présente un
perfectionnement important et tout à
fait neuf.
M. le Consul ayant bien voulu nous permettre de faire prendre un croquis de cette machine, qui
d'ailleurs est exécutée avec Une rare
perfection, nous le mettrons sous les yeux des membres de la Société qui désireront le consulter, afin
de répondre aux intentions de M.
Church et suppléer à ce que cet expose, infiniment trop succinct, ne laisse que trop à désirer. Nous
nous hâtons d'arriver aux avantages
que l'on doit attendre de cet établissement.
sont des bourgeois, de vulgaires bourgeois ! Décidément, tant pis pour eux
DE L'EMPLOI DU BATEAU A VAPEUR DE M. CHURCH
ET DE SES AVANTAGES.
Le bateau a 75 pieds de longueur environ, mesurée sur le pont ; il est divisé en deux parties : la
première présente une salle bien
disposée, décorée avec goût et d'une étendue capable de contenir soixante personnes; elle est destinée
pour celles que la fortune
mettra à portée de faire les frais des divers agrémens qu'on peut désirer on voyage.
La seconde salle, placée dans la partie antérieure, sera à l'usage des voyageurs qui voudront user de
plus d'économie.
Il y aura à bord une cuisine de restaurateur et un café.
Le tarif des différentes places pour Macau, Blaye et Pauillac vient d'être rendu public.
Ces premiers avantages perdraient néanmoins de leur prix si le trajet à faire devait être lent et de
trop longue dUréè; mais à cet
égard l'expérience dont nous avons été témoin nous a permis de fixer les idées de la Société. Le bateau
remontant contre un courant
de jusant assez rapide a parcouru neuf mille mètres en une heure et demie ; ainsi on peut être certain
que, pour se rendre de Bordeaux
à Libourne, dans les circonstances les plus défavorables du vent et de la marée contraires, le bateau ne
devra pas employer ordinairement
plus de dix heures et pourra faire quelquefois ce trajet en six heures ; on peut appliquer l'analogie à
celui de Bordeaux à Blaye, à
Pauillac, à Royan, et en remontant au-dessus de Bordeaux jusqu'à Langon.
Nous devons maintenant parler de la sûreté de la navigation par le moyen du bateau à vapeur: à ce sujet,
nous dirons que, sous le point de
vue de l'embarcation en elle-même, de la solidité de sa construction, de ses formes nautiques, de la
facilité que lui donne le mécanisme
qui y est adapté comme moteur pour le faire avancer ou reculer à volonté, rendre stationnaire ou mettre
en panne, et opérer en un mot avec
facilité toutes les évolutions que le temps, l'état des eaux et les circonstances peuvent nécessiter,
cette embarcation ne laisse rien à
désirer. Ainsi il ne nous reste qu'à prévenir les craintes que quelques personnes auraient pu, mal à
propos, concevoir sur les dangers de
la part de l'explosion produite par la rupture des chaudières où se forme la vapeur : on a cité dans les
journaux un semblable événement
arrivé en Angleterre et en Amérique ; on voit même par le Bulletin de la Société d'encouragement pour
l'industrie nationale du mois de
février de la présente année 1818, que cet objet a excité assez l'attention de la Chambre des communes
du Parlement d'Angleterre, pour la
déterminer à charger une commission de lui faire un rapport où seraient indiquées les causes de
l'accident survenu et les moyens d'y
remédier. Mais il est à remarquer que l'explosion n'a eu lieu que de la part d'une machine dite à haute
pression, c'est-à-dire dans
laquelle la force expansive de la vapeur est portée depuis 150 jusqu'à 200, 250 livres et au-dessus par
pouce carré, tandis que dans la
machine dite à basse pression, c'est-à-dire excédant de peu le poids de l'atmosphère, l'effort n'est
pour la même superficie que de 20 liv.
1/2 environ. Les chaudières de la machine de M. Church sont éprouvées de manière à résister à 75 livres
par pouce carré, et comme il n'a
besoin, pour lui imprimer le mouvement, que d'un effort de 15 à 20 livres environ, pour la même surface,
il a pris des mesures certaines
pour rejeter tout ce qui est au-dessus de ce poids par le moyen des soupapes dites de sûreté, qu'il nous
a paru important de faire bien
connaître.
Elles sont composées d'un plateau ordinaire à tige d'une superficie de 19 pouces carrés ; elles sont
chargées d'une masse de plomb du poids
de 95 livres, d'où il résulte que chaque pouce carré de leur surface a un poids de 5 livres seulement à
supporter en excès de Celui
nécessaire au mouvement du piston. Tant que la force expansive de la vapeur ne surpasse pas celle
capable de soulever le poids, la soupape
demeure à sa place ; dans le cas contraire, elle se soulève et donne issue par la cheminée à une
quantité de vapeur telle que les choses
sont promptement rétablies dans l'état d'expansion convenable et suffisant au jeu de la machine.
Si l'on considère, d'après cela, combien la force des appareils de M. Church est supérieure à la
résistance qu'il en exige, on jugera sans
peine qu'il ne peut rester le plus léger doute sur la sûreté qu'ils présentent; et si, de plus, on se
rappelle ce qu'à la vérité nous
n'avons fait qu'indiquer plus haut, de l'isolement dans lequel on a eu l'attention de placer le feu des
chaudières, ce qui, indépendamment
de quelques autres précautions moins remarquables, s'opère en interposant partout, entre le fond, les
côtés des fourneaux et la charpente
du bâtiment, une tranche d'eau de 6 à 8 pouces d'épaisseur, on conviendra sûrement qu'il serait
impossible de compléter davantage les motifs
de la parfaite sécurité que cet établissement doit inspirer aux voyageurs.
Nous ne devons pas cesser de parler du bateau à vapeur La Garonne, sans donnér des éloges à son
constructeur, M. Chaigneau, qui en a
exécuté toute la partie nautique. Ce bateau, d'une forme élégante, nous a paru parfaitement bien entendu
dans toutes ses parties; il est
très propre à la marche ; il obéit au gouvernail avec une sensibilité remarquable. La machine est
installée dans son intérieur de la
manière la plus avantageuse à sa manoeuvre et à la solidité de tout le système, et cette construction
d'un genre absolument neuf,
dans ce pays, fournit une nouvelle preuve des talens déjà bien connus de son auteur.
Par les motifs qui viennent d'être exposés, la commission a l'honneur de proposer à la Société de rendre
à M. le Préfet de la Gironde,
le compte le plus favorable de tous les avantages que présente le bateau à vapeur de M. Church,
spécialement sous le rapport de la sûreté,
de témoigner particulièrement à M. le Consul toute la satisfaction qu'elle a éprouvée en prenant
connaissance des diverses parties de la
belle machine qu'il a fait construire, des perfectionnements importants qu'il y a appliqués, et de lui
exprimer les voeux bien sincères
qu'elle forme pour le succès de son entreprise.
Bordeaux, le 24 août 1818.
Signés à l'original : TEULÈRE, LARTIGUE,
LEUPOLD et DESCHAMPS, rapporteur.